15. Des Flèches

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Ce qui n'est pas exprimé
Reste dans le cœur
Et peut le faire éclater

William Shakespeare








- Il serait peut-être temps de s'arrêter, tu ne crois pas ? j'articule, complétement essoufflée.

- Déjà fatiguée ? Je te signale qu'on a fait une pause il a seulement trois heures. Si on veut avancer rapidement on doit réduire tous ces arrêts. A l'avenir il faudrait que tu envisages de t'améliorer si tu veux continuer, puisque là tes compétences laissent à désirer, lâche-t-il en continuant au pas de course.

J'essaie de ravaler ma colère qui commence à monter. Je commence à ne plus supporter le ton qu'il prend.

- Excuse-moi, dis-je sarcastiquement, mais ce n'est pas comme si j'avais pu le faire avant. Oh si attends ! c'est pour cela qu'on m'a exilée !

Je le rejoins en quelques enjambées. Je le suis encore durant une longue distance. Il fait nuit depuis un certain temps. N'y tenant plus, je lui attrape l'épaule, l'arrêtant. Il se tourne vers moi, hausse un sourcil.

- Maintenant on s'installe pour la nuit.

Avant qu'il ne puisse répliquer, je continue.

- Il fait nuit noire, sans compter le fait qu'on pourrait se perdre, on discerne peu les obstacles. Inutile de prendre ces risques.

Sur ces paroles, je pose mon sac à terre. Matt m'imite et sort une gourde de son sac. Il avale de grandes gorgées. Il me la passe et je fais de même. Pour l'instant, inutile de la remplir à nouveau puisque nous restons à proximité de la rivière. Cela ne serait qu'une charge supplémentaire. Je tente de calmer les battements frénétiques de mon cœur. J'ai l'impression qu'il va sortir de mon corps. Il ressemble à une pendule qui a perdu son rythme régulier et bat la chamade jusqu'à se cassée en petits débris compliqués. Je prends de grandes inspirations. Je souffle lentement. Cela a été dure, entre les nombreux points de côtés que j'ai tenté de faire passer à plusieurs reprises

Je me redresse et sors du sac de Matt deux viandes séchées. Mon ventre crie famine depuis trop longtemps. Matt n'a pas voulu que l'on s'arrête à midi pour manger. Il en prend une et croque dedans. Je ne réfléchies pas et les jette toutes deux dans ma bouche. Sentir de la nourriture dans sa bouche est un vrai plaisir.

- Qu'est- ce que tu fais ? hurle Matt. Pourquoi en as-tu pris deux ! Te rends-tu compte de ce que tu viens de faire ?

- J'ai faim, je hausse les épaules en avalant le dernier morceau, où y a-t-il du mal à ça ?

- Et que comptes-tu faire lorsque nous n'aurons plus rien à nous mettre sous la dent parce que toi tu 'as faim' ?

- De toute façon, c'est trop tard, je les ai déjà mangés.

Il me sermonne encore durant un long moment mais je ne l'écoute plus. Il me tape sérieusement sur le système. Que lui ai-je donc fait à la fin ? D'accord je ne suis certainement pas la personne la plus douée, mais ce n'est pas en me criant dessus que cela arrangera les choses. Cela ne sert qu'à rendre ces choses-là plus compliquées.

- Je prends le premier tour de garde, j'annonce en espérant qu'il ferme sa bouche pour dormir.

- Pourquoi ça ? Si une créature survenait tu n'aurais même pas le temps de me réveiller que tu serais morte à cause de ton incapacité.

Je me lève brusquement. C'en est trop. Ça suffit.

- Stop ! Mais arrête un peu d'être agressif ! J'en ai vraiment ras-le-bol de toi ! j'explose.

Matt se raidit, puis un instant plus tard il se laisse tomber au sol. Il soupire, les épaules affaissées, la tête prise entre ses deux grandes paumes.

- Excuse-moi Tery. Je n'en peux plus... Comment les événements ont-ils pu aller si vite ? Je suis si stressé, geint-il douloureusement.

Ma pression se relâche. Avec tout cela j'avais presque oublié tous ce qu'il a dû perdre en moins d'une matinée. Au même titre que moi, certes mais sans avoir réellement commis une faute comparée à moi.

Je me rapproche doucement de lui, comme si je ne voulais pas effrayer un petit animal. Il lève sa tête vers moi et me regarde approcher, les yeux embrumés.

