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Åke consulta Selvigia du regard. À voir leurs expressions à tous les deux, je réalisai qu'ils avaient probablement dû en parler durant la semaine passée... et elle semblait d'accord avec lui. Une grimace affleura à mes lèvres lorsque je réalisai ce que cela impliquait. J'allais devoir faire un choix. Eux ou Kalyan.

Mais ma sœur n'avait pas été la meilleure espionne du Manoir pour rien ; la diplomatie était un art dans lequel elle excellait. Au lieu de me poser l'ultimatum de but en blanc, elle pivota pour me faire face et expliqua honnêtement :

— Je ne me sens pas à l'aise à l'idée de bosser avec lui. Je sais, j'ai dit qu'il pouvait nous servir de mercenaire, mais...

Un fin sourire m'échappa lorsqu'elle hésita, cherchant ses mots. Les vieilles habitudes étaient difficiles à défaire. Voir un Thor comme autre chose qu'un ennemi à abattre ou un individu avec lequel traiter avec prudence était presque inscrit dans notre sang. Renier tout ça, c'était renier des millénaires d'enseignements rabâchés en tout temps, confirmés chaque jour sur le terrain. Mais l'une des choses dont nous avions longuement débattues avec Kalyan le premier jour était justement de cette relation ambiguë entre nos géniteurs. Ils avaient passé des siècles à combattre côte à côte, à faire des raids à Jötunheim et à traquer et à tuer des Jötnar. Si, aujourd'hui, ils se détestaient, c'était à cause de la nature fourbe de mon père.

Sauf que je n'étais pas mon père. Ça, je l'avais bien compris, depuis le temps.

— Il n'y a pas besoin d'en faire tout un drame, soufflai-je en serrant ma main sur la sienne. Il y a trois mois, j'aurais été comme toi.

Elle me fixa avec une pointe d'espoir légèrement malsaine, qui me vrilla le cœur. Au fond, elle aurait aimé que je la choisisse. Sauf que mon choix était fait. Aujourd'hui, dans l'état actuel des choses, j'avais surtout besoin de la stabilité que m'apportait Kalyan. Selvigia... s'il y avait bien une chose que j'avais appris à propos d'elle durant ce début de voyage, c'était que je ne la connaissais au fond pas tant que ça. J'avais confiance en elle, mais il y avait toujours des non-dits dans son attitude fuyante, et ses secrets pouvaient m'exploser à la figure à n'importe quel moment. Loki savait ce qu'elle avait fait durant ses quatre cent années d'existence à part vadrouiller dans les Neuf Mondes. Elle pouvait s'être fait des ennemis, avoir noué des alliances dangereuses... tout, en fait. Au fond, je ne la connaissais pas plus que Kalyan.

Quitte à choisir un étranger, autant choisir celui qui m'avait le moins menti, et avec qui je me sentais pour le moment le mieux.

— Vous, faites le tour de Jötunheim, faites le nécessaire, leur intimai-je à tous les deux. Je vais continuer vers Thrymheim. De toute façon, on voyagera moins vite que vous, donc on se retrouve là-bas, et ensuite, on avisera.

Sa façade calme et attentive s'effrita, ses lèvres roses se plissèrent en une moue de dépit, ses yeux turquoise se chargèrent de rancœur.

— Vraiment ? releva-t-elle, blasée.

Une sourde douleur me vrilla la poitrine lorsqu'elle me sonda avec l'expression de quelqu'un qui me voyait pour la première fois. Je pris une profonde inspiration, luttant pour maintenir pour ma part un visage aussi neutre que possible. Ma famille ou moi. C'était un choix que je devais faire... et je devais le faire maintenant.

J'étais tentée. Selvigia, c'était la sécurité. Une amie, une personne qui m'avait toujours soutenue – à l'exception de quelques brefs moments au Manoir où nos intérêts économiques avaient divergé – mais surtout, une véritable sœur, qui avait toujours répondu présente à l'appel lorsque j'avais besoin d'elle. Elle n'avait pas hésité – ou en tout cas ne semblait pas avoir hésité – à s'allier à un Thor pour me sauver, elle m'avait suivie au milieu de l'enfer pour libérer les autres Élites. C'était si simple, si évident, de me tourner vers elle. À un autre moment, je n'aurais pas hésité.

Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des DéchusWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu