16. Agitations Nocturnes (part. 2)

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Et c'est alors que je m'autorisais à dévaler les marches d'escaliers en courant. Je sautai dans les bras de mon père. Il me souleva et me serra dans ses bras. Des larmes de joies coulèrent sur sa veste en cuir alors qu'il me chuchotait des mots de réconforts. J'étais si heureuse. Mon père était là.

-        J'avais peur que tu ne reviennes pas, sanglotais-je en me retenant d'ajouter le 'comme d'habitude'.

-        Je reviens toujours.

Je m'écartai un peu et plongeais mes yeux dans les siens, plus colorés. Ses boucles brunes étaient sales et retombaient devant ses yeux, signe qu'elles avaient poussé. Ses pommettes saillantes avaient reçu une nouvelle blessure. Ses mains caleuses me déposèrent à terre, puis m'ébouriffèrent les cheveux d'un geste affectueux.

-        Mais c'est que tu as grandi toi dis-donc ! remarqua-t-il. Et toi aussi bonhomme, mais attention plus de bêtises avec ces livres sinon tu vas devenir un vrai petit rebelle.

Alors qu'il plaisantait, ma mère le reprit.

-        Bon allez à la douche, petits guerriers.

Après un dernier regard, je couru dans les escaliers, suivi de Matt, en rigolant.

Je tente d'ouvrir les yeux, mais le soleil m'éblouit trop. Je plisse les yeux, m'oblige à garder mes paupières ouvertes pour m'accommoder à la luminosité. Une fois levée, je remplie une gourde d'eau, la place dans mon sac et enfile ma veste. Puis, encore, nous entamons notre course. Marcher prendrait trop de temps, c'est bien trop risquer.

Nos pas sont réguliers, ma respiration et les battements de mon cœur également. En quelques jours intensifs, j'ai fais des progrès en endurance, et tant mieux. Je suis heureuse d'être à l'abris du feuillage, le soleil lui est haut dans le ciel et je n'aimerais pas avoir une insolation, comme me le répétait Evae lorsque j'étais plus jeune. Je secoue la tête. Je ne sais pas si je m'habituerais un jour à l'absence d'une personne qui compte – comptait pour moi.

Nous faisons une halte. Matt me tend une viande séchée que j'accepte avec grande envie. Mais je m'oblige à la manger doucement. Cela fait du bien de sentir de la nourriture dans sa bouche. Tandis que nous buvons, Matt m'encourage.

-        Courage, bientôt nous pourrons dormir dans bon lit et manger normalement.

-        J'espère bien !

Je rigole un peu, j'en ai besoin. Mais rapidement, nous nous remettons en route. Nous ne longeons plus la rivière, puisque c'est ici que nous chercherons les guerriers. Mais nous tenons le rythme, maintenus par l'idée d'une maison accueillante et d'un bout de vie paisible. J'espère que ce n'est pas qu'une illusion, pour une fois.

Le soleil est bas. Le crépuscule illumine différemment les herbes et feuillages. C'est beau. Je laisse mes yeux observer ces couleurs chatoyantes que nous voyons si peu de temps. Cela donne un côté surréaliste. Mon ombre s'étire devant moi alors que mes foulées s'enchaînent.

Depuis que j'ai été exilée de Westen, je suis dans la forêt. D'après les images que me ramenait Matt, j'imaginais qu'il y avait plus d'animaux que cela. Nous n'en avons croisé que très peu. Moi qui m'imaginais un tout autre monde : cela en est bel et bien un totalement différent, seulement pas comme je me le représentais. Je me perds longtemps dans mes pensées tandis que mes jambes filent toutes seules à un rythme régulier suivit par ma respiration et les battements de mon cœur. Nous courons jusqu'à ce que la nuit se fasse noire depuis trop longtemps. C'est l'heure de la pause comme qui dirait. Je prends le premier tour de garde étant donné que j'ai dormis cette ce midi. Je m'assois tranquillement. Seulement voilà : je m'ennuis. Mes pensées ne m'occupent plus assez. J'ai déjà retourné chaque sujet qui m'est passé par la tête. Je décide de faire une ronde. Quelques temps plus tard je m'aperçois que ce n'est pas non plus très occupant. Je regarde les alentours, cherchant une activité que je pourrais faire sans trop de concentration. Puisqu'après tout ma tâche principale est de surveiller. Je n'ai pas d'idées. Je lève la main vers un arbre et arrache un bout de branche. Je le retourne plusieurs fois entre mes mains et m'assieds avec. Je commence par enlever les feuilles qui s'y trouvent. J'épluche l'écorce. Il est joli comme cela. Je sors une dague de mon holster et l'approche du bois. Je commencer à tailler le bout. Je lui donne une forme de pointe. Entre deux coups de couteaux, je relève la tête pour vérifier que ce que le silence qui règne correspond bien à la réalité. Je m'applique. Après avoir terminé cela, je tente de sculpter certains motifs. Je dois avouer que je n'excelle pas dans ce domaine. Représenter un dessin dans du bois.

Cependant, un moment plus tard, 6 étoiles sont gravées. Irrégulières, certes, mais avec une forme reconnaissable. Je soupire. Cela n'aura pas servi à grand-chose, à part m'occuper, puisque comme le bois est encore frais il n'est point dur. Il faudrait le laisser en plein soleil – ce qui n'est pas vraiment réalisable étant donné que même en pleine journée le seul endroit où le soleil n'est filtré par les arbres est au-dessus de la rivière, et malheureusement je n'ai jamais vu de battons qui volent. Oui heureusement plutôt, car sinon cela faudrait dire que j'ai des hallucinations et nul besoin d'être médecin pour savoir que cela n'est pas bon signe.

J'aurai dû réveiller Mat depuis un petit moment, mais il a l'air tellement épuisé par toutes sortes de choses que je lui laisse du rab. Soudain, j'entends un craquement. Je me retourne précipitamment. J'ai une main sur le manche de ma seconde dague. Il n'y a personne. Je lève les yeux, la dernière fois les guerriers étaient dans des arbres. Je ne distingue rien dans l'obscurité nocturne. Je ne sais pas si je préférerai que cela soit des guerriers ou des créatures. Les créatures sont beaucoup plus fortes la nuit, dans le noir, mais les guerriers ont un entraînement spécifique et savent utiliser correctement toutes sortes de stratégie. Je bloque momentanément ma respiration et tends l'oreille. Rien. Pas un son. Je reste comme cela longtemps. Rien. C'est certainement un de ces animaux qui ne veut se montrer en notre présence.

J'attends encore, pour être sûre avant de prendre la place de mon ami. Je le secoue doucement et m'allonge sur la fine mousse qui recouvre le sol. Elle est déjà écrasée là où Matt s'était endormi. On devra régler ce détaille avant de partir, à l'aube, sinon notre position pourra être facilement remarquée.

GuerrièreWhere stories live. Discover now