8. Accusés et Fouillés

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Avec l'amorce d'un mensonge, on pêche une carpe de vérité.

William Shakespeare, Hamlet

Il faut avouer que j'adore regarder Matt, d'autant plus lorsqu'il s'entraîne. J'aime l'action, que ce soit dans les livres ou dans la vrai vie. Ne serait-ce que regarder quelqu'un se battre me procure de l'adrénaline et me donne le sourire. Donc, je n'imagine même pas les émotions qui pourraient monter en moi le jour ou je combattrai réellement. Je n'ose l'imaginer. Ce serait juste fabuleux. J'ai besoin de me défouler, de frapper, de me dépenser à travers un sport, une passion. Et cette passion, je l'ai choisi depuis, ce qu'il me semble, une éternité.

Seulement, aujourd'hui il faut aussi que je fasse ma couture, cacher mes Étoiles devient plus qu'urgent.

Je suis assise sur une chaise, devant une petite table. J'ai posé dessus toutes choses nécessaire au tissage et à la couture. Derrière moi, j'entends Matt envoyer d'innombrables coups dans un sac. En effet, nous sommes au sous-sol. J'ai descendu cette chaise tout à l'heure, pour pouvoir l'admirer.
Cependant, comme j'étais face à lui, je n'arrêtais pas de relever mes yeux vers ses exercices physiques. Ce qui faisait que je n'avançais absolument pas dans mon activité. C'est pourquoi je suis assise face à ce mur.

J'ai entre mes mains une robe couleur d'eau, et à l'aide de mes doigts je tiens une petite aiguille. Le fil s'enroule presque tout seul autour de ces deux bouts de tissus. Le textile est doux et fin, ce qui facilite grandement ma démarche de couturière débutante. Il faut dire que je n'ai jamais vraiment appréciée ce "passe temps". Avant, ma mère s'en occupé toujours, je n'avais rien à faire, mais cette hère est hélas révolue.

Je viens de terminer avec cette robe, le résultat n'est pas très voyant et je m'en félicite. Je passe ensuite à la seconde, plus épaisse et moins douce. J'ai du mal à percer le tissu avec ma pointe, j'y arrive certes, mais ce n'est pas sans difficulté.

-Dis-moi, je me demandais, depuis quand est-ce que tu comptes le nombre de filles avec qui je suis sorti ?

-Pourquoi me demande-tu cela ?

Je fronce les sourcils et, sans le vouloir, je me pique profondément le doigt avec l'aiguille à coudre. Je pousse un petit cris de surprise. Matt se retourne vivement vers moi en me demandant ce qu'il ne va pas. Je pose instinctivement ma bouche sur mon doigt.

-Tout va bien ne t'en fais pas, je me suis seulement piquée. Tout cela à cause de ce satané tissu ! dis-je après avoir relevé la tête.

-Ne t'en prend pas à lui voyons ! Un pauvre tissu sans défense !

Il rit alors aux éclats, amusé par ma petite colère contre une robe. Je me retiens de répliquer et d'aller l'embêter. Je souffle et reprends mon activité. Matt se calme petit à petit et revient au sujet de départ, et après c'est moi la têtue ? Non mais réellement, je vous jure ces hommes, n'importe quoi.

-Je te demandais cela puisque tu m'avais dit que Callie était ma quarante-sixième petite amie.

-Je n'ai jamais dit cela.

Je continue ma ligne de couture, puis reprends : "j'ai juste dit que cela faisait 46 fois que tu mettais fin à une relation de couple que tu avais eu, nuance." Il lève alors les yeux au ciel.

-Ne joue pas sur les mots, tu vois très bien ce que je veux dire.

En effet, je comprends parfaitement sa question. Seulement, je ne joue pas sur les mots. Chaque mot est important et requiert une certaine finesse. Si j'emploie de mot "quitter" ce n'est pas pour dire "commencer", si j'avais voulu le dire je l'aurais dit, hors, je ne l'ai pas fait.

-Je ne sais pas vraiment en réalité. Cela devait sûrement être une occupation victime de mon ennuie, dis-je en haussant spontanément les épaules.

-Ou alors tu voulais toi aussi avoir des relations amoureuses.

Lorsqu'il prononce cette phrase, son ton est tout ce qu'il y est de plus sérieux. Cependant, quand je me retourne pour le regarder en face, son expression faciale en dit long sur ses pensées et ses sous-entendus pour le moins déplorables. C'est alors à mon tour de lever les yeux au ciel en soupirant.

-N'importe quoi, sérieusement. Les relations amoureuses sont de purs mensonges et cela ne sert à rien, à part à être plus faible que ce que l'on est déjà.

Il semble réfléchir et retourner ma phrase dans sa tête.

-Ce n'est pourtant pas ce dont tu avais l'air de vouloir me faire croire la dernière fois. Tu souhaitais que "j'attends la bonne", la bonne femme avec qui je voudrais faire ma vie.

-Certes, je veux que tu sois heureux et que tu arrêtes de donner de faux espoirs à toutes ces filles. Cependant, en ce qui me concerne, je ne veux ni d'amour, ni de mari.

Je suis sûre de moi. L'amour est quelque chose de futile, de frivole. L'amour n'est pas fait pour rester fidèle et doucereux, il y a toujours des blessés, des souffrants, et cela à cause de qui ? De l'amour, aussi Bohème soit-il. Je ne veux pas ce cette sorte de maladie qui prend possession de vous et de vos pensées, mais cela sans prendre également la personne pour qui vous battez. L'amour est injuste et l'amour est mauvais.

-Enfin, on en reparlera quand tu seras folle amoureuse d'un beau jeune homme, me dit-il avec un clin d'œil.

-Alors tu risques d'attendre longtemps.



J'ai bientôt terminé ma dernière tenue, oui, enfin. J'écoute le crissement du cuir que produit les chaussures de Matt. Je l'entends tournoyer dans tous les sens, cogner et se baisser à différentes reprise. Sa respiration se fait de plus en plus bruyante. Quand soudain, je l'entends glisser et tomber lourdement au sol. Je me redresse instinctivement et me dirige vers lui, m'accroupillant. Il est allongé sur le dos et a un genoux relevé à la hauteur de ma poitrine. Je pose délicatement une main sur son genoux et l'autre sur son épaule pour l'aider à s'asseoir. Je vois son visage se plisser légèrement sous mon toucher, alors, dès qu'il tient tout seul, je le lâche.

-Où as-tu mal ?

Il avale difficilement sa salive.

-À l'épaule gauche et dans le dos.

Je ne peux rien voir à cause de son haut. J'attrape le bas de celui-ci et commence à le retirer doucement, je ne veux pas lui faire encore plus mal. Il grimace en me disant que ce n'est pas très grave. C'est peut-être vrai, seulement si je ne fais rien cela pourrait le devenir. Nous ne sommes jamais trop prudents. Je dépose le T-shirt à côté de moi et examine le dos de mon ami. 

GuerrièreWhere stories live. Discover now