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Nous convînmes de nous mettre finalement en route à l'aube, après avoir passé la nuit chez le nouveau seigneur de Thrymheim, Gedvog. Il nous avait hébergés sans mot dire – et je n'étais pas certaine qu'il ait eu envie de dire quoi que ce soit au vu de la manière dont nous avions éliminé sa mère et ses frères – et nous avait même renouvelé nos stocks de vivres pour le voyage à venir. Thalia semblait grâce à l'intervention de la fille d'Eir parfaitement remise de sa rencontre avec les géants au bas des montagnes, et Levi était bien plus heureux avec son corps d'origine et un ventre plein, même s'il était impossible de nier que les récents évènements l'avaient affecté bien plus qu'il ne le montrait.

Malgré notre nombre et notre puissance conjointe, nous décidâmes de ne pas utiliser le suspenseur de Kalyan. Les quelques dizaines de kilomètres que nous avions déjà fait avec, lui et moi, nous avaient plus qu'épuisés, et il restait une longue route avant de rejoindre les terres moins dangereuses de Nidavellir. Nous nous mîmes d'accord sur l'idée que commencer le voyage en étant tous déjà vidés de nos réserves magiques était une plus que piètre idée, surtout si nous considérions ce qui nous était déjà arrivé par le passé. Ainsi, Kalyan le rangea à nouveau dans son inventaire avec un improbable effort de puissance et de volonté le soir d'avant, et pour ma part, j'allai récupérer le transmetteur que j'avais dissimulé sur la tourelle. Personne ne me demanda pourquoi je disparus pendant près d'une heure, déterrant à la main l'objet que, sinon, j'aurais pu libérer de son emprise de glace avec ma pyromagie. C'était dans les montagnes d'ici qu'elle me manquait le plus cruellement.

Arza et Jessica nous firent de vrais adieux, Jessica me donna même une pochette d'herbes enchantées qui était censée pouvoir accélérer la guérison des blessures lorsqu'elle était appliquée sur la plaie. Et enfin, un peu comme mes anciens compagnons de prison partant de chez Heimdall – ce qui me semblait avoir été une éternité plus tôt – nous nous emmitouflâmes de nos plus chauds habits et nous dévalâmes les pentes de la montagne à ski. Skadi ayant été la déesse de l'hiver et du ski, son domaine était agrémenté de nombreuses pistes plutôt bien entretenues, même si je ne savais pas comment c'était possible. Toujours était-il que la descente depuis son immense montagne ne posa aucune difficulté. En plus, c'était absurdement bien indiqué. Sur certains conifères au feuillage haut et aux troncs nus, des panneaux avaient été placés à hauteur suffisante pour indiquer les directions des villages les plus proches. Gedvog nous avait également donné des conseils, mais je devais avouer que « prendre à droite par la piste qui contourne la forêt » était une terminologie trop vague pour moi.

J'avais aussi l'émetteur-récepteur-carte dvargen pour nous donner une direction générale, mais il n'était guère utile car il ne référençait pas les variations de terrain. Cependant, au cas où Selvigia et Åke se manifestent un jour, je le gardais allumé en permanence.

Nous voyageâmes une semaine ainsi, à alterner entre bivouacs dans des grottes ou dans des renfoncements montagneux, et journées épuisantes sur les pistes, à skis dotés de peaux de phoque pour gravir les pentes. À chaque fois qu'il s'agissait de dresser le camp, je trouvai une délicate excuse pour ne pas avoir à justifier mon incapacité à user de pyromagie, et refourguai l'allumage des feux de camp à Levi. Souvent, je prétextai chasser des oiseaux ou poser des collets. Thalia s'occupait d'essayer d'extraire des racines ou des feuilles comestibles, et elle nous faisait souvent une bouillie d'épines d'un quelconque arbre local qui n'était au final pas mauvaise si elle était bien assaisonnée. Nous vivions autant sur les réserves que nous avait données Gedvog que sur ce que nous trouvions dans les environs, et étrangement, l'humeur dans le groupe était au beau fixe. Il n'y eut aucun conflit, certainement parce que Thalia et Kalyan se connaissaient déjà depuis longtemps, et que Levi savait s'intégrer, au combien il me coûtait de l'admettre. Il eut même la décence de ne poser absolument aucune question sur Kalyan et moi, se contentant d'accepter la situation entre nous comme s'il n'y avait aucun problème.

Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des DéchusWhere stories live. Discover now