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Je haussai les épaules, narquoise.

— Comme tu veux.

J'en avais assez de me faire extorquer des informations. J'étais prête à les donner, mais j'étais également en position de négocier mes conditions. Cinq mille hommes, à l'échelle de la Faction, ce n'était pas grand-chose. Une Maison comptait en moyenne deux à trois cent sang-purs, et environ le double de descendants de deuxième et troisième génération encore dotés d'une puissance magique suffisante pour servir dans les troupes régulières. Face à une Maison complète, cinq mille humains ne seraient clairement pas assez pour un affrontement direct, mais c'était largement assez pour mener des raids à la façon de vikings modernes, avec kalashnikovs et bombes lacrymogènes à l'appui au lieu des traditionnels haches et boucliers.

La situation s'éternisait. Je savais déjà que je ne bougerais pas de mes positions. J'avais assez donné comme ça. Lana, en revanche, était sur le point de craquer. Je sentais, instinctivement, comme j'avais senti chez tous mes prisonniers, qu'elle approchait de son point de rupture, qu'il suffisait de la pousser encore un peu pour qu'elle cède. Mais, plus elle aurait le temps d'y réfléchir, moins elle serait encline à accepter.

Alors, d'un geste ferme, mais non violent, je repoussai légèrement Bêta. Il recula de deux pas, ses yeux noirs toujours rivés dans les miens, étrécis, ombrageux, menaçants. Ses deux petits pas, et mon léger mouvement d'épaules, furent la poussée dont Lana avait besoin pour accepter de mauvaise grâce.

— Hommes contre renseignements, céda-t-elle. Tu en auras besoin quand ?

Je haussai les épaules.

— Pas tout de suite.

En guise de réponse, elle haussa les sourcils. Je ricanai, fis apparaître mon ordinateur portable, le branchai sur la prise que j'avais repérée sur le côté de la banquette, récupérai une clé USB dans mon inventaire magique. Un petit frisson me hérissa l'échine quand je réalisai que c'était la clé qu'Ekrest m'avait laissée pour m'avertir des manigances de Kaiser. Après une brève hésitation, cependant, j'effaçai intégralement les données qu'elle contenait sans même les avoir lues, et commençai à copier les fichiers de renseignements que j'avais sur mon disque dur.

— Une moitié maintenant, l'autre moitié une prochaine fois, quand je serai certaine de ta bonne volonté, lançai-je à l'intention de Lana.

Elle acquiesça, un étrange mélange d'irritation et de satisfaction déformant ses traits doux. Cela faisait des années – des décennies, en fait – que la Faction poursuivait des fantômes, des hommes capables de se téléporter, qui lui échappaient toujours. Mes infos – au demeurant nombreuses et véridiques – étaient l'unique point de pression que j'étais certaine d'avoir sur Lana pour le moment. Une fois qu'elle les aurait, cependant, j'avais tout intérêt à ne plus jamais recroiser son chemin.

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La base dans laquelle nous étions censés atterrir n'était pas une base. C'était l'aéroport d'Istanbul, d'après les lettres géantes qui surplombaient les bâtiments près de la piste. Mais le jet privé de la Faction n'avait apparemment pas à s'embêter avec les contrôles de sécurité. Une fois au sol, il se dirigea droit vers un petit hangar aux abords de la piste, et ce fut seulement lorsque immenses les portes blindées se furent refermées que nous fûmes autorisés à quitter l'appareil.

Étant la seconde, derrière Bêta, à descendre les quelques marches qui me séparaient du tarmac, j'eus l'occasion d'admirer la formation impeccable du comité d'accueil : deux rangées de silhouettes noires parfaitement alignées, plus un petit groupe mobile qui guettait devant la porte du hangar, paré à intervenir à tout instant. Casques et équipements standardisés étaient de rigueur, sans oublier la traditionnelle raideur militaire qui accompagnait l'arrivée d'un chef d'organisation secrète. L'image, vue du haut de l'escalier intégré à la porte du jet privé, m'arracha un sourire nostalgique, lorsque je me rappelai de mes propres années passées au sein des unités polyvalentes du Manoir.

Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des DéchusWhere stories live. Discover now