8. Accusés et Fouillés (part. 2)

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Une marque rouge a pris possession de ses côtes gauches et une entaille se retrouve sur son omoplate. 

- Il n'est pas possible que tu te sois fait cette blessure maintenant Matt, je fronce les sourcils. Tu n'as pas pu te blesser à ce point.

Je reste perplexe tandis qu'il garde passivement le silence. Je reprends son vêtement et regarde dans quel état il se trouve. En effet, une coupure est bien visible au même endroit que sur le corps de mon meilleur ami. Je pose une main sur le sol et commence à me relever lorsqu'une poigne me bloque dans mon mouvement. Il me regarde, je me rassois. Il souffle et baisse les yeux quelques secondes.

- Tu as raison, je ne me suis pas blessé ici. Avant-hier, je suis parti 5 autres guerriers à l'extérieur des murs, comme d'habitude. Seulement, une créature m'a un peu abîmé, mais je vais bien. Seulement, la plaie a dû se rouvrir.

Je m'écarte de lui et croise les bras sur ma poitrine. Inutile de préciser qu'il ne devait pas porter sa tenue complète de combat, sans cela il m'aurait déjà demandé de la réparer.

- Et quand comptais-tu m'en parler ? 

Il ne dit mot.

- Jamais je suppose. Bien sûr, c'est du Matt tout cracher, ne jamais rien dire par peur que je ne m'inquiète ! Ose me dire le contraire ! crié-je.

- J'en suis désolé, souffle-t-il d'une voix à peine audible.

- Comment veux-tu que je te tienne au courant de toutes mes sorties et mes bêtises si même toi tu n'en fais rien ? Explique-moi !

Je me lève brusquement en lâchant un soupir rageur. Je me fige alors en posant mes poings sur mes hanches et en le regardant droit dans les yeux. Après plusieurs secondes de silence, je me dirige vers l'étage en lui ordonnant de s'asseoir sur la chaise.

Je gravie les marches jusqu'à la salle de bain. J'ouvre le seul placard mais ne trouve rien d'autre que quelques serviettes de bain, un savon, une brosse et un dentifrice. Je le referme rapidement et file dans la chambre de Matt. Je pousse la porte et arrive jusqu'à son placard. Cette pièce suit exactement le schéma et la même disposition que ma chambre. Les mêmes meubles y sont disposés, seuls les couleurs changent. Tandis que ma chambre regorge de noir et de kaki, celle de Matt est partagée entre le rouge foncé et les tons sombres, proches de ma couleur de cheveux. Son placard est recouvert de papiers de journaux découpés, de dessins ainsi que de rares illustrations qu'il avait déchiré dans ses manuels scolaires.

Je souris en repensant à toutes ces choses maintenant passées.


J'étais assise sur l'herbe verte que nous offrait chaque année le printemps. Je m'amusais à observer les fourmis se balader en attendant le retour de Matt. A l'époque, Matt avait 6 ans et mon anniversaire venait de passer. Mon père était encore absent, en mission certes, mais absent. J'attendais à longueur de journée leur retour, à eux deux. Quand enfin Matt pointa le bout de son nez se fut avec un immense sourire. Il portait sous son bras quelques feuilles et agrippait dans son autre main quelques crayons colorés. Il s'assit à mes côtés et alors un sourire éclaira mon visage. Les fourmis n'étaient plus intéressantes, le moins du monde, seule la présence de mon ami comptait.

Il posa ses affaires devant nous et m'en montra une en particulier. Cela représentait un superbe décore vu d'une colline, des arbres se disputaient un recoin de feuille tandis qu'une grande surface bleutée prenait une bonne partie de l'illustration.

- C'est jolie, non ?

- C'est magnifique ! Où l'as-tu trouvé Matt ? demandais-je sceptique.

- C'est l'école qui me l'a donné, me dit-il le sourire jusqu'aux oreilles.

Je savais pertinemment que cela n'était pas vrai, seulement j'étais bien trop éblouit par la beauté de ce petit bout de papier pour oser dire un mot de plus. Je n'avais jamais vu de chose semblable à celle-ci. Je n'avais jamais vu un paysage capturé sur un papier. Comment cela était-il possible ? Je n'en avais aucune idée. C'est alors que Matt m'avait proposé de créer avec lui de nouvelles images.

Il m'avait appris à tenir un crayon en main et comment tracer un trait grâce à celui-ci. Oui, il m'avait appris à laisser une marque dans le temps, ma marque. Nos dessins ne ressemblaient pas à grand-chose, et encore moins à l'image que l'école lui avait soi-disant donné, mais nous nous en fichions, l'important étant de passer un moment ensemble à s'amuser.

Nous avions consacré toute notre après-midi à cette superbe activité. Chaque jour qui suivit, Matt rapportait une illustration différente, et un jour il m'avait avoué que c'était en réalité lui, qui les arraché aux livres de l'école. J'avais alors ris, puis il m'avait dit "Ce n'est pas de ma faute tu sais, j'aimerai que tu puisses toi aussi apprendre et comprendre notre monde". Et bien sûr, à chaque fois il se faisait punir. Il faut dire que les livres deviennent de plus en plus rares, alors, il avait arrêté de martyriser chaque livre illustré qu'il tenait en main.

Mais nous n'avions pas pour autant arrêtés de dessiner, et cela portait peu à peu ses fruits. Nos coups de crayons s'amélioraient ainsi que nos paysages.


Et bien sûr, Matt avait accroché chacun de nos dessins, ainsi que chacune des images qu'il rapportait. Toutes se trouvent actuellement sur les pans de son placard et de ses murs. Je chasse ces souvenirs et ouvre le placard en question. Je fouille dans ses affaires jusqu'à tomber sur une petite trousse rouge, je la prends et redescends avec.

Je m'avance dans l'unique salle et remarque que Matt m'attend sagement sur la chaise. Je viens devant lui, pose la trousse sur la table et l'ouvre. Je plonge mes mains à l'intérieur et cherche désespérément quelque chose qui puisse faire office de pansement. La plaie n'est pas extrêmement profonde, inutile de vouloir recoudre, cependant elle n'est pas assez superficielle pour pouvoir se résorber normalement et rapidement.

Je prends une compresse et un petit rouleau de sparadrap. Sa blessure n'a pas l'air de s'être infectée par quelconque bactérie, et nous n'avons presque plus de désinfectant. Je préfère le garder pour un jour où Matt sera réellement en piteux état. Je positionne alors la compresse sur sa coupure, et sans tenir compte de sa grimace, je l'attache grâce au sparadrap. Je vérifie que cela tienne suffisamment bien, puis je lui dis que je vais raccommoder son T-shirt, il en aura besoin. Il hoche la tête et s'assoit à même le sol.

Je ramasse son vêtement et prends un fil du même coloris, ensuite je commence mon tissage. Je fais attention cette fois-ci à ne pas me piquer.

- Je te promets que la prochaine fois je t'en parlerais.

Je lui souris. J'allais rajouter quelque chose lorsqu'un bruit se fait entendre, provenant du rez-de-chaussée. Je me fige et tends l'oreille. Plusieurs pas sont largement audibles au-dessus de nos têtes. Matt me regarde, les yeux remplis d'incompréhension, et je fais de même. Des voix nous parviennent, ce sont des hommes. Tandis que certains montent les escaliers, d'autres les descendent, tout droit dans notre direction.

Je n'ai point le temps d'esquisser un geste quequatre hommes bondissent dans la pièce, se dirigeant vers nous. 

GuerrièreWhere stories live. Discover now