Guerrière

30. Lesly (part. 3)

Il se place face à moi et ne dit pas grand-chose. Il se gratte la tempe.

-        Notre départ risque d'être avancé.

-        Je m'en doutais, je murmure comme pour moi-même.

Alors qu'il fronce les sourcils, je lui fais signe de continuer.

-        J'ai réellement le droit de venir m'entraîner, cela n'était pas un mensonge. Cependant, Lesly m'a fait comprendre qu'elle était au courant de mon Examen. Elle ne sait pas que j'ai échoué et croit que je suis là pour renseigner Le Conseil. Je ne sais pas si elle va choisir de nous éliminer discrètement ou si elle a d'autres idées en tête...

Je repenser à ce que m'a dit Gabany sur la relation entre Westen et Lowick et leurs menaces.

-        Ou elle nous livrera au Conseil bien plus amochés que tu ne l'as jamais été, cela en guise d'avertissement.

Matt tourne dans la pièce, commençant à faire les cents pas. Mon cerveau carbure. Je me demande également pourquoi tout va toujours aussi vite.

-        Toujours est-il que nous devons partir, si nous ne voulons pas finir six pieds sous terre, voire pire. Ce soir.

Je retiens un cri de surprise. C'est trop tôt ! Depuis que Matt m'a parlé de son Examen, j'ai toujours su que si nous devions partir d'ici cela se ferait du jour au lendemain. C'est vrai. Mais entre savoir et vivre la réalité, il y a une différence croyez-le ou non.

-        Nous n'allons pas fuir toute notre vie, j'affirme.

-        On réfléchira à ça une fois que nous serons Dehors.

Je ne suis pas d'accord, il faut y penser maintenant. Trop d'informations flottent dans mon esprit. C'est un vrai bazar. Il faut absolument que j'y mette un peu d'ordre.

Je sors de la chambre tandis que Matt enfile des vêtements de sport. Pour quel élément Le Conseil nous gracierait ? Repensons un peu à cette situation. Si ces villes voisines ne sont pas en guerre, peu de soldats sont mobilisés. Jusque-là, tout est logique. Ce qui veut dire que les guerriers qui partaient de Westen n'allaient pas vers Lowick pour combattre, mais pour une autre expédition peut-être.

Matt surgit derrière moi, me faisant sursauter. Nous rejoignons Jonas.

-        Vous avez fait quoi là-haut, c'était long !

Une expédition. Il y a déjà une expédition en direction de Ew York. S'il mène plusieurs aventures en même temps, les unités sont divisées. Il manquera forcement des guerriers, mais nous ne pouvons pas en fournir. Et si nous faisions le tour des villes environnantes ? Non, trop long. Ce n'est pas sur ce point-là qu'il faut réfléchir. Reprenons. Une expédition. Pourquoi fait-il ces expéditions ? Pour des choses plus ou moins importantes.

Petit à petit, je sens que mon cheminement va m'amener à une réponse. Alors malgré la question que me pose Matt, je continue de penser.

Et si nous dérobions une de ces choses ? Une dont il ne pourrait se passer. Comme un remède. Comme celui que Le Conseil a désespérément besoin. Celui qui se trouve à Ew York. Celui que sont partis chercher de multiples guerriers, le 18 décembre. Cela me saute aux yeux comme une évidence qui était là, depuis le début. Mais si ils ont quitté Westen le 18 décembre...

-        Nous sommes quel jour ?

-        Le vingt-deux, je commence ma garde ce soir malheureusement, me répond Jonas.

Ils ont quatre jours d'avance. Nous mettons, en courant, environ deux semaines et demi jusqu'à Ew York d'après Le Conseil. Nous pouvons les rattraper. Je souris, heureusement de mon idée.

Nous sommes à la Caserne. Je salue Wyden et Thaym qui m'attendent dans la salle de combat. Je m'approche de lui, suivie de Matt.

-        Je vais pouvoir te rendre ton co-équipier Thaym, et oui, le moment que tu attendais tant, j'énonce juste avant que Matt arrive à ma hauteur. Je vous présente Matt.

-        Le fameux, le salue Wyden en lui serrant la main.

-        En chair et en os.

Tandis que les yeux grisonnants de Wyden sourient, ceux de mon ami le détaille méticuleusement. Quand vient le tour de Thaym, le blond reste figé. Il déglutit et lui serre la main. Sa cicatrise se plisse lorsqu'il affiche un petit sourire sur ses lèvres, faisant remonter ses pommettes.

-        Je te fais visiter ? je propose à mon ami.

Je n'attends pas de réponse et comme à lui expliquer l'utilité de cette pièce, puis de la suivante, et ainsi de suite. Je lui demande par quoi il veut débuter. C'est avec surprise qu'il me répond le tire à l'arc. Il veut se remettre en tête cette pratique, étant donné qu'il a gardé le matériel volé à un guerrier. Nous allons à l'extérieur, sur la partie gauche du stade qui y est réservée. Matt prend un arc et m'en tend un. Il se met en place. En quelques secondes il lève son arc, tend la corde, et tire. La flèche touche la cible, mais pas en son centre. Il recommence l'opération deux fois. Et moi je le regarde faire.

Bon, on va essayer. Peut-être que cette fois-ci sera la bonne. Je prends une flèche et la place correctement. Je redresse mon bras droit, celui qui maintient l'arc. Je bande la corde et vise. Je ferme mon œil droit. Je n'arrive pas à viser correctement. Mes doigts continuent à tirer la corde le plus fort possible. Mes muscles forcent. Beaucoup. Je relâche sans avoir tiré, essoufflée. Matt se tourne vers moi avec un sourire en coin. Avant que je ne râle, il s'approche de moi.

-        Il ne faut pas que tu gardes la corde bandée aussi longtemps, c'est beaucoup d'efforts et cela n'a aucun intérêt. Il faut que tu tires dès que tu as suffisamment bandé la corde.

Je hoche la tête. Je lève l'arc. Je ramène la corde vers moi et la lâche brusquement. La flèche part et tombe au sol sans même se planter. Non, ce n'est pas fait pour moi.

-        C'est beaucoup d'entraînement, c'est vrai, il fait apprendre à viser maintenant.

-        Sinon j'ai une meilleure idée. Tu t'exerces au tire à l'arc et moi au lancé de couteau.

Je vais ranger l'arc avant de revenir vers lui pour entendre son affirmation. Les mains sur les hanches, je le regarde.

-        Ou alors tu me montres tes progrès au corps à corps.

-        J'aime beaucoup l'idée de te ridiculiser en te plaquant au sol, je m'exclame tout sourire.