28. S.A.F.E. (part. 3)

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Alors mon co-équipier m'amène à l'intérieur dans l'espace dédié aux lancés en tout genre. Il me propose quelques couteaux.

-        Voilà quelque chose que je vais pouvoir réussir.

-        Tu peux pas faire pire, c'est vrai, glisse-t-il en reprenant mon expression hautaine.

Un pli se crée sur le bord de ma bouche droite dans un sourire en coin. Avant qu'il n'ait le temps de me déstabiliser, je lance ma première lame. Cela me permet de prendre une meilleure confiance lorsque la pointe se niche en plein cœur. De la silhouette-cible bien sûr.

-        Je t'ai pas dit de commencer !

-        Puisque tu penses que j'ai besoin de ton accord ?

Wyden fronce les sourcils, sur le point de se vexer. Puis il sourit à nouveau.

-        Oui, lorsqu'on a un co-équipier, un entraînement se fait à deux.

-        Arrête de râler un peu et lance-moi celui-là, je détermine en lui tendant un couteau.

Il l'attrape et le fait tourner dans sa main. Après un regard pour moi, il fait siffler la lame. Elle pénètre le bois jusqu'à la garde. Très joli coup. Plein de précisions, de force, d'efficacité. Comme lui. J'enserre doucement le manche d'une autre arme. Je la fais tourner deux fois. Je visualise sans me faire déconcentrer la trajectoire de mon couteau. J'imagine son bruissement lorsqu'il volera vers la cible. Je penche mon bras plié vers l'arrière et soudain ces imaginations deviennent réelles. La force est important dans ce genre de coup. Sans elle, même si la lame est bien lancée, elle ne transpercera pas la cible. Elle ricochera seulement. Mais la force a tendance à faire pivoter le couteau sur lui-même, il faut aussi prévoir cela.

Je n'ai pas regardé si j'avais atteint mon but, mais j'en suis sûre vu la tête de Wyden.

Une fois changée, je quitte le vestiaire accompagnée de Thaym et Wyden. Nous nous suivons de près, gênés par les autres soldats. Nous nous faufilons, à contre-courant. Tandis que derrière moi Wyden et Thaym rigole d'une phrase que je n'entends pas par-dessus la cohue, je leur jette un regard. Lorsqu'ils me rejoignent j'entends le blond parler.

-        Alors comme ça demain nous avons un nouveau ?

-        Oui, l'après-midi normalement si Lesly accepte.

-        Tu ne m'avais pas dit que Matt allait venir demain ? me reproche Wyden.

-        Je l'ai dit, ce n'est pas sûr.

-        Pourquoi refuserait-elle ? questionne rhétoriquement Thaym.

Je n'en sais rien. Je ne sais pas dans quel camp elle se trouve. Je ne lui fais pas confiance. Je ne la crois pas. Je ne crois pas à la paix qu'inspire cette ville, ni à cette fameuse 'guerre' qui l'oppose à Westen. Soudain, une idée me vient en tête. Je pourrai questionner Wyden à ce sujet, il doit savoir. Je préfère lui en parler à lui plutôt qu'à Jonas. Je ne veux pas mettre ma famille d'accueil dans une situation compliquée et Wyden semble discret pour ce genre de chose. Nos entraînements nocturnes en sont la preuve.

Une fois sortis de la Caserne, nous nous disons aurevoir et Jonas me rejoint. Dans notre petit rituel quotidien, nous marchons côte à côte. Je réfléchis, perdue dans mes pensées valsant entre Le Conseil et Lesly. Quand Jonas me sort de ma réflexion.

-        Heureuse ?

Il me faut quelques secondes pour comprendre de quoi il parle alias de l'arrivée de Matt dans notre maison.

-        Evidement. Ça ne te fait pas bizarre à toi ?

-        Non, pas vraiment. Et puis qui sait, on sera peut-être les meilleurs amis du monde ?

Sa phrase me fait sourire. Les meilleurs amis du monde. J'espère qu'ils s'entendront bien. Je ne comprends pas ce qui cloche chez moi. Je devrai être remplie de joie et sauter de partout à l'idée de vivre à nouveau avec Matt. Je suis contente, c'est sûr. Mais cette histoire de traque et d'Examen me travaille plus que je ne le voudrais ces derniers temps. Comment faire ? Qu'est-ce que Le Conseil trouve si important qu'il nous gracierait. Une chose, un acte ? Non, pas un acte. Nous n'allons pas attendre une opportunité qui ne se présentera peut-être jamais. Et puis je doute que ce genre de chose compte pour Le Conseil. Il fera ce qu'il a à faire dès que nous nous présenterons, même si nous venions de sauver l'Aîné. Il considérerait cela comme un concours de circonstances. Non, il faut une chose dont il ne peut se passer. Et si nous volions un objet qu'ils ont déjà en demandant sa protection contre celui-ci ? Encore faudrait-il savoir ce dont ils ne peuvent se passer. Ou quelqu'un ?

Alors que je sens que la solution est proche, l'on m'adresse la parole. Je cligne plusieurs fois des yeux. Nous sommes dans l'hôpital, à l'accueil. Natae me parle.

-        Euh oui... je bafouille. Nous sommes là pour venir chercher Mattelos. Il a fini son... séjour ici.

Il hoche la tête. Il soulève plusieurs papiers, concentré. Puis il me tend une feuille et me demande de signer. J'attrape le stylo qu'il me donne et je reste quelques secondes sans rien faire. Je n'ai jamais rien signé. Alors alors... inventons quelque chose. Je pose la pointe sur la feuille. Je dessine un « T » majuscule puis je fais glisser plusieurs fois le stylo vers la droite, puis la gauche, puis en haut, puis en bas. Lorsque je soulève à nouveau la pointe, une sorte d'étoile à cinq branches recouvre la première lettre de mon prénom en passant par le centre à plusieurs reprises. Le résultat me plaît. Un petit sourire prend possession de ma joue. Il me remercie.

-        Tu connais le chemin, il t'attend.

Je monte les premières marches et m'avance machinalement vers la chambre 32 suivie de près par Jonas. Avant d'ouvrir la porte je lui lance un regard sous-entendant un « prêt ? » et il acquiesce. Je pousse la porte.

GuerrièreWhere stories live. Discover now