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En attendant que Thalia se réveille, nous nous étions installés à côté en nous enveloppant dans l'épais cuir de vanköfr, terriblement chaud et doux. Je songeais sincèrement à m'en emparer pour le donner à un tailleur nain qui serait capable d'en tirer le meilleur pour m'en faire un manteau. Ou une combinaison d'hiver. Bref quelque chose de chaud, maintenant que je n'avais plus de magie pour me réchauffer. Il faisait un froid à fendre les pierres, la nuit, sur Jötunheim. Heureusement, nous n'étions qu'en fin d'été pour le moment, mais je pressentais que les températures ne tarderaient pas à chuter drastiquement.

— Kalyan ? interrogeai-je.

— Oui ?

— Question technique. Si tu électrocutes un géant qui me tient, est-ce que le courant me touchera aussi ? Ou est-ce que tu sais faire en sorte que ça n'arrive pas ?

— Donne-moi ta main, m'intima-t-il après un moment de réflexion, et je levai un sourcil. Donne, je veux te montrer quelque chose.

Méfiante, j'enlevai mon gant et tendis ma main dans sa direction. Il entrelaça ses doigts aux miens, ferma les yeux, et soudain, une magie électrique, vibrante, se joignit à la mienne. Nos deux flux magiques s'entremêlèrent pour n'en former qu'un, joignant nos forces, associant notre puissance. La technique, qui m'était familière même si je n'avais pas pu l'utiliser souvent jusque-là, me donna le vertige. Je connaissais ma magie, je l'avais explorée dans ses recoins, j'avais toujours essayé d'en tirer le maximum. Mais j'étais encore jeune. Ce n'était pas une excuse, simplement un aveu d'inexpérience. Je le réalisais quand je faisais face à Ekrest, Åke ou même Selvigia : ils avaient une autre perception du monde, ils maîtrisaient des facettes du flux dont je n'avais même pas conscience.

Et Kalyan avait, de la même manière, une autre approche. Avec lui, je ressentais soudain la puissance cachée dans les nuages, l'électricité omniprésente qui se dégageait de partout, y compris de nos corps. Il tendit la main, ne demandant qu'un fragment infime de magie à notre force conjointe, et un arc d'électricité crépita entre ses doigts, suffisant pour assommer un mamouth, condensé en une seule ligne presque parfaitement circulaire, dont aucune ramification ne s'échappait.

Je l'avais entrevu lorsqu'il avait affronté Åke, mais je le comprenais mieux maintenant : il maîtrisait le moindre mouvement, la moindre parcelle de magie qu'il utilisait. Il régulait son absurde puissance – aussi absurde que la mienne devait paraître à un enfant de Loki lambda – par une volonté de fer. Et il n'avait pas besoin de grands gestes pour diriger ses pouvoirs, juste des minuscules mouvements, de quoi aider son esprit à orienter l'action.

Fascinée, je le regardai jouer avec les éclairs, les amasser, les concentrer pour en faire des armes de destruction massive, puis les disperser dans l'air en libérant progressivement leur potentiel pour ne pas provoquer de détonnation. J'avais toujours détesté la foudre, mais il y avait quelque chose de foncièrement beau dans la manière dont il arrivait à manipuler l'élément autour de lui.

— Whaou, lâchai-je finalement quand il rompit notre connexion.

— Maintenant tu sais. Mais tu m'aurais fait confiance sans le savoir ?

— Je ne sais pas, répondis-je sans réfléchr.

J'aurais pu mentir, prétendre que je voulais pouvoir me reposer aveuglément sur lui. Mais Kalyan n'était pas dupe ; il se recula, me considéra un instant de son regard azur. Son sourire se ternit, un pli d'agacement barra son front, ses lèvres se froissèrent. Mais, après un instant de silence pensif, ses traits se détendirent et il attrapa à nouveau ma main.

— Lilith, je ne veux pas que tu me fasses aveuglément confiance. Je veux que tu sois toi, méfiante si nécessaire, capable de te sauver si nécessaire. Ma magie ne change rien.

Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des DéchusWhere stories live. Discover now