37. Nuit Sanglante (part. 3)

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Je me demande si la section a également le même problème. Je l'espère. Au moins, je me sentirais moins seule. Je souhaite que Victhorion sent en ce moment même sa gorge s'assécher, sa langue s'engourdir, son cerveau se compresser. J'éteindrais bien le feu qui naît dans mon cœur mais je n'ai pas d'eau, seulement des brindilles pour l'attiser.

La nuit raccourcit nos pas. En temps normal, nous nous serions déjà arrêtés pour la nuit, mais pas cette fois-ci et les guerriers non plus. Malgré l'obscurité pesante, nous ne nous poserons qu'une fois avoir rejoint la prochaine rivière. Savoir que la section aussi est à court d'eau me réjouit.

Soudain, un crissement m'écorche les oreilles. Nous retrouvons rapidement Jonas, étant éclaireur pour la journée. La section s'avance plus et une odeur de pourriture me donne la raison.

- Il faut reculer. Avec un peu de chance, ils nettoieront tout ça, assure notre éclaireur.

J'acquiesce et nous entamons une marche arrière. Sans trop s'éloigner, nous restons en place, prêts à une éventuelle attaque. Thaym déloge son arc de son épaule et pioche une flèche dans son sac, ouvert. Pendant ce temps, Shesy fait tournoyer deux armes autour de ses doigts. Je ne perçois que le reflet de celles-ci et c'est trop peu pour déterminer pour quelles armes as-t-elle optées. Tandis que je sors mon épée à lame courte, Matt tient son arc en place. Jonas et Wyden sont derrière moi, je ne peux qu'entendre le glissement du métal contre son étui. L'odeur me fait plisser le nez. L'odeur d'un macchabé.

Une masse bouge au loin. Avant que je ne puisse correctement l'identifier, Thaym la transperce d'une flèche. Un grognement étouffé vole vers nous. La seconde flèche est de Matt, suivie par le bruit sourd d'un corps qui s'étale au sol. Tous deux échange un regard entendu et confiant. Même dans cette pénombre, les émeraudes enfermées dans les prunelles de l'ancien sergent luisent comme si chacune d'elles renfermaient un soleil éclatant. Le son d'un combat animé nous parvient toujours et l'attente devient de plus en plus anxieuse. Je sais que les créatures vont arriver. Oui, mais quand ? Tout de suite, dans quelques secondes, quelques minutes ou plusieurs heures ? Le tout est d'être prêt. Ce fond sonore au premier abord rassurant m'oppresse peu à peu, me faisant oublier ma gorge sèche.

Brusquement, je ne l'entends pas approcher, mais je la sens. Une de ces horribles vagues vient me brûler le nez et les yeux. Elles viennent. Thaym décroche des flèches à n'en plus finir, tout comme Matt. Une, deux, trois, quatre créatures au sol. Mais il y en a encore plus debout. Tandis que le blond continue de tirer, Matt jette son arc près d'un arbre et dégaine ses dagues. Je fais tourner ma lame, m'échauffant les poignets. Tel une vague ravageuse, elles nous percutent violement. J'étudie chaque déplacement d'air, chaque son, chaque impression. Je me basse. Ses griffes frôlent ma tête. Je découpe ses jambes. Elle tombe au sol. J'évite quelque chose en roulant au sol. J'en profite pour achever la créature. Tandis que mon épée tranche un torse, ma dague se plante dans une trachée. Du sang noir me gicle dans la figure. Un cri m'échappe. Par vengeance, je l'éviscère d'un mouvement de bras.

- Tery ? s'exclame une voix rauque.

L'anxiété de ce mot me transperce.

- Tout va bien, je rassure Wyden.

Je me jette au sol. Je l'ai échappé bel. Je me redresse moins d'une seconde et finis encore par terre. Je ne discerne pas toutes les créatures mais un éventail de griffes volent en tous sens. Mes armes fendent l'air. Je tourne et envois des coups là où cela me semble juste. Je ne prends pas la peine de reprendre mon souffle. Je saute mais pas assez et un coup me trébucher. Mes mains réceptionnent mon corps. En basculant, un méchant coup de pied fait pleurer une créature. Je laboure un dos, sectionne un bras, entaille un cou. Quand soudain mon épée reste bloquée entre deux côtes pourries. Je tire, mais rien à faire. Je lâche pour échapper à un coup. Je blesse son bras avec ma dague. De ma main gauche j'accroche le manche de mon arme. Je frappe violement son ventre grâce à un coup de pied, tout en tirant mon épée dans un grognement. Elle glisse enfin de l'abdomen de mon ennemi.

