37. Nuit Sanglante (part. 2)

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Lorsque toute cette nourriture est enfin cuite, nous ne nous faisons pas prier pour la dévorer. La faim me tordant le ventre, je mords à pleine dents dans un morceaux. La viande est dure mais semble posséder un goût fabuleux après une soirée éprouvante. Je prends de grandes respirations. Je n'ai qu'une envie à présent, me détendre. C'est pourquoi je me laisse porter par cette conversation paisible et mets de côté tout tracas. Chacun raconte un peu sa vie et expose sa vision du monde.

- Moi aussi, je me suis toujours demandée c'qui nous a amené là.

- Et bien tes petites jambes, oui c'est elles qui ont marché jusqu'à nous.

Shesy lève les yeux au ciel face à la remarque de Matt. Mais elle aussi ne peut s'empêcher de sourire.

- Non, ce que je veux dire c'est qu'est-ce qu'il a pu s'passer pour qu'il y est un aussi grand faussé entre nos petites villes d'aujourd'hui et celles de l'Ancien Temps comme on nous les décrit dans les livres ?

- T'as pas suivi tes cours d'Histoire toi, plaisante Jonas. « Il y eut une grande épidémie, encore plus virulente et brutale que celle de la peste noire, qui causa d'innombrables dégâts. »

Jonas prend une voix chevrotante et affiche une mine grisée et mystérieuse hors du commun. Un sourire étire mes lèvres jusqu'à me faire mal aux joues tandis que les soldats éclatent de rire.

- Tu la refais super bien ! s'exclame Wyden entre deux éclats de rire.

- Elle parlait exactement comme ça, j'me rappelle ! s'extasie Thaym.

- Et oui, sa voix me hante toujours dans les moments les plus sombres de ma vie, soupire le blond d'un air faussement désespéré.

Il faut croire que leur enseignante d'école les a marqué à ce sujet-là. C'est vrai qu'à un an près ils devaient tous être dans la même classe.

- Notre professeure avait toujours cet air de sorcière quand elle nous parlait du passé, j'm'en rappelle comme si c'était hier.

Et la lueur que je vois pétiller dans les yeux de Wyden me réchauffe le cœur. Et c'est ces étoiles que je peux observer dans toutes leurs pupilles qui finissent d'évaporer tous les problèmes qui nageaient encore dans ma tête. C'est pour ces moments-là que je suis heureuse d'avoir fait tout ce chemin, malgré les nombreuses fois où j'ai pu trébucher.

Shesy baisse ses mains sur ses cuisses dans un bruit sec en reprenant la parole.

- Mais bien sûr que oui je me souviens de ses fabuleux cours. J'avais toujours des vingt sur vingt aux évaluations je vous rappelle bande de poissons rouges. (Tandis que son sourire ne quitte pas ses lèvres, elle prend une grande inspiration.) Mais je ne vois toujours pas le rapport entre une maladie et le fait qu'on ait perdu deux siècles d'avancées scientifiques.

Jonas réfléchit à voix haute grâce à de nombreuses onomatopées tous plus longues les unes que les autres.

- A l'époque tout le monde a sûrement paniqué, fui et tout laissé en plan, propose Wyden.

- Ou alors des émeutes et manifestations ont tout détruit sur leurs passages, je tente.

- Il y a mille et une raisons qui peuvent expliquer cela, tu sais. Regarde, pour des valeurs ridicules des hommes ont déjà incendié ce qu'ils appelaient la grande bibliothèque d'Alexandrie par deux fois, brûlant à chaque fois des siècles entiers d'Histoire et de découvertes scientifiques.

Je suis encore étonnée de la culture que Matt peut avoir comparé à moi, malgré les cours dont j'ai pu bénéficier.

- Et oui, l'homme est con par définition, souffle Jonas.

Thaym, qui lui n'a pas donné son avis sur la question, est soudain prit d'un bâillement à en décrocher les feuillages.

- Je crois que ça veut dire qu'il va falloir dormir, remarque Shesy.

- En effet oui, j'acquiesce.

Alors que je me demande qui doit mener le tour de garde cette nuit, Shesy annonce que c'est elle. J'hoche la tête en ajoutant que je prendrais la relève.

- Je peux tenir toute la nuit.

- Non, nous sommes à quelques jours de récupérer le remède, et nous devons donc tous être en pleine forme. Et ce n'est pas en faisant des nuits blanches une fois par semaine que cela va être le cas.

Elle n'ajoute rien et se plie à ma décision, prenant conscience que c'est le bon choix. Je compte sur elle pour me réveiller à l'heure.

Nous éteignons le feu et une fois que les braises ne sont plus que tièdes, nous les dispersons ici et là. La chose à ne pas faire serait de laisser une preuve de notre présence en évidence. Après avoir si bien caché les cendres que nous-mêmes pouvons douter de l'existence de notre feu, Je m'installe confortablement au sol. Je décale certains cailloux venus me casser les côtes et me laisse bercer par le doux chant du vent d'été.

Mon cou me fait mal lorsque je décide de le bouger. J'ai pris une mauvaise position cette nuit. J'aime beaucoup l'aventure que nous tentons de mener à bien, mais je regrette parfois mon lit chez Gabany et Faeny, je l'avoue. J'ai déjà réveillé tout le monde et nous nous mettons en route.

Cela fait plusieurs jours que nous l'avons perdu de vue et nos gourdes en souffres, à présent vide. La crasse aussi me démange. Une pellicule de terre, poussière et sueur s'est déposée sur nos front. Thaym avait voulu se l'enlever grâce à l'eau de sa gourde il y a deux jours, et depuis il regrette amèrement. Nos gourdes sont toutes à sec depuis hier midi. Et c'est dur. Très dur. Alors nous parlons le moins possible, économisant notre salive le plus possible. Un mal de tête à pris possession de Thaym. Il paraît que le cerveau est le muscle qui consomme le plus d'eau et d'énergie, et bien je vous le confirme aujourd'hui. Une course dans ces conditions est compliquée. Surtout qu'il ne faut pas ralentir le pas, par peur de perdre la section. Si elle décide d'emprunter un chemin qui j'est pas celui auquel Matt et Wyden pensaient, il faut que nous puissions également le prendre.

Et donc ce midi, aucune pause déjeuner. Cela nous ralentirait et nous donnerait d'autant plus soif. J'ai toujours vécu à deux pas d'une rivière et je ne mesurais pas la chance que c'était. Aujourd'hui, je regrette cette eau profonde et si claire. Je peux presque imaginer le courant de cette eau minérale couler sur ma langue. J'espère que nous allons bientôt croise une autre rivière ou qu'il pleuvra aujourd'hui, ou demain, rapidement. Mais en levant ma tête vers le ciel je vois bien qu'aucun nuage ne se ballade dans cet océan bleuté.



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