8. Accusés et Fouillés (part. 4)

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Le général place alors ses mains en évidence, derrière son buste, puis il commence à faire les cent pas dans la pièce. J'espère sérieusement qu'ils ne trouveront rien, en tout cas, rien qui ne m'appartienne. Je ne voudrais pas qu'ils tombent sur des choses qu'ils n'auraient jamais dû voir.

Le général détaille chaque recoin de la salle, fouille du regard. Il semble essayer de déceler un élément que seul lui pourrait relever, il pense, réfléchit. Chaque meuble, chaque trace au sol paraît susciter chez lui un intérêt nouveau comme si ils lui contaient toutes les histoires qui ont pu se dérouler ici. Puis, soudain, il se tourne dans notre direction et nous fixe sèchement. Il inspecte chaque plie de nos visages, chaque posture, chaque mouvement aussi rare soient-ils. Cela est un homme droit, sévère et qui contrôle toujours chaque chose, chaque personne, chaque plie de visage. Il n'a pas le droit à l'erreur et, en conséquent, ne l'accorde point non plus. J'ai l'impression que son regard me traverse, que grâce à lui il arrive à lire toutes mes émotions, toutes mes pensées, tous mes doutes. J'ai l'impression d'être un livre ouvert à la mauvaise page, page ne portant pas sur le bon sujet, sujet n'étant pas désiré par le lecteur, lecteur qui se trouve actuellement devant moi.

Son regard dérive alors sur la table se trouvant derrière moi. Mes éléments de couture sont encore dispersés sur celle-ci. Il les fixe étrangement et penche légèrement sa tête de côté pour avoir une autre vue de la situation. Il semble vouloir parler, ouvre la bouche, puis se ravise. Il pose un doigt sur son menton et réfléchit.

- Pourquoi avez-vous autant de tissus et de vêtements si vous ne deviez recoudre seulement qu'une entaille ?

Je choisis de jouer la carte du mensonge et de la compassion, voire de la pitié. C'est celle qui marche le mieux, en général. Je baisse légèrement la tête, puis la relève doucement.

- Comme vous devez malheureusement le savoir, nos géniteurs sont morts. Depuis ces tragiques incidents, j'ai toujours peur qu'il arrive quelque chose à Matt. Croyez-moi, ce n'est point facile de vivre avec cette inquiétude qui vous tord l'estomac, cette phobie qui vous suit partout. Je sais que je me fais du souci pour rien, Matt sait très bien se débrouiller sans moi, mais seulement... Lorsqu'il s'est blessé, je n'ai su résister au fait de veiller sur lui pour les quelques temps à venir.

Ma voix a prit une toute autre teinte. Elle résonne faiblement douce et triste. Je baisse les yeux, honteuse de ce que je m'apprête à dire. J'inspire lentement.

- J'ai donc apporté mes travaux dans cette pièce. Je me doutais que lorsque je faisais cela je risquais de briser une règle de notre cher Conseil, commencé-je avant d'avaler difficilement ma salive - puisqu'il faut dire que prononcer "notre cher Conseil" ne fait pas parti de mes habitudes quotidiennes - pensé-je. Alors, pour diminuer les dégâts, je me suis positionnée sur cette chaise, face au mur, de manière à ne pas pouvoir entrevoir ne serait-ce qu'un seul de ses mouvements guerriers. Mais tout en pouvant intervenir au cas où sa blessure se rouvrirait, finis-je.

Mes mains sont venues se serrer devant mon bas ventre, telle une petite fille ayant fait une bêtise devant son père. Aucun de nous ne parle. Il faut avouer que même si je n'apprécie en aucun cas le mensonge, il sait se rendre utile et surtout il sait enjoliver les choses. Et puis, il faut dire que les mensonges résonnent dans ma bouche telle une pure vérité, ce qui m'aide énormément.

Le général ne laisse rien paraître et semble réfléchir en se remémorant chaque virgule ne nos échanges.

- Je suis absolument navrée si j'ai fait quelque chose de mal. En aucun cas je ne voudrais me justifier par peur d'altérer votre véritable jugement, seulement, je ne sais point si vous connaissez cet effroi qui vous suit partout tel un cauchemardesque fantôme du passé, mais croyez-moi, c'est à vous rendre fou, dis-je à voix basse comme pour moi-même.

Cette phrase se voulait fausse, mensongère, seulement lorsque je la prononce elle raisonne étrangement vrai. Elle n'est pas ce qu'elle aurait dû être.

L'homme qui se tient devant moi, me dominant de plus d'une tête avec son imposante musculature semble, pour la toute première fois, hésiter. D'un mouvement presque invisible, il abaisse ses épaules maintenues au part avant. Il fait cela comme un signe de défaite envers lui-même.

- Oui, je sais ce que cela fait, prononce-t-il enfin.

Cela fait plusieurs minutes que le silence règne et nous ne bougeons presque plus. Nous attendons les autres guerriers, jadis partis fouiller notre demeure. Je pense sincèrement que nous avons réussi à prouver notre innocence devant le général. Et même si cela n'est qu'une supposition, je suis soulagée.

A plusieurs reprises, des pas se font entendre au-dessus de nos têtes, mais jamais ils ne descendent. Je ne sais si cela est une bonne ou mauvaise nouvelle. Soit ils n'ont rien trouvé et cherchent encore quelque chose qui soit susceptible de nous inculper, soit ils ont trouvé plusieurs armes et ils fouillent d'autant plus pour essayer d'en obtenir d'avantage.

L'attente commence à se faire longue. Au moment où j'allais prendre une grande inspiration, un grand bruit a lieu. Celui-ci nous fait légèrement sursauter, il faut dire que le silence n'était pas maître, il était empereur. D'autres bruits s'exclament et se rapprochent de plus en plus. Soudain, plusieurs guerriers débarquent dans la pièce où nous nous trouvons. Ils sont plus que ce dont j'avais pu m'imaginer, une quinzaine certainement. Un de ceux-là s'avance alors vers nous, sûr de lui. Je reconnais son air orgueilleux et ses mèches blondes en bataille qu'il replace actuellement. Il place ses mains devant lui, jointes, tandis qu'un sourire de fierté vient se dessiner sur son hautain visage.

- Général, il incline la tête en signe de respect, j'ai de bonnes nouvelles.

Le général fronce légèrement les sourcils, perplexe.

- Qu'appelles-tu de bonnes nouvelles ? Comment peux-tu savoir si celles-ci sont bonnes ? Tu ne sais ni le motif ni le réel but de cette mission. Tu ne connais rien, tu es insignifiant Jalvis et par conséquent tu n'as aucun droit sur ce genre de décision. Ne laisse pas transparaître tes propres motivations, puisqu'elles ne m'intéressent aucunement.

Son ton sévèrement calme en fait blêmir plus d'un. La froideur s'échappe de la bouche du général laissant une ambiance glaciale à la salle. Le visage de Jalvis se ferme instantanément.

- Ne prends pas tes aises avec moi. Suis-je bien clair ?

- Oui, général, il baisse la tête.

Un long silence règne dans la pièce jusqu'à ce que le général reprenne la parole et que Jalvis relève son regard.

- Que voulais-tu me dire ?

- Nous avons trouvé certaines choses à l'étage, dit-il seulement en me lançant un mauvais regard.

Mon sang se glace.

GuerrièreWhere stories live. Discover now