- Enfin, c'est pas trop tôt, je murmure à mon épée.

La créature s'avachit contre terre. Je m'attaque alors à la suivante. Je tourne, taille, tranche, plante, tombe, pare, évite, lacère. Je me sens dans mon élément. Tous mes nerfs vibrent à l'unisson lorsque ma lame se plante dans de la chair. Je me plais à imaginer l'Aîné à la place de cette créature qui souhaite me mort. Une rage intense brûle dans ses yeux injectés et pourpres. Mon bras se déplie brusquement et j'entends sa tête tomber au sol. Heureusement que je ne la vois pas rouler, cela me soulèverait le cœur.

La pointe de mes armes décrit des arabesques dans la nuit. Une danse mortuaire les anime. Par moment mes cheveux fouettent mon épaule. Mais bientôt, plus rien ne s'en prend à moi. Je tourne encore sur moi-même attendant la prochaine attaque. Mais celle-ci ne vient pas. Ma poitrine se soulève rapidement au rythme de ma respiration. Un silence de mort nous entoure. Je cherche du regard mes camarades. J'avance en me dirigeant au bruit de leurs pas en prenant garde de ne pas trébucher. Je lève mes pieds à chaque pas. Le sol est couvert de corps. Cette pensée me donne des haut-le-cœur. Je secoue la tête et écoute les respirations et petits bruits. Il semblerait que tout le monde soit là.

Quoique... Je n'entends pas cinq personnes mais six. Mon cœur fait un bon. Une main vient se plaquer contre ma bouche et une autre me tient par les cheveux. On me tire en arrière. Ces mains sont caleuses et d'une grosseur masculine. Une voix cassée me susurre un chut à l'oreille. Mes yeux ne cessent de s'écarquiller. Malgré mes tentatives, je n'arrive pas à l'atteindre. Son bras coince les miens. Mes pieds s'emmêlent avec les cadavres.

- Tiens-toi tranquille veux-tu.

Il me glisse un mouchoir dans ma bouche, si profond que je manque de m'étouffer. Il faut tomber mes armes par terre. C'est un guerrier. Il m'amène au général. Un sentiment de peur et de joie se mêle à l'idée de le voir en face une autre fois. Puis je me reprends, il n'est pas question que l'on m'amène jusqu'à lui, j'ai une mission à mener à bout.

- Grâce à toi, j'aurai la grosse récompense. Vois comme tu es mignonne Theresy.

A ces mots, il enlève sa main droite de ma bouche et me frappe la joue, puis la serre entre des doigts ensanglantés. Je ne peux pas cracher son mouchoir, il l'a attaché je ne sais comment autour de ma tête.

- On sera tous contents de voir une jolie poupée comme toi, après ces longues semaines passées tout seuls.

Son insinuation me met hors de moi et je me force à me contenir. Il m'emmène. Il prend naturellement moins de précaution puisque je ne suis pas un guerrier. Je joue alors sur quelques mètres la femme sage, faible et résignée. Il semble d'ailleurs très heureux de cela. L'homme me tire par les cheveux, tout en me serrant la taille. Ses mains en contact avec ma peau me dégouttent. Je fais exprès de me cocher contre une racine et tombe au sol. Mes hanches échappent alors à sa poigne. Il ne reste que ses doigts solidement agrippés à mes cheveux. Avant qu'il ne me redresse. Je sors ma dague, m'attendant sagement dans mon holster. Je lance un coup vers lui, mais ne l'atteints pas. Je retente mais toujours rien, il est trop loin. Un grognement de rage se glisse entre mes dents. Je n'aperçois pas son visage, mais je l'entends dégainer. Mon sang ne fait qu'un tour. Il me traîne sur les fesses par mes cheveux. Une douleur s'élance dans mon crâne. Il ne lâchera pas. Alors d'un mouvement de main, je tranche mes cheveux. Je profite du fait qu'il perd quelques secondes l'équilibre pour me relever, tourner et planter ma dague dans son cou. Dans ses yeux se mêle étonnement et haine. La haine des femmes. Je tourne ma lame dans un geste sadique et la retire. Je le laisse s'étrangler dans son propre sang et rebrousse chemin sans une larme, sans un remord, avec la rage au cœur.



GuerrièreWhere stories live. Discover now