45. Vérité Sanglante (part. 3)

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Cela fait un moment que Matt ne nous regarde plus. Il est comme plongé dans un monde à part. Là où il doit se sentir encore libre et déchargé de toute responsabilité. Mon cœur bat dans mes tempes.

- Non, il n'était pas là pour t'amener vers une vie meilleure. Il avait pour objectif de d'écourter tes jours. Il devait te tuer. Il voulait t'assassiner tout comme il venait de faire couler le sang d'un de ses hommes. Crois-moi, il était déterminé. Ne pense pas que je dis cela pour que tu lui tournes le dos. Sinon, pourquoi serait-il venu ? Pourquoi nous aurait-il informé de ta position ?

Mes oreilles bourdonnent. Je n'y crois pas, mais ma raison acquiesce à chaque nouvelle phrase. Mon monde tourbillonne, en équilibre au bord d'une falaise, simplement retenu par l'idée qu'il n'aurait jamais pu faire cela même sous la contrainte.

- Non, c'est faux, j'affirme durement en soutenant fermement une idée fébrile. S'il avait voulu le faire, je ne serai pas devant vous.

- Il ne faisait qu'attendre le moment idéal. C'est ce qu'il disait chaque soir aux équipes de nuit qui patrouillaient aux alentours. Il s'y préparait chaque fois que tu lui tournais le dos. Et la nuit, la nuit tu devais y réfléchir. Si tu l'égorgeais durant son sommeil, ne souffrirait-elle pas moins ?

Mon regard se dirige vers Matt, avide de questions sans réponses. Ma bouche ouverte et mes yeux écarquillés ne rencontrent qu'un regard chocolat fondu dans de la honte et un besoin de rédemption.

Je ne veux plus être là. Je ne veux plus voir le général. Je ne veux plus l'entendre. Je ne veux plus le croire. Mais ses paroles continuent d'inciser mon cœur et de trancher le silence assourdissant de mon meilleur ami.

- Pourquoi était-il si colérique, si nerveux, si injuste envers toi ? Pourquoi était-il toujours aussi stressé ?

Le visage dévasté de Matt m'inonde. Une larme s'échappe de ses yeux, roule sur son visage blafard et s'écroule dans son cou.

- Il t'en voulait de ce que tu lui avais fait subir, de là où vous en étiez arrivés par ta faute. Il te haïssait. Que t'a-t-il raconté sur son Examen pour combler le vide qu'il n'a pas eu la décence d'avouer ? T'a-t-il dit qu'il était là parce qu'il t'aimait, que vous ne deviez plus retourner à Westen ? Que Le Conseil en avait après toi ? Qu'Il voulait te torturer et que Matt faisait tout cela pour te sauver ?

Chaque cellule de mon corps crie, agonise à bout de force. Mon ventre se tord dans tous les sens. J'ai envie de vomir. Une sensation de chaleur envahit mon cœur et me fait tourner la tête.

- Crois-tu encore toutes ces choses ? Tout ce qu'il a pu te promettre ?

Je manque d'air. Mon espoir, chancelant, chavire et mon monde bascule. Il plonge dans une chute infinie où plus rien n'a de sens.

- Et si, depuis le début, son but était que vous vous fassiez prendre ? Pour que tu nous reviennes enfin ? Que tu sois sous notre emprise.

Ses questions tournoient dans ma tête et créent un brouillard, une fumée noire qui m'empêche de respirer. Je ne peux plus rester là à l'écouter. Je ne peux plus rester là. Je ne peux plus. Je ne peux...

Impulsivement, j'envoie un coup d'épaule mais l'homme m'a déjà lâché depuis longtemps. Et, sans un regard, je cours. Mais j'entends tout de même sa voix. La voix de l'homme que j'ai toujours aimé depuis le plus loin que je me souvienne qui me crie de rester. Qu'il est désolé, qu'il n'aurait jamais pu, qu'il... Je ne l'écoute plus. Sa voix brisée me fait mal. Je sens les sanglots coincés dans sa gorge et pleuvoir sur ses pommettes. Mais je ne veux pas rester. Je ne le peux pas. C'est au-dessus de mes forces. Je ne respire plus. Mon cœur ne bat plus. Je ne vois plus rien. Et mes jambes s'enfuient. Elles s'enfuient loin d'ici. Elles s'enfuient loin de Matt. Elles s'enfuient loin de la vérité. Loin de ma vérité. Loin de moi.

Je ne prends pas le temps d'écarter les branches qui me griffent les bras. Je cours à en perdre haleine. J'ai mal. J'ai trop mal. Je m'effondre par terre. Mon corps me fait mal. Mon ventre me fait mal. Cette chaleur revient. Elle me fait tourner la tête. Je me sens secouée. Dans un spasme, mon ventre se comprime. Ma vue se trouble. Dans un deuxième spasme, ma bouche s'ouvre et mon corps se vide. Mon estomac rejette le repas que je n'ai pas pu prendre aujourd'hui. Je me vide de toutes pensées, et j'aimerai pouvoir me vomir moi-même, pouvoir sortir de mon corps au moins quelques instants.

Je me redresse, mon monde tourne, la plaine tourne, mes yeux roulent. Je recule de quelques pas, fébrile. Brusquement, mes muscles m'abandonnent et je m'écroule au sol. J'en ai marre. Je ne veux pas de ça. Je ne peux plus. Je plonge mes doigts et mes ongles dans la terre. J'arrache. J'arrache tout ce qui se trouve autour de moi. Je le jette loin. Loin de moi. Je veux m'en aller. M'en aller dans le passé et tout faire pour ne pas avoir à vivre ce moment. Je pose brutalement mes mains sur ma poitrine. J'ai bien trop mal. Une rivière a creusé mes joues, cherchant désespérément à être consolée, comme une enfant, dans les bras d'un père mort ou d'un frère qui me voulait morte. Dans des mouvements vains, j'essaie d'arracher mon cœur, d'arracher toute cette douleur.


GuerrièreWhere stories live. Discover now