- Je suis désolé, ce n'est pas ta faute. Je...

Je me retiens de le couper pour lui affirmer que si, c'est le cas. J'écoute simplement ce qu'il a sur le cœur en m'asseyant près de lui ?

- Ce n'était pas pareil sans toi. Il... J'ai eu peur pour toi.

Je sais qu'il essaie coriacement de contrôler le tremblement de sa voix. J'aimerai le prendre dans mes bras et lui murmurer indéfiniment que je vais bien. Que je suis en vie. Que nous sommes ensemble. Mais je n'en fais rien. Il n'a pas besoin de cela. Pas tout de suite. Il a simplement besoin d'extérioriser quelques éléments, petit à petit.

- Que s'est-il passé lorsque j'ai dû partir ? Dis-moi, l'Examen, en quoi a-t-il consisté ? je demande, ignorante.

Dans un mouvement imperceptible, ses épaules se crispent.

- Tout allait bien, cela n'avait pas encore commencé, articule-t-il calmement.

Le sourire qu'il affiche sur son visage est le plus gros mensonge qu'il ne m'ait jamais dit. Il peine à masquer la douleur au fond de ses yeux, mais je ne le connais que trop bien.

- Est-ce qu'ils t'ont blessé ? je commence à m'inquiéter.

- Ils ne m'ont pas touché, assure-t-il véridiquement.

Je n'insisterai pas plus. S'il souhaite m'en parler, je serai une oreille attentive. Cela reste son choix. Il faudra seulement laisser le temps faire son œuvre. Laisser la plaie se refermer. Je sais très bien que ce n'est pas dans son tempérament d'exprimer ses émotions, qui sont là, au fond de lui. Il a simplement besoin de savoir que je suis là pour lui, pour toujours.

Sous mes conseils, il se couche ensuite au sol. Inutile de bavarder tard dans la nuit, nous sommes déjà assez fatigués. Il s'installe du mieux qu'il peu tandis que je s'assieds près de la rivière. J'ai encore quelques points de côtés qu'il faut que je fasse définitivement passer. Je ne souhaite pas qu'ils reviennent dès demain matin lorsque nous nous mettrons en route. Je me désaltère et m'asperge le visage d'eau. Je sens la sueur et la terre à plein nez. Le résultat d'une longue course dans les bois, en somme. Je m'écarte de la rivière qui recouvre les bruits environnants. Je n'entends aucun mouvement suspect. Il serait peut-être temps de faire un minimum de toilette.

Je prends le savon et l'amène sur la rive. Après quelques regards alentours, je retire mes vêtements. J'entre dans l'eau en frissonnant. Elle est fraîche et les nuits ne sont pas encore très chaudes. J'attrape le petit bloc et me frotte frénétiquement le corps avec. Puis, je me débarrasse de ces effluves savonneux en faisant attention à ne pas tremper les cheveux déjà attachés en queue de cheval. Je m'extirpe du courant et reste un moment sur la rive. Les galets y sont encore chauds, étant la journée sous la lumière d'un soleil printanier. Des gouttes d'eau dégoulinent sur mon corps nu. Il n'y a personne, mis à part Matt endormit depuis un moment déjà, pourtant je me sens mal à l'aise. Je trouve cela ridicule. Pourquoi être gênée envers son propre corps découvert. Certainement puisque nous nous efforçons de le cacher en permanence derrière toutes sortes de couches de tissu. Nous en sommes arrivés à un stade où nous nommons nos corps, à l'état naturel, de 'nu' pcomme s'il leur manquait éperdument quelque chose. Je lève les yeux au ciel.

Lorsque mon corps est sec, j'enfile mes vêtements en pensant à changer mes sous-vêtements avec les seuls autres que j'avais emportés. Je range les sales dans mon sac à dos, je les laverai plus tard. Avant de mettre ma veste, je jette un coup d'œil à mes plaies. Mon bras droit a fini de cicatriser, mais ce n'est pas encore le cas de ma plaie sur mon autre bras. Je sors le désinfectant et m'en applique un peu. Même si du savon est déjà passé par là je ne vais pas prendre le risque d'une infection. Ensuite, j'accroche mon holster à ma cuisse gauche étant donné que mon bras droit est en meilleur état. J'y glisse mes deux lames. Je me laisse tomber au sol.

GuerrièreWhere stories live. Discover now