51. Interlude réfléchie (part. 2)

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- Je suis là.

Un minable sourire étire mes lèvres alors même que je me demande s'il peut le voir.

- Je t'avais dit que ce n'était rien de dangereux. Même si tu ne m'as pas crue.

- En même temps, tu avais ta mauvaise tête, celle qui annonce que tu ne veux parler à personne et juste faire ce qui te chante. Sauf que c'est rarement seul qu'on accompli les meilleures choses.

Je m'avance vers lui et glisse au sol, m'asseyant contre un rocher. Wyden m'observe un instant, puis s'installe près de moi. J'hausse les épaules, oui il n'a pas tort.

- Tu comptes me dire ce que tu as fait ?

Cette question est une simple curiosité, bien loin d'un interrogatoire. Alors, je bouge un peu ma bouche, tournant cela dans mon esprit.

- Tu risques de ne pas apprécier.

Alors qu'il soulève ses épaules, désinvolte, je sais qu'il attend ma réponse.

- Je suis allée rendre visite à notre cher général. J'avais quelques questions à poser. Tout cela m'intriguait. Pourquoi le Conseil nous a-t-il menti sur la véritable visée de cette expédition, que sont-ils venus récupérer, ou bien encore qui était cette personne a qui Arthentus a donné cette chose ?

Un silence confortable nous survole un instant.

- Et bien, waouh, je ne te pensais pas aussi avide de vérité pour aller défier le général en personne au beau milieu de la nuit. Et surtout, pas après cette journée.

J'acquiesce, c'est vrai. La vérité m'est aussi chère que la vie, on me l'a enseigné très tôt. Je me suis laissée guidée par ma volonté. Et je compte continuer ainsi un petit moment.

- Il t'a répondu ?

J'hoche la tête.

- Oui, ou du moins à ce qu'il a pu.

J'attends qu'il me demande des précisions, ce qu'il ne tarde pas à faire.

- J'ai appris deux choses importantes sur lui ce soir. Premièrement, il n'était pas au courant de la mission subjacente du Conseil. Seul son bras droit était au courant pour le remède. Lui, non. Deuxièmement, le Conseil ne l'a pas prévenu puisque, depuis son Examen, il ne lui fait plus entièrement confiance.

Son visage se tourne vers moi, interloqué. J'acquiesce.

- Oui oui, tu as bien entendu. Victhorion a passé l'Examen. Il n'a pas voulu me dire pourquoi, ni quand, ni ce qu'il avait dû faire pour le réussir.

- C'est incroyable. Moi qui pensais que cet Examen était rare et proposé seulement aux personnes facilement modelables. Peut-être que le général n'a pas de caractère et que ce qu'on voit n'est que l'emprise que le Conseil a sur lui ?

Sur le moment, je trouve sa question ridicule voire impossible. Et pourtant, il pourrait y avoir une part de vérité.

- Pour un homme sans personnalité ni volonté, il joue bien la comédie. Non, cela m'étonnerait, je glousse.

Il laisse échapper un rire franc. Le genre de joie pure qui s'échappe d'un être pour rayonner autour de lui. J'observe à la dérobé les traits précis de sa mâchoire et son cou tendre et abîmé. J'hésite à lui parler de la proposition du général. Wyden surprend mon regard. Je ne me détourne pas. Je continue de détailler la courbure de son menton venant s'étaler au creux de sa gorge. Je réfléchis à comment formuler la chose. Avant que je ne me décide, ses lèvres se penchent vers les miennes. Je goûte ses tendres demies-lunes. Sa bouche caresse la mienne dans une danse rassurante et paisible. Lorsqu'il redresse son visage, le contact de ses lèvres me manquent. Je sens un baiser se planter sur mon front et j'abaisse mes paupières.

- Dors un peu.

Alors, j'abandonne l'idée de lui en parler maintenant et je pose ma tête sur son épaule. Lovée contre lui, je m'accorde un peu de répit. Je m'enfonce lentement dans une obscurité totale. Un sommeil sans rêve.

Un mouvement me ramène, me fait émerger de ce monde subconscient. Je n'ai pas encore ouvert mes paupières que je sens mon oreiller bouger. Je me redresse doucement. Dans mon sommeil, j'ai glissé, appuyant ma tête sur les genoux de Wyden. Il me regarde dans un sourire désolé.

- Je ne voulais pas te réveiller, murmure-t-il.

J'hausse les épaules, ce n'est pas grave. Son tour de garde est passé, une autre personne doit prendre le relais.

- Aucun souci.

Je me lève, m'étirant un peu le dos et le cou. Cette position n'était peut-être pas la meilleure pour mon cou. Je soupire en souriant. C'est un mélange de mécontentement et d'agréable. Je n'aurai pas préféré m'endormir autrement, je l'avoue timidement. Avant que mon co-équipier ne se lève, je me tourne vers lui.

- Cela est à ton tour de dormir un peu, prends mon sac pour t'appuyer si tu veux, je souris.

- Tu ne devrais pas prendre ce tour de garde, tu es rentrée tard, il y a à peine une heure. Ce n'est pas assez.

Devant son froncement de sourcils, je précise ma pensée.

- Non, non, ce n'est pas moi qui nous surveillerai. Je vais aller réveiller Matt.

Il acquiesce, le regard ailleurs. Peut-être tourné vers lui, après tout je n'ai pas pris la peine de repérer qui s'était allongé où. Tandis qu'il s'installe en position assise, attendant visiblement quelque chose, je reprends la parole.

- Endors-toi, ne m'attends pas. Je vais un petit peu discuter avec lui avant de te rejoindre.

- D'accord.

Je me tourne et observe les silhouettes au sol. Une tignasse pâle attire mon regard. La fille de Lesly est allongée près d'une autre personne. Je ne vois pas de qui il s'agit dans l'obscurité.

- Tery ?

Je pivote, les sourcils légèrement levés.

- Je suis content que tu parles avec lui. Il mérite une deuxième chance.

Je ravale une grimace gênée. Je n'en suis pas encore là à vrai dire. Mais cela, je ne lui dis pas. Je me contente de soupirer, le cœur serré.

- Tout le monde a droit à sa chance, je souffle en pensant à Victhorion.

Il secoue légèrement la tête, satisfait. Dans une expression résignée, il s'enfonce un peu plus contre mon sac, croise les bras et détend chaque muscle de son corps. La tête un peu rentrée, ses cheveux ébène lui tombent devant le visage. Ses paupières closent, sa respiration ralentit peu à peu. Il a un charme fou. Je m'avance doucement, m'accroupis. Je dépose un baiser sur sa joue. Je le sens frémir et un sourire en coin apparaît. Il ouvre un œil, puis le referme.

- C'était juste pour vérifier, lance-t-il.

Je ne peux pas m'empêcher de sourire. Je dépose un second baiser sur ses lèvres.

- Ce n'est pas la peine de vérifier pour celui-là, je glisse au creux de son oreille non sans amusement.



GuerrièreWhere stories live. Discover now