| 27 † 1 |

9 2 0
                                    

Il avait un suspenseur dvargen.

Perchée à quelques cinq mille mètres d'altitude, au-dessus des nuages qui avaient étouffé la plaine et les pieds des montagnes, j'hésitais entre le tuer et le tuer. Le suspenseur, une sorte de coque de navire absurdement effilée et aérodynamique, fendait l'air si aisément que j'étais dépitée à l'idée qu'on ait fait tout ce voyage à pied alors même qu'on avait un moyen de transport depuis le tout début. Nous filions à une vitesse indécente, louvoyant entre les montagnes avec l'aisance d'un oiseau, mais à la vitesse d'un petit avion midgardien. Et, certes, c'était encore loin de la vitesse d'un descendant de Sleipnir, mais cela raccourcissait déjà considérablement le trajet.

— Lilith ?

— Mmhm ? grinçai-je.

— Tu veux savoir pourquoi je ne l'utilise pas au quotidien ?

Je souris presque en songeant au fait qu'il avait dû voir mon dépit sur mon visage, puis je hochai la tête.

— Montre.

— Donne ton poignet.

Il me tendit sa main, et comme quelques dizaines de minutes plus tôt, juste en l'effleurant, je perçus la puissance absurde que sa magie pouvait canaliser. Puis, en me focalisant une seconde supplémentaire, je réalisai la quantité d'énergie que le vaisseau volant, conçu par les nains de Nidavellir, drainait. C'était presque inhumain. C'était un flux d'énergie semblable à celui que j'avais déployé à Barcelone sur quelques minutes pour combattre le Svynfilkingar, mais ici, Kalyan le maintenait déjà depuis bien plus longtemps. Et nous avons encore de la route, réalisai-je en contemplant le lointain sommet qui dépassait de loin les autres montagnes. Kalyan m'avait indiqué d'un geste vague le pic de Thrymheim, la demeure de Skadi, quand nous avions passé les nuages, mais après quelques minutes de vol, il semblait qu'il s'était à peine rapproché. Enfin si, j'étais mauvaise langue, nous étions plus proches, mais pas suffisamment pour que Kal ne s'effondre pas en plein vol s'il maintenait cette dépense d'énergie.

— Il n'y a pas de ligne de flux ici, expliqua-t-il en voyant mon air abasourdi. Il n'y en a que peu à Jötunheim de manière générale, mais ici, et en particulier dans les plaines d'Arak, c'est quasiment impossible d'en trouver. Donc s'il vole actuellement, c'est uniquement avec mon énergie.

Sans même réfléchir, je modifiai une dernière fois mon apparence, gardant ma morphologie et le corps avec lequel j'étais familière, mais changeant de visage pour basculer sur une identité que je savais n'avoir jamais utilisé pour la Confrérie. Je ne changeai pas beaucoup, mais suffisamment pour qu'on ne puisse pas s'imaginer que je pouvais être moi. Puis, j'appliquai une illusion permanente sur mes yeux pour leur donner le délicat éclat électrique porteur de mort des Thor. Si par malheur un enfant de Heimdall était dans le coin, ce tour de passe-passe serait totalement inutile, mais avec des jötnar normaux, il en valait la chandelle. Et enfin, ce qui restait de ma magie – soit quasiment une réserve pleine – je le redirigeai vers la liaison que je partageai avec Kalyan.

Le vaisseau ne fit pas de bond improbable, pas d'accélération soudaine. Il se contenta de filer à la même vitesse qu'auparavant, ni plus ni moins. Par contre, je sentis clairement que Kalyan se détendait d'un seul coup à mes côtés, respirait plus aisément et reprenait un peu de couleur. Je calculai en silence l'avantage de me drainer de ma magie avant mon arrivée à Thrymheim. Comme j'additionnais mon flux à celui de Kal, c'était sa signature énergétique de Thor qui serait la plus perceptible. Comme je serais quasiment vide – en jugeant approximativement la distance qui restait à parcourir – ma trace magique serait de base plus faible. Donc je pourrais survivre les premières heures sans me faire repérer, pour peu que je ne sois pas stupide au point de faire apparaître quelque chose.

Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des DéchusWhere stories live. Discover now