50. Masque vacillant

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Celui qui bouge pour se faire l'écuyer tranchant de sa rage tient son âme pour peu de chose.

William Shakespeare, Othello


Pourtant, mon ton dit volontairement le contraire. Mes yeux sourient, se languissant de la suite. D'un signe de main, le général m'indique la chaise de fortune installée devant son bureau. Cependant, je préfère rester debout, conservant toute ma stature. Même si mes muscles me prient d'un peu de repos, je ne m'assiérai pas. Je veux être libre de mes gestes à tout moment.

J'inspire, plaçant mes mains l'une dans l'autre derrière mon dos. Je marche un peu dans cet espace confiné, veillant à ne jamais trop lui tourner le dos, je ne suis pas sotte. Laissant cogiter inutilement mon esprit, ma parole se fait désirer. D'anciennes questions concernant la guerre opposant Westen et Lowick murmurent au creux de mon oreille. Je les ignore, ce n'est ni le sujet, ni le moment.

- Pourquoi le Conseil vous a-t-il envoyé ici ?

C'est une question simple, pourtant plusieurs subtilités pourraient s'y glisser. D'un œil agacé, Victhorion hausse les sourcils, réellement surpris.

- Je suis le général, le représentant de Tirihon, il est normal que je m'occupe des préoccupations premières du Conseil.

Il sait qu'il ne répond pas correctement en croisant mes yeux durs pourtant naturellement enflammés par leur couleur vive.

- J'aimerai savoir pourquoi vous êtes venus ici, dans ce lieu précisément. N'osez pas me répondre que cela correspond au lieu demandé par le Conseil. Pourquoi cette ville.

Le général fronce les sourcils. Je commence à l'ennuyer plus que prévu visiblement. S'il veut récupérer son sergent, il doit toutefois me satisfaire. Je ne vais pas me contenter de cette réponse vaseuse.

- Je suppose que vous n'avez aucune connaissance de l'histoire de ce lieu.

J'attends, tournée face à lui, le menton levé.

- Cette ville était durant l'Ancien Temps une mégalopole en pleine effervescence, une réelle capitale économique et scientifique. Les deux grands piliers. De grands laboratoires, faisant partie des plus développés, se chargeaient de... continuer leurs recherches.

Je le réprimanderai volontiers, sachant pertinemment ce que cette hésitation dénonce, mais ceci n'est pas le sujet. Il s'égare.

- Cependant, une de leurs recherches tourna mal. Alors qu'ils pensaient avoir produit de simples molécules inoffensives, ils venaient de créer un virus. Un nouveau virus qui n'avait pas sa place parmi la nature puisqu'étant créé par l'homme. Il se répandit excessivement vite, ne sut être contrôlé ni détecté correctement. Vous savez très bien ce que ce virus a engendré.

J'acquiesce, me retenant de fermer les yeux en hommage aux victimes. Je ne veux pas qu'il l'interprète en signe de faiblesse. Et je ne veux encore moins lâcher du regard cet assassin.

- Et, cela est dans ce même laboratoire qu'ils se sont affairés à trouver un remède. Il était trop tard pour établir un quelconque vaccin.

Le mot me saute aux oreilles. Remède.

- Vous êtes donc venus récupérer ce remède.

Le général opine non sans me fournir une pique exacerbée. Non. Cela ne va pas. Il n'y a pas de remède, je le sais. Mais, à vrai dire, je me doutais de sa réponse. Que ce mot sortirait.

- Très bien.

Le général me fait face, semblant de défier du regard l'air de me dire « C'est bon ? Tu peux partir ? ». Non, je n'en ai pas fini avec toi. Loin de là.

- Qui ce remède est-il censé soigné ?

- Le fils héritier de notre cher Aîné.

J'acquiesce comme si la réponse était évidente. Le général n'aime pas la situation, je le vois. Je m'en réjouis intérieurement. Il sait que quelque chose ne va pas, mais il ne saurait pas mettre le doigt dessus.

- Combien de temps cela fait-il qu'il a été diagnostiqué par notre soignants ?

Mon œil faussement intéressé réclame une réponse.

- Sept semaines.

J'acquiesce une nouvelle fois, faignant une réflexion profonde. Je souris mentalement et m'arrête. Je redresse mon visage. Mon regard mesquin plonge dans le sien.

- Ne m'avez-vous pas précisé que ce virus était difficilement identifiable ?

Avant qu'il ne réponde, je poursuis.

- Les infections virales sont rapides. L'organisme guérit rapidement ou meurt rapidement. Trois semaines tout au plus. Pensez-vous que d'ici que nous revenions, ce liquide pourra le sauver ?

Il ne répond pas. Son visage, habituellement halé a perdu ses reflets dorés. Il n'y a aucun doute dans ses yeux. Malgré son expression durement impassible, je décèle une pointe d'incompréhension. La même que celle que l'on ressent lorsqu'un professeur habile de ses mots vous prouve par A plus B que 4+4 est égale à 44.

- Je pensais avoir été assez claire, le réprimandé-je en reprenant mot pour mot sa formule. J'aimerai obtenir une réponse.

Ses iris d'une pâleur translucide s'opacifient. Il contracte sa mâchoire.

- Non, je ne pense pas que cela puisse lui être d'une quelconque utilité.

Je jubile intérieurement en comprenant quelque chose d'essentiel. Et cela me fait peur.

- Alors pourquoi être venus récupérer cette fiole au Sud de la ville, gardée dans un coffre si sécurisé ? Ne niez pas, nous avons suivi votre bras droit qui nous y a mené sans rien remarquer.

GuerrièreWhere stories live. Discover now