19. Une Nouvelle Maison (part. 3)

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Lorsqu'il finit son service, je le suis jusqu'à sa maison. Elle n'est pas loin de son lieu de travail, ce qui doit être bien pratique lors des urgences. La porte faite de bois est surmontée d'une façade rose qui pourrait sembler originale mais qui ne l'est point entouré de toutes ces autres couleurs vives. A peine mes pieds ont-ils foulés le seuil qu'une odeur de soupe et de fourrures m'enveloppe. Gabany s'avance vers une pièce à notre droite en annonçant son arrivée. Je le suis à une distance raisonnable. Une femme sifflote devant sa cuisinière une mélodie qui m'est inconnue. Des meubles faits d'un beau bois enrobent la cuisine. Le médecin s'approche de celle qui doit être sa femme et l'enlace rapidement. Elle se tourne vers lui et l'accueil d'un baiser. Je dois admettre que je suis un peu gênée. Mes géniteurs ne se sont jamais montrés de marques d'affections comme celles-ci.

- Tu arrives pile à l'heure du souper, c'est que tu t'améliores dis-moi, le taquine-t-elle en lui éraflant le nez de son index.

- Est-ce que la chambre d'Elona est en ordre ? Parce que j'ai proposé à Theresy de l'occuper pour la dépanner.

La femme me voit enfin. Ses yeux marron me sourient avec surprise. Elle se dirige vers moi, écartant son époux, et pose ses petites mains sur mes épaules. Elle se met sur la pointe des pieds pour m'embrasser les deux joues, me surprenant à mon tour.

- Tu es grande dis-moi, combien tu mesures ? Un mètre soixante-quinze ?

Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'elle enchaîne.

- Oh ! Excuse-moi, je ne me suis pas présentée. Faeny, lui annonce-t-elle de manière désinvolte.

Je lui souris en retour et après quelques paroles échangées, elle me montre ma chambre d'accueil pour que je puisse poser mes affaires. Alors qu'elle disparaît de l'embrasure de la porte de ma nouvelle chambre, je m'avance dans celle-ci. Elle est plus spacieuse que mon ancienne, à Westen. Les murs sont peints d'un rose poudré s'accordant avec les draps du lit reposant sur ma droite. De nombreux coussins le recouvrent. Une armoire en bois trône sur le pan gauche, face au lit. J'avance lentement, frôlant de mes doigts le doux tissu du la couverture de lit, jusqu'à la fenêtre. Une de mes paumes rentre en contact avec le verre froid qui m'offre une vue sur l'hôpital. Je ne sais dire si cette vision me rassure ou m'angoisse. Dire que là, à quelques mètres, il y a Matt, je ne sais dans quel état.

Avant que je ne m'étale sur ces pensées, une voix m'appelle pour le souper, et j'en suis heureuse. Voilà une chose qui me changera les idées. Je descends tranquillement, observant les différents coins de la maison. J'arrive en face une table en bois où nous pouvons bien y rentrer à six, en face de la lourde porte d'entrée. Une fine nappe blanche la recouvre et sert de support à nos couverts. Je m'assieds sur une chaise dont Gabany m'a gentiment tiré la chaise, qui lui s'installe en face. Faeny dépose une grande coupe en terre cuite au centre et y plonge une louche.

- Theresy, donne-moi ton assiette.

Son regard me caresse alors qu'elle tient son ustensile rempli de soupe, en l'air, attendant mon geste. Tandis que j'avance mon assiettes creuse comme voulu, des pas se font entendre dans l'escaliers. Involontairement, mes muscles se tendent, certainement le fruit de ces jours passés en forêt. La personne s'approche et se pose sur la chaise à côté de moi.

- Jonas ! Si tu pouvais descendre au moment où je t'appelle ça m'arrangerait, le gronde Faeny.

Le concerné hausse les épaules et me lance un regard.

- Salut.

Je lui retourne la politesse. Tandis que Faeny le sert, je lui jette de petits coups d'œil. Ses cheveux d'un blond foncé forment de légères vagues, il les tient de sa mère c'est inévitable. Alors qu'il récupère son assiette, il me regarde.

- Je parie que c'est mon père qui t'a dit de venir chez nous, il ne peut pas s'en empêcher depuis que Elona s'est mariée, Jonas lance un regard rieur à l'accusé.

Gabany fait comme s'il n'avait rien entendu, et c'est cela qui me fait sourire. C'est si bizarre de le voir d'une façon différente : non pas comme un médecin concentré et sûr de lui, mais comme un père quelque peu impulsif.

- Je me nomme Theresy et en effet, c'est bien Gabany qui m'a amenée ici.

- Tu n'es pas d'ici toi, ça se voit.

- Elle vient de Westen, exilée je te rassure, ne se retient pas d'ajouter le médecin.

J'esquisse un sourire gêné, baissant ma tête vers ma cuillère à soupe n'attendant que ma bouche.

- T'es arrivée quand, je n't'ai pas vu ? A part si Lesly t'a chargée de toutes les corvées, sinon tu devrais être à la caserne non ?

Je le regarde suspicieuse. Je n'ai jamais entendu parler de caserne.

- Si t'es venue seule jusqu'ici, tu dois savoir te battre, non ?

- Je ne suis pas venue seule, et je vais à l'école pour le moment.

Jonas lève les yeux au plafond et se touche la tête.

- Mais oui c'est vrai ! J'avais oublié comment est Westen, souffle-t-il. C'est moi qui devrais retourner à l'école, je te le dis.

Il glousse en secouant la tête.

Je remonte dans la chambre, sourire aux lèvres. C'est tellement agréable de passer une soirée comme celle-ci, chaleureuse, simple, mais si réconfortante. Je m'étale de tout mon long sur le lit. Lorsqu'une sourde inquiétude envers Matt émerge de mes pensées, je la repousse. Je ne veux pas réfléchir à cela maintenant, et puis comme me l'a si bien dit Gabany, que je me perturbe toute la nuit à ce sujet ou non cela ne changera rien pour lui. Mon esprit vogue alors vers des choses plus joyeuses, des bons souvenirs de famille. La mémoire de mon père et moi, un après-midi de printemps, à regarder les feuilles orangées tombées au sol. De nous, un soir d'été, autour de notre table en bois. De papa, Matt et moi, nous baignant dans la rivière, près de la cascade. Trois mots servent à décrire mon humeur nocturne : je suis bien. Mais pour moi, ils représentent beaucoup plus qu'une simple phrase, c'est un apaisement.

Je suis en train de somnoler lorsque la porte d'ouvre, m'éclairant une faible auréole lumineuse.

- Oh ! Excuse-moi, je venais pour te montrer des affaires.

Je me redresse en retenant un bayement. Elle n'a pas allumé les bougies, aux murs, servant à éclairer la chambre. Je me plante à sa gauche, devant l'armoire d'où se dégage une odeur boisée.

- Tu regarderas, il y reste quelques vêtements de ma fille, utilise-les si tu veux. Et tiens, mets ça.

Elle me tend un débardeur et un bas en coton alors que ses yeux regardent mes habits froissés, dans lesquels j'allais dormir, sans se retenir de sourire. Je les déplie tandis qu'elle s'en va. J'enfile ce pyjama et me traîne jusqu'au lit. Il a l'air si confortable. Je me glisse sous les draps. Sans m'en rendre compte, ma main vient se poser sur mes étoiles, caressant leurs six cicatrises. Je me laisse tomber dans un doux sommeil peuplé de rêves incohérents.

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GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant