7. Un Petit Mensonge (part. 3)

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L'intérieur est comme à son habitude remplit de tissus de multiples couleurs et de multiples textures. C'est une boutique assez petite mais qui comporte un choix immense comparé aux autres qui bordent cette rue. Une dame aux cheveux grisonnants me sourit de derrière le comptoir. De petites fossettes se dessinent alors au creux de ses joues et sur le bord de ses yeux. Je laisse mes yeux se balader un peu partout sur les étagères.

- Puis-je vous aider mademoiselle ?

- Si ce n'est pas trop abuser de votre gentillesse, bien sûr.

Elle se déplace vers moi et regarde avec une joie à peine cachée. Tant de gentillesse transparaît dans ses paroles que je ne sais retenir un grand sourire qui vient éclairer mon visage. C'est que je n'ai pas l'habitude de recevoir ce genre de sentiment de la part d'une personne autre que Matt.

- Quel âge avez-vous, sans vouloir paraître grossière ? me demande-t-elle les yeux remplis de curiosité.

- Je viens de dépasser mon seizième anniversaire.

Elle semble alors ressasser des moments passés de sa jeunesse.

- Je me rappelle très bien de l'époque où j'avais votre âge. C'était il y a 20 longues années, elle se passe une main sur le visage, il faut dire que je n'ai plus ma beauté d'autrefois, je suis vieille maintenant.

J'allais lui répondre avec toute la politesse que l'on m'a enseignée, seulement elle ne m'en laisse pas le temps et reprendre par "Je suis navrée, je parle trop. Alors, que vouliez-vous ?" Je souris doucement et lui demande quelques tissus pour élargir les bretelles de mes robes les plus fines.

- Pourquoi voulez-vous faire cela ? Je suis sûre que cela vous va à ravir, dit-elle en approchant sa main de ma bretelle gauche.

J'ai alors un brusque mouvement de recul. Elle me regarde surprise et légèrement outrée. J'essaie de me rattraper en inventant quelques excuses.

- Je suis désolée, mais... Si je veux ces tissus c'est pour une bonne raison ne pensez-vous pas ?

Ma phrase sonne plus froidement que ce dont j'aurais espéré. Elle fronce alors les sourcils, toute bonté envolée. De la méfiance se lit dans son regard. J'inspire lentement, imitant un signe de défaite. Les hommes disent que les femmes sont naïves, peut-être est-ce vrai pour quelques-unes, mais était-ce véridique pour elle ?

- Il y a seulement deux jours, je me suis brûlée en faisant le repas. Je ne voulais pas que cela se sache, je ne veux pas que l'on pense que je suis une bonne à rien, dis-je tristement en découvrant mon épaule gauche.

L'expression de la vieille dame passe du tout au tout. De la compréhension, de la douleur et de la compassion se logent dans ses yeux en voyant ma beau blanchit par la chaleur. Je baisse la tête et fais semblant de pleurer. Une larme coule le long de ma joue lorsque je relève la tête. Sa bouche forme un petit "oh..." et ses sourcils se plissent de tristesse.

- Quelles couleurs te faut-il ? me demande-elle en sortant plusieurs tissus devant moi.

J'en choisis quelques-uns et lui demande si elle n'aurait pas des fils dans les mêmes tons. Elle acquiesce et accourt vers un tiroir pour me les sortir. Elle dépose le tout dans mon panier en me souriant.

Je n'aime pas mentir à des personnes aussi gentilles qu'elle, cependant je ne veux pas risquer ma place et celle de Matt dans cette société.

- Voulez-vous une aiguille à coudre pour tout cela ?

- Non merci, il doit m'en rester une de ma génitrice.

Elle souffle et part vers le même meuble que précédemment, puis revient dans ma direction. Elle rajoute une aiguille en fer dans mon petit panier d'osier.

GuerrièreWhere stories live. Discover now