43. Intrusion (part. 2)

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Jonas cesse de plaisanter avec Matt, et ils reprennent tous deux leur sérieux. Alors qu'on décide tous ensemble de s'avancer vers la section afin de repérer tout type d'agitation, Wyden s'accroche à l'arbre sur lequel il était appuyé pour tenter de se relever.

- Par contre, nous nous rapprochons, mais toi, tu restes ici, je décrète comme si c'était d'une logique absolue.

- Je vais pas rester assis dans l'herbe pendant que vous allez espionner ce groupe de soit disant guerriers, me répond-t-il outré et sûr de lui.

- Bien sûr que si. Tu n'es pas en état.

- Je le suis, annonce-t-il d'un ton sans appel.

Tandis que je lui tiens tête en expliquant qu'il n'a pas encore recouvré toute son agilité, sa vitesse et sa discrétion, il fronce les sourcils. C'est plus prudent qu'il reste ici, nous sommes déjà en nombre suffisant.

- Je vous ai pas suivis pour être mis sur la touche au dernier moment.

Sa voix rauque trahit un sentiment d'injustice qui n'aurait pas lieu d'exister.

- Il a raison, me devance Jonas d'un ton calme comme à son habitude. Il savait ce qui l'attendait en venant ici, comme nous, et il a le droit de décider de ce qui veut faire. On peut pas le forcer.

Même si je pourrai m'entêter, les paroles posées de l'homme aux cheveux blonds cendré mettent fin à ce désaccord. Wyden a une volonté bien trop forte pour se laisser adoucir.

- Tu comprends que je disais cela pour ton bien.

- Je sais, souffle-t-il.

Il me tend sa main gauche. Je l'attrape pour l'aider à se relever, ce qui est déjà une preuve en trop qu'il ne devrait pas nous suivre. Nous sommes deux à grimacer dans cet effort, étant donné que ma main n'a pas eu le temps de cicatriser. Et cela ne passe pas inaperçu. Des yeux gris parsemé de paillettes dorées et d'inquiétude se posent sur ma plaie. J'hausse les épaules. Ce n'est rien, je ne vais renoncer à cause de cela. Mais cela me fait comprendre le discours de Wyden et je soupire.

- Tiens, Thaym me tend la petite boîte contenant le baume.

Je le remercie et m'en applique rapidement sur ma peau labourée. Je cherche Matt du regard, me souvenant de son dos endolori.

- J'en ai déjà mis, me rassure-t-il.

Je range alors le baume dans mon sac que j'avais laissé ici avant de partir suivre le trinôme. Je le fais basculer sur mon dos d'un mouvement d'épaule.

Mon oreille se tend en captant une discussion non loin. Je ralentis et fais signe à Jonas derrière moi. Alors que j'allais m'approcher, Shesy me fait signe. Elle y va. Je la vois se glisser entre de grosses touffes d'herbes aussi hautes qu'elle. Un bruissement tranchant nous parvient. Quelques secondes plus tard, elle nous invite à la rejoindre d'un mouvement de main. Nous découvrons alors deux gardes morts à ses pieds. Elle se tient près d'eux en essuyant sa dague sur le pantalon de l'un d'eux.

- Matt, Wyden, servez-vous, déclare-t-elle.

Les deux concernés froncent les sourcils. Shesy souffle, exaspérée et d'un geste théâtral elle précise : « Il va bien falloir remplacer vos vestes de protection un jour ». Elle les laisse alors déshabiller ces deux macchabés encore chauds. Après les avoir cachés dans une allée de roseaux, nous continuons notre avancée.

Rapidement, mes yeux se posent sur une toile : le haut d'une tente perce le feuillage épais afin de récupérer un bout de soleil. Nous y sommes. L'écho de quelques discussion floutées et absorbées par la végétation dense et humide parvient à mes oreilles. Mon cerveau bouillonne et tourne à toute vitesse. Il se remémore ce que nous avons dit avant de venir ici. Il fait jour. Ils détiennent une fiole quelque part. Peut-être dans une boîte rectangulaire. Si ils nous voient, il faut courir. Vite et loin. Au corps à corps ils nous battront, ils sont plus nombreux. Être discrets. Ne pas être seul. Ne pas rester tous ensemble. Revenir à notre ancien campement d'ici une heure si on se perd.

D'un signe de main je leur indique d'être vigilants. C'est le moment de se séparer. Mon regard chercher celui de Wyden et de Mattelos. Mon menton leur montre la direction. Nous partirons à gauche. Mes trois autres compagnons se glissent à droite d'une dense portion de bambous. Je fais attention aux endroits où mes pieds se posent. A pas de loup, j'avance.

Je marque une pause, arrêtanttout mouvement.

Sur un rocher, deux guerriers discutent. Ils râlent. Le voyage les fatigue. Ils ont hâte de rentrer. Je comprends alors que ces deux là se sont éclipsés pour ne pas avoir à ranger le campement. Ils ne doivent pas être si pressés de retourner chez eux finalement, pensé-je d'un ton moqueur. Maintenant, il va s'agir de les contourner d'assez loin pour ne pas qu'ils nous voient. Tandis que je rebrousse chemin, Wyden fronce les sourcils jusqu'à ce que je lui fasse signe que nous nous pouvons passer par ici. Il acquiesce et se faufile silencieusement entre les herbes. Malgré une agilité évidente, je vois bien que ses mouvements sont moins précis et plus brusques. Ma bouche se plisse.

En levant les yeux, je vois le toit de la tente verte s'affaisser. Puis tomber. Ils sont en train de la démonter. Pourtant, la fiole devrait être dedans si l'on suit une certaine logique. C'est la tente du général, il doit la vouloir en sûreté. Regroupés, nous continuons d'avancer. Nous contournons le camp jusqu'à arriver au niveaude la tente. Trois guerriers sont attelés à enrouler et plier correctement des fines toiles kaki. Une personne, de dos, les supervise. Ses cheveux courts ont poussé et ne dessine plus une coupe parfaite comme à son habitude. Son uniforme semble être une deuxième peau sur lui. Je sens Matt se tendre près de moi. Lui aussi n'a pas besoin de croiser son regard glacé pour le reconnaître.

GuerrièreWhere stories live. Discover now