50. Masque vacillant (part. 3)

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Cette conversation relativement calme a des allures étranges. Nous sommes là, tous deux, face à face, à contrôler nos émotions. Alors que je rêve de lui sauter à la gorge et de lui cracher mes plus belles injures, il ne laisse filtrer que quelques mimiques incompréhensibles. Nous ne sommes pas beaux non. Deux personnes échangeant sans sincérité. L'honnêteté a beau être dans les mots, elle n'est ni dans notre comportement ni dans ni dans nos intentions. J'aimerai me faire l'écuyer tranchant de ma rage. Mais, je préfère la trahir en soutenant le regard calme de mon interlocuteur et continuer à parler avec un assassin. Nous ne sommes que deux marionnettistes agitant leurs masques pour ne pas avoir à supporter de regard que pourrait poser l'autre sur nous. Et, pour la première fois, son masque vacille.

Le général tourne la tête, s'échappant de mon regard. Ses yeux pâlissent et ses mains viennent retrouver ses hanches. Dans cette semi pénombre, mon regard s'est habitué. Je discerne alors le mouvement immobile de son torse. Il retient sa respiration. Je ne veux pas me résoudre à comprendre l'évidence. Pourtant, il est évident qu'il peine à contrôler le triste tremblement de son corps. Il refuse de ne laisser ne serait-ce qu'un œil s'embuer devant moi. Et je lui en suis reconnaissante brièvement car voir un homme comme lui dans cette position m'énerverait d'autant plus. Comment ose-t-il après tout le mal qu'il a fait aux autres ? Une rage sourde monte en moi alors qu'il ouvre la bouche pour répondre à ma question subjacente.

- Le Conseil ne me fera plus jamais confiance. Toutefois, je m'attendais malgré tout à quelque chose de mieux que ça, exprime-t-il avec une pointe de dégoût sur ce dernier mot bien petit pour tout ce qu'il doit représenter.

A son expression contrite, je devine qu'il regrette d'avoir prononcer ces mots devant moi. Puis, ses plis se lissent et il soupire, abandonnant. Les soupçons que j'avais eu se vérifient alors. Je n'hésite pas à prononcer les mots qui me brûlent la langue.

- Qu'avez-vous fait pour qu'Il réagisse ainsi ?

Je n'arrive pas à croire que cela pu lui arriver à lui, au général. Le sujet le plus haut placé de notre armée.

- Cela ne vous regarde pas, Theresy, grogne-t-il en reprenant un peu de vigueur.

Jamais je n'aurai pu envisager auparavant que cela puisse être possible. Si cela est possible, alors je suis encore bien loin de tout savoir sur la gestion et la politique du Conseil. Je ne me pensais pas aussi loin de la vérité. Le général Victhorion a réussi son Examen.

La lueur de fragilité que j'avais cru percevoir a disparue. La résignation s'est installée de tout son long. Il tente laborieusement et en vain se réchauffer sa froideur caractéristique. Cet homme semble en perpétuel réflexion, envisageant toutes les possibilités. Interrompant certainement un monologue intéressant, je me redresse un peu plus. N'ayant pas le temps de prononcer le moindre mot, le général me devance.

- J'ai une bien meilleure proposition pour vous Theresy.

Je ravale ma question et tends l'oreille.

- Comme nous l'enseignons, il n'y a pas la place pour des traîtres dans nos rangs, proclame-t-il fièrement la mâchoire serrée. Que l'on m'utilise et me mente aussi ouvertement, je considère cela comme une trahison.

Je sais dès lors quels mots vont franchir ses lèvres pincées.

- J'ai connaissance de votre rancœur vis-à-vis du Conseil. Il serait bien plus sage de nous allier pour arriver à nos fins, termine-t-il dans un sourire diaboliquement tentant.

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