11. La Séparation (part. 4)

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Il faut que je trouve un endroit pour dormir. Vu ma petite mésaventure, je ne pense pas dormir allongée dans l'herbe.

Je réfléchis encore quelques instants pour finalement opter pour la solution "s'asseoir sur une branche, en hauteur et voir comment la suite se déroule". Je me positionne devant un grand séquoia et l'admire. Comment une plante peut-elle vivre assez longtemps pour acquérir une dimension aussi folle ? Ces arbres ont dû voir grandir plusieurs générations d'être en tout genre. Comment peuvent-ils restés immobile devant toutes ces choses ? Toutes ces décennies qui se sont écoulées à leurs pieds ?

Je pose ma main gauche sur la première branche et m'y propulse grâce à mes jambes. Je me hisse dessus à l'aide de mes bras, malgré ma robe qui s'accroche à toutes les écorces ne demeurant pas parfaitement lisses. Autant vous dire que ce n'est pas chose aisé. Puis, en essayant de garder mon équilibre, je me mets debout pour m'accrocher à la branche suivante, et ainsi de suite.

Alors que je suis à la quatrième branche, une vive douleur se fait brusquement ressentir au creux de mon ventre, me pliant en deux et me faisant lâcher la prise que j'avais sur l'arbre. Je commence à glisser. Avant que je ne tombe violemment, je me reprends et m'accroche de nouveau à une branche. Je m'assois sur celle-ci tout en gardant une main sur mon ventre. La douleur me broie les entrailles. Je n'arrive plus vraiment à me concentrer sur autre chose.

Je passe ma jambe droite par-dessus la branche et la fait pendre dans le vide, tandis que mon autre pied est posé sur le bois. Je plie mon genou pour trouver un peu plus d'équilibre et pose mon coude dessus. La douleur ne s'atténue pas, cependant je m'y habitue. Je me demande pourquoi ce mal me prend maintenant ? Est-ce le stress ? Ou tout simplement une crampe ? Aucun de ceux-là je pense. Ce doit certainement être les baies que j'ai mangé tout à l'heure. Il faut dire que je ne m'y connais pas vraiment en botanique, tout comme dans pleins d'autres domaines. Les quelques albums que Matt me montrait ne m'apprenaient que très peu de choses. Je ne suis pas très instruite, certes, mais j'ai déjà plus de savoir que la majorité des femmes de ma ville. Je ne suis jamais allée à l'école élémentaire, mais je suis toujours inscrite à l'école de la vie. J'apprends sur le fait, et pas dans le désordre en fonction de l'humeur du professeur.

Le ciel a tourné au bleu marine et quelques étoiles font déjà leur apparition. La nuit commence à envelopper les alentours. Et moi, je suis toujours perchée sur ma branche, tenant en équilibre avec une vive douleur me tenant le ventre. Alors que pendant ce temps, certaines personnes dorment paisiblement dans des draps doux et soyeux. La vie est parfois injuste.

Lorsque je réalise pour quelle raison j'ai pensé cette phrase je me frappe mentalement. C'est bien égoïste de penser cela pour une chose aussi ridicule alors que certainement des gens vivent dans la constante misère et voient leurs proches tomber malade. Il y a bien pire que moi, je n'ai pas à me plaindre. J'ai eu la chance de naître dans une ville bien protégée. J'ai fait des choix, comme tout le monde.

Des grognements attirent mon attention. Je baisse la tête mais ne vois rien. Il faut dire que la nuit se fait lourde. Si je reste immobile et silencieuse, je ne retiendrai l'attention d'aucune créature, normalement. Les pas s'éloignent peu à peu, le stresse redescend. C'était peut-être seulement un animal après tout.

Soudainement, la douleur s'intensifie. J'ai chaud. J'ai très chaud et le poids de ma tête se fait ressentir. J'ignore pourquoi ces bouffées de chaleur me prennent. Certes le mois de novembre touche à sa fin, mais l'air nocturne est encore frais.

Je lève les yeux. Au travers du feuillage, je distingue de multiples étoiles. L'avantage avec elles, c'est que même si je partais à plusieurs kilomètres, je les verrai encore. Elles brilleraient encore de la même intensité. Je me demande à quoi elles ressemblent. Enfin, cela m'étonnerait que de grandes lampes en forme d'étoile flottent dans le ciel. Les soirs où mon père était à la maison, il me racontait des histoires, des légendes à leurs propos. Il faut dire qu'elles m'ont toujours fascinée. Même petite, je posais souvent d'innombrables questions sur elles et leurs origines.

Au-dessus de moi, le temps passe. Seul un croissant de lune éclaire faiblement mon corps. Je ferme les yeux quelques secondes et m'imagine dans mon lit, rassurée à l'idée que Matt dort dans la pièce d'à côté. Pendant encore quelques instants je me persuade que rien n'a changé. Malheureusement, j'ai beau m'inventer toute sorte de chose, le sommeil se refuse à venir m'envahir de rêves. La fatigue s'étendant dans mon corps est annulée par le flot de pensées qui submergent mon esprit. J'essaie tant bien que mal d'arrêter toute réflexion, mais j'échoue. Je ne cesse de me remémorer les derniers événements journaliers en cherchant ce qui m'aurait échappée. Je tourne en boucle les paroles du Conseil lors de notre convocation pour savoir où la situation a commencé à virer aussi mal.

- Il y a forcément quelque chose, je me répète en boucle.

Au fond, je sais que cela ne reste qu'un prétexte pour ne pas voir la vérité en face. Les événements se sont enchaînés tellement vite. Je souffle lentement. Il faut simplement que je me calme et que je prie pour que, du côté de Matt, tout se passe bien. Je jette ma tête en arrière, la collant au tronc de l'arbre. Je respire profondément et salue les étoiles d'un regard.

- Malgré son Examen, j'espère que Matt aura une belle vie, je confie même si une petite voix dans ma tête ne peut s'empêcher de rajouter "sans moi".



GuerrièreWhere stories live. Discover now