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— Je peux reculer sans que tu n'essaies encore de me tuer ? interrogeai-je d'un ton empli de morgue.

Max poussa un long soupir, mais finit par grommeler, grincheux :

— Ouais...

Pas convaincue, je demeurai là où j'étais, guettant sa main droite toujours refermée autour du manche de sa hache. Lorsqu'il comprit enfin, il marmotta quelques jurons à demi inaudibles dans sa barbe, et finit par faire disparaître l'arme. Alors seulement, je libérai sa main gauche et me postai dans la clairière, à un bon mètre et demi de distance pour ne pas me faire avoir par une éventuelle dague, fléchette, lame, ou autre objet tranchant qu'il pourrait me planter dans le cœur sans même avoir à tendre le bras. Mais il n'en fit rien. D'ailleurs, à bien y réfléchir, les armes blanches n'étaient pas exactement ma plus grande préoccupation, avec Max. C'étaient plutôt ses pouvoirs, en fait.

— Tu t'es améliorée, lâcha-t-il, faussement désinvolte.

— Tu as vieilli.

Ma réplique lui tira une moue irritée, qui ne s'attarda pas sur son visage bien longtemps, notamment parce qu'il savait que c'était faux. Du moins, physiquement parlant. Comme les trois quarts des demi-divins, il n'avait pas pris une ride malgré ses quelques deux cent trente années d'existence, probablement grâce aux pommes d'Idunn qu'il consommait assez régulièrement. En revanche, au niveau de ses capacités de combattant... soit il s'était laissé aller, soit je m'étais réellement améliorée. Réaliste, je penchais plutôt pour la seconde option, mais le taquiner un peu ne me ferait pas de mal.

Je le jaugeai de la tête aux pieds avec attention. Plutôt petit et trapu, extrêmement bien bâti, une peau pâle et une barbe sombre soigneusement taillée, il était probablement le fantasme même de toutes les jeunes adultes aux hormones encore déréglées. Avec son regard bleu cobalt aigu, qui semblait lire au fond de mon âme et deviner la moindre de mes faiblesses en un rien de temps, je me sentais mise à nu, vulnérable, telle un chiot en face d'un loup. Bon, j'avais vaincu le loup en combat loyal, mais rien n'excluait qu'il ne me cause pas un infarctus juste en s'amusant à faire apparaître une bulle d'air dans mes coronaires d'ici trois minutes.

— Une fois que tu auras fini de me mater, tu m'expliqueras pourquoi ta tête vaut actuellement cinq cents millions de pièces d'or sur le marché noir ? releva-t-il, caustique, sans pour autant chercher à se soustraire à mon regard observateur.

Je lui retournai un sourire grinçant, impressionnée par les moyens que Kaiser mettait en œuvre pour me faire disparaître. Si elle était vraiment si déterminée, j'avais vraiment du souci à me faire. Même les moins cupides – et donc généralement les plus puissants – seraient attirés par ce genre de pactole, et mon avance confortable ne les freinerait pas bien longtemps. Il suffisait de voir la rapidité avec laquelle Hræsvelgr nous avait trouvés.

— Tu es là pour ma tête ? demandai-je.

Il haussa les épaules, l'air blasé par tant de bêtise humaine.

— Je me suis dit qu'on pouvait faire du tout en un... se revoir rapidement, causer un peu, peut-être s'amuser comme au bon vieux temps, puis je me barrerais avec ton joli minois dans une glacière et un demi-milliard en poche à mon retour à Midgard.

Je secouai la tête de gauche à droite, sincèrement amusée. Max, c'était exactement le genre de type que je ne fréquentais qu'une fois de temps en temps pour assurer ma santé mentale et physique. Il était réellement capable de m'embrasser et de m'affirmer le plus sérieusement du monde que j'étais l'unique femme de sa vie, avant d'essayer de me décapiter. C'était déjà arrivé, en fait, à notre première rencontre, six ans plus tôt. Bon, le baiser avait surtout été là pour épater la galerie et faire le show dans une assemblée humaine particulièrement ennuyeuse, mais il y avait mis tant de force et de conviction que, durant un instant, j'aurais presque pu y croire. Presque.

Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des DéchusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant