38. Calme Perplexe après la Tempête

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Chaque jour qui passe ajoute une plaie à ses blessures.

William Shakespeare, Macbeth.



Les vibrations créées par le choc de mes pieds contre la terre résonnent dans tout mon corps. Le silence est retombé et il semble bouffer le monde de ses bruits inaudibles. La rage bourdonne à mes oreilles à tel point que j'aurai pu avoir un essaim d'abeille butinant mes tympans que je n'aurai vu aucune différence. Je marche vers là où me semble se trouver notre campement. Les arbres semblent se moquer de moi et les herbes me fouettent les jambes d'une cruauté que je ne perçois que maintenant. L'humanité peut vraiment être stupidement affreuse. Un masque de dégoût s'est incrusté sur ma peau. Je remue mes doigts entre eux, ils glissent, patinent, étalent le sang du guerrier. Et je sens le vent soulever mes cheveux nouvellement courts. Il me caresse la nuque. Mais ce doux toucher n'apaise pas ma haine. Je hais cet homme. Je hais le général. Je hais Le Conseil. Je les réduirai en cendres.

Je discerne des personnes. Ils sont avec moi, aucun danger. Ou du moins en apparence. Est-ce que je vraiment leur faire confiance ? A tous ? Ou ne serait-ce qu'à un seul d'entre eux ? Mes sourcils se froncent. Je n'ai aucune envie de parler – de leur parler. Cela ferait des désastres, je le sais. Je me connais assez pour savoir que j'enverrai tout valser et que je le regretterai demain. Je voudrais seulement m'écarter, me défouler, ou refouler cette rage. J'arriverai à me calmer seulement si je suis seule. La présence de quelqu'un d'autre ne fera que m'énerver d'avantage. C'est pourquoi en passant près de Thaym je le préviens que tout va bien, mais qu'il faut juste que j'aille vérifier quelque chose. Au moins, ils ne s'inquiéteront pas de ne plus me voir. Et je pars en courant, à l'opposer de la section évidement. Je fais attention à où mes foulées m'amènent de sorte à pouvoir retrouver le chemin par la suite. Je cours, de plus en plus vite. Je veux crier. J'ai besoin de crier. Mais je ne le peux pas, la section est trop proche. Alors mes jambes se ruent vers l'avant dans un mouvement de colère profonde. Mes sourcils sont si froncés et tendus que je crains qu'ils ne prennent le pli pour toute ma vie. Et mes pieds hurlent à leur façon.

Je m'arrête d'un coup. Je ne dois pas non plus trop m'écarter. Je sors mes dagues et les plante dans la terre. Je les retire et plonge à nouveau la lame dans le sol dans un grognement. Eliminer la fureur pour laisser place à la maîtrise. Je martèle ce corps terreux et humide. Brusquement, mon oreille frissonne. J'ai entendu un craquement. Mon nez s'emplit d'air et découvre une odeur bien connue. Un sourire apparaît sur mes lèvres. Je siffle.

- Viens, viens petite... je murmure.

Une créature s'approche. Comme réveillée avec le doux parfum d'un gâteau encore chaud, elle secoue la tête et accourt vers moi. Celle-là mesure une ou deux têtes de plus que moi. Je me redresse et fonce sur elle. J'évite ses premières attaques. Mes lames fendent l'air sans la toucher. Elle semble slalomer entre mes dagues avec une agilité étonnante. Je m'énerve et envoie la pointe de mes couteaux dans tous les sens. Je me baisse. Je manque de trébucher. Je cours. Je frappe. Soudain, ses griffes tranchantes découpent mon pantalon. Je me fâche. Je veux qu'elle paye ça. Je serre les dents à m'en briser la mâchoire et commence enfin à réfléchir à mes actions au lieu de danser dans le vide. Mes enchaînements sont fluides, ma cadence est élégante et souple, et en seulement deux mouvements de poignet la créature est à terre.

Contrairement à ce que j'ai pensé en voyant pour cette créature pour la première fois, je ne ressens aucune fierté à l'avoir achevée. Elle n'était pas plus forte que les autres. J'étais juste énervée et je frappais dans le vide sans penser à ce que je voulais faire, comme une petite fille à qui on demande de parer des coups. Elle tapera devant elle sans tactique, sans logique, espérant impressionner et faire reculer son ennemi. La colère ne l'emporte jamais sur la réflexion, elle ne mène à rien appart à se faire mal. Elle ne blesse jamais la personne que l'on veut de la manière que l'on veut.

Alors, je prends une grande respiration et laisse mes dagues retrouver le sol. Je lève les bras au ciel, m'étirant. Dans un bayement, je fais un cercle avec ma tête pour me démunir de toute tension. Puis je me penche pour remettre mes dagues en place. Ma main droite vient se poser sur mes Etoiles. Mes ongles s'enfoncent en elles, espérant récolter un peu calme et d'apaisement. Je n'ai aucune Etoile d'apaisement, puisque je dois être assez forte pour supporter tout ce qu'il m'arrivera. Alors j'implore Courage de me porter encore quelques instants. Et cela est sur cette pensée, que mes pieds se mirent en marche, un peu plus rapidement, et encore plus, jusqu'à ce qu'ils me mènent à mes camarades.

Je décélère tout doucement, calmant ma respiration et mes pensées. Dès lors qu'il me voit, Wyden s'approche avant que Jonas ne puisse esquisser un geste.

- Tu n'as rien ? T'étais où tout ce temps ?

Je souris légèrement. Sa voix se presse même si pourtant je sens qu'il se retient encore.

GuerrièreWhere stories live. Discover now