35. Méfiance (part. 3)

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- Oui je sais, un sourire éclaire ses lèvres délicates, ma mère m'a appris les différentes manières de parler en fonction des villes. Et vu comment tu parles j'en est conclu que tu venais de Westen. Là-bas vous avez tendance à ne couper aucun mot et à prononcer chaque syllabe avec un profond intérêt pour la langue que vous utilisez. Alors qu'à Lowick, on parle plus vite sans se gêner de raccourcir la fin des mots. Ah oui ! Même si tu as l'air d'avoir perdu cette habitude, vous vouvoyez presque tout le monde ! C'est incroyable.

Ce domaine a vraiment l'air de lui plaire et elle s'extasie presque à m'expliquer nos différences d'articulation et de pourquoi est-ce important de respecter ces codes-là. Je pourrai presque me laisser impressionner par la facilité qu'elle a de s'exprimer et à connaître ces choses-ci. Comprenant qu'elle s'emballe sur ce sujet, elle s'arrête et reprend son air sérieux en me répétant qu'il ne faut pas que je la vois comme Lesly.

- Je sais à quel point cela peut être pesant de récupérer la réputation de nos parents sur notre propre dos. Alors, ne t'en fais pas, même si je ne te connais pas encore assez, je ne pense pas que tu sois comme ta mère. Vous n'êtes pas la même personne.

En lui disant cela, j'esquisse un timide sourire. J'ai l'air de l'avoir convaincue. Elle me rend mon sourire et après un hochement de tête nous allons retrouver les autres. Je la laisse passer devant moi et, lorsqu'elle ne peut plus voir ma tête, ce sourire s'efface qui sonne faux à mes oreilles.

Au moment de lever le camp, je vois que Thaym et Shesy s'apprête à repartir vers Lowick.

- Mais ne repartez pas maintenant, venez avec nous !

La fille me regarde bizarrement, suspectant une mauvaise action.

- Tu en es sûre ?

- Je ne vais pas te mentir, je n'ai pas confiance en toi ou du moins pas encore. Mais si vous nous accompagnez j'apprendrai et alors, ensemble, nous serons plus forts.

Comme me disait mon père « toujours mentir avec l'amorce d'une vérité ». Mélanger le vrai et le faux rend un mensonge crédible en l'enrobant d'un voile de vérité. Et si ce même voile venait à laisser entrevoir quelques affabulations, alors la véracité rendrait ce mensonge futile et dérisoire.

Nous commençons à avancer doucement pour laisser les guerriers prendre de l'avance, puis nous nous élançons. Les foulées s'enchaînent sans nombre. Je me mets derrière Shesy, gardant un œil sur elle et ses cheveux ivoires. Je ne suis pas d'humeur à lui donner un couteau dans les mains pour qu'elle me le plante dans le dos par la suite.

Le soir venu, je suis éprouvée. Durant toute cette journée de course je n'ai cessé de me triturer l'esprit. Je me demande ce que sait réellement Lesly et ce qu'elle mijote. En ce qui concerne Shesy, je vais laisser un peu d'eau couler sous les ponts avant de me décider sur elle, son comportement et sa fiabilité. Puis, nous ne savons toujours pas ce qu'ils étaient venus négocier avec Victhorion, qui sait ?

Quoi qu'il en soit, le crépuscule touche ballait les herbes hautes qui ont remplacées les brindilles et la mousse. Les arbres également changés de formes et de grandeur. Les feuilles y sont plus allongées, plus claires et plus fines. L'odeur a des teintes quelque peu nuancées, mais encore suffisamment pour un réel constat. Je m'approche de Matt et m'assieds près de lui. La carte géographie volée au général Tray est étendue devant lui. Avec un crayon il entoure certains endroits et en relie d'autres.

- Alors chef ? Où en sommes-nous ?

- Et bien, cela fait une dizaine de jour que nous sommes partis, ce qui veut dire que nous avons déjà parcouru plus de la moitié du chemin.

Un grand sourire prend place sur le bout de mes lèvres. En le voyant, Matt ajoute :

- Et oui, cela est une bonne nouvelle !

- De plus, nous ne nous sommes toujours pas fait remarqué.

Il hoche la tête et fronce légèrement les sourcils en regardant la carte. Lorsqu'il redresse son regard dans ma direction un pli a pris possession de sa joue droite. Je vois à son expression ce à quoi il vient de penser.

- Il faudra s'en occuper rapidement, je conçois.

Cela est vrai, il ne nous reste qu'une semaine avant de mettre les pieds à Ew York et nous n'avons encore aucune information concrète sur le remède. Nous ne savons ni où il se trouve, ni sous quelle forme.

- Tery, je doute qu'ils aient une feuille où il y aurait marqué toutes les informations qui nous intéressent.

- Tu n'en sais rien. Il faut bien qu'ils les connaissent et s'en souviennent.

- Réfléchis, cela est beaucoup trop dangereux de laisser un papier comme ceci à la merci de tous les guerriers.

- Et alors quoi ? Nous abandonnons ? Non, il faut que nous tentions notre chance. Ils ont forcément emporté quelques documents avec eux qui nous seront utiles, même indirectement.

Il faut absolument que nous essayons avant qu'il ne soit trop tard, et pour cela j'ai besoin de l'appui de Matt. Face à son regard dubitatif, j'affirme, sûre de moi :

- J'en suis persuadée.

Et honnêtement, je n'en croyais pas un mot.

GuerrièreWhere stories live. Discover now