40. Détermination

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De toutes les choses étonnantes dont j'aie jamais ouï parler, la plus étonnante pour moi, c'est que les hommes puissent sentir la crainte, voyant que la mort est une fin inévitable, qui arrivera à l'heure où elle doit arriver.

William Shakespeare, Jules César





Matt a la bouche pincée et les sourcils froncés. Il réfléchit.

- Nous devrions arriver aux abords de la ville vers 16 heures s'il n'y a pas d'imprévus.

- Il faudra bien rester en retrait alors étant donné que le soleil sera encore haut.

Il acquiesce. Ce moment sera délicat, mais la suite le sera d'autant plus.

- Avant que la nuit tombe, Victhorion voudra certainement repérer les lieux, déduit Mattelos.

- Il enverra alors plusieurs éclaireurs, peut-être même une unité. Ils ne doivent en aucun cas tomber sur nous ou nos traces.

- Il confiera une unité restreinte à son bras droit pour examiner les alentours du lieu où est protégé le remède.

C'est à mon tour de froncer les sourcils. Le général ne fait confiance à personne, il serait presque étrange qu'il envoie une partie de sa section observer, sans lui, la chose la plus convoitée du Conseil. Il n'a aucun assurance mis à part la fidélité de ses hommes.

- Il n'enverra pas une unité dans un seul lieu, j'affirme. Victhorion est plus méfiant que nous tous réuni. Il enverra une escouade divisée en quelques groupes de trois ou quatre dans des lieux différents. De cette manière, si un guerrier souhaite voler le remède, il ne saura pas où aller.

Il hoche la tête, analysant ma pensée. Il sait comme moi que seul le général connaît les coordonnées du sérum. Je me souviens encore parfaitement de la discussion que nous avions entendue, allongés dans la tente de Victhorion.

- Vu leur nombre, ce serait risqué d'envoyer plus de deux groupes, imagine mon ami.

Je secoue la tête, il faut réfléchir comme le général. Il ne veut pas que ses faits et gestes soient prévisibles. Il faut prévoir l'imprévisible.

- Il s'attend à ce que l'on pense cela. Il enverra plus de groupes que ce que l'on s'imagine, ou peut-être qu'ils seront simplement plus nombreux dans chaque équipe.

- Tu as raison. Ses éclaireurs ne doivent pas être vulnérables pour mener à bien leur mission.

Nos yeux restent quelques instants accrochés en j'acquiesce. Il sourit. Il faut maintenant penser à notre place dans tout cela. Soudain, je n'entends rien mais mon intuition me fait sentir une présence. Je me retourne et aperçois Shesy s'avancer vers nous. Nous la regardons arriver, attendant qu'elle soit à notre hauteur pour continuer à parler. Elle s'assoit et pose ses paumes à plat sur ses cuisses dans un petit claquement.

- Bon alors, qu'est-ce qu'on fait ? C'est quoi la stratégie ?

Le roulis de la rivière perce mes oreilles tandis que le ciel peine à s'éclaircit. Quelques nuages survolent nos têtes, faiblement lumineux grâce à l'arrivée imminente des premiers rayons solaires. L'eau coule sur mon visage, plongeant dans le courant. Mes doigts écartent les gouttes restantes autour de mes paupières. Mes pieds s'enfoncent dans la terre recouvrant la berge lorsque je me redresse. Je rejoins le groupe, mon sac déjà installé sur mes épaules.

- Prête ? m'interroge Jonas.

Ses cheveux ont pris une teinte terne, ses ondulations ne sont plus soignées comme lorsque nous étions à Lowick. Ses mèches rebelles sont emmêlées et se sont pliées d'une drôle de façon.

- Toujours, j'affirme.

Une fois à sa hauteur, il passe sa main dans sa tignasse, une vieille habitude, mais cela n'arrange en rien sa coiffure.

- Alors je peux commencer à partir.

- Le meilleur éclaireur, je le complimente dans un sourire.

Il penche sa tête à droite puis à gauche, s'étirant. Et enfin, il s'élance. Je le regarde partir quelques secondes.

- Ça y est, le moment critique approche, tu as enfilé ton baudrier, remarque Wyden.

Je fais alors attention au métal compressé entre mes omoplates et mon sac.

- Je préfère avoir toutes mes armes à disposition. Nous ne savons pas exactement ce qui nous attend là-bas.

- Mis à part une multitude de créature et une humidité pesante ? Non, c'est vrai.

Un silence s'installe. Je sais que nous mettrons les voiles dans seulement une minute, mais c'est déjà trop long.

- Si on fait attention et qu'on est vif, tout devrait s'enchaîner sans problème.

Lui comme moi savons très bien que ses paroles sont bien trop idéalistes pour être vraies. Nous ne sommes pas naïfs.

- Je ne m'inquiète pas, dis-je sûre de moi.

Mon regard se tourne de lui-même vers ce grand brun. Ses yeux sont figés vers l'horizon.

- Moi non plus.

Le coin de ses lèvres esquisse un sourire, cependant son regard reste dur. Il a perdu sa barbe de trois jours, laissant une petite entaille encore vive sur sa joue. J'espère qu'il a bien nettoyer cela, nos dagues ne sont pas désinfectées et il ne faudrait pas que cela s'infecte.

Coupant cours à mes pensées, Matt nous annonce qu'il faut s'en aller. Wyden cligne plusieurs fois des yeux et regarde autour de lui. Il me questionne du regard et j'acquiesce. Je n'attendais que cela.

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