𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑

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Trois jours plus tard, la même routine. À la seule différence que je n'avais pas loupé mon bus une seule fois. Entre temps j'avais revu ma meilleure amie, Kim Bora, pour manger avec elle un midi avant de reprendre le travail. Elle et moi étions devenues amie au lycée, et depuis nous nous sommes jamais quittée. Vous savez, c'était le genre d'amitié qui avait commencé par un
« Tu sais, au début je t'aimais pas. »
suivit d'un
« Ah ouais ? Moi non plus ! Mais en fait t'es super sympas !».
   Elle et moi avions une personnalité très similaire, beaucoup de passions communes, notamment pour la musique et les activités manuelles. Je n'étais bonne ni pour dessiner, peindre, façonner ou créer, mais j'aimais ça et je m'améliorai. C'était aussi le cas de Bora, et ça nous allait très bien ! Mais sur le plan professionnel, nous n'avions pas du tout la même carrière. Elle en était à sa quatrième année de médecine, et travaillait de temps en temps pendant ses vacances pour se faire de l'expérience. Ses parents s'occupaient de payer la plus part des choses, car sa bourse ne suffisait largement pas à subvenir à tous ses besoin. Pour ma part, je ne recevais plus d'argent de mes parents depuis mes vingt ans, j'arrivais à m'offrir toute seule une assez belle vie. J'ai toujours été débrouillarde, mes parents en sont toujours aussi fières d'ailleurs. Malheureusement l'emploi du temps chargé de ma copine l'empêche de sortir comme elle le voudrait, mais elle arrivait toujours à se dégager du temps pour moi. Ça, c'était une vraie amie. Pour cette raison, je n'avais pas chercher à en avoir d'autres. Cela ne m'empêchait pas d'aller sympathiser avec de nouvelles personnes, cependant.

   Comme aujourd'hui était un jour comme un autre, j'étais comme à mon habitude assise derrière le comptoir de l'accueil. Cette après-midi n'était pas bien chargée. Peu de rendez-vous, et l'ultime patron passait sa journée à vérifier que tout était en ordre chez les autres agences. Alors j'étais surtout beaucoup absorbée par mes pensées, heureuse de ne pas être emmerder ni par lui, ni par mon envahissante responsable. Si Eunji n'était pas là, alors il n'y avait pas de risque qu'il me parle. Pour Kang Soyeon, c'était le bonheur absolu. Bien qu'un peu triste de ne pas pouvoir le matter en cachette, elle préférait largement ça que de le voir me draguer devant toute l'entreprise. Il n'était pas très discret pour ça, et il aimait trop se montrer pour vouloir l'être.
   Depuis ce matin, je n'avais pas arrêté de penser à ce Kim Hong-Joong, ce parfait inconnu à qui j'ai donné ma confiance le temps d'un court trajet en voiture. J'ignore tout de lui, et si ça se trouve le prénom qu'il m'a donnée n'est même pas le sien. Cette rencontre me perturbait beaucoup, et ce mec éveillait trop ma curiosité.
Ça avait tendance à m'énerver.
J'aimerai beaucoup avoir des réponses à mes questions, et quelque chose me dit que ce n'était pas la dernière fois que je le voyais. Lui même en était étrangement convaincu, d'ailleurs. Avec le recule, j'aurai peut-être dû lui donner mon numéro. Ce mec était quand même sacrément beau ! Je ne le veux pas pour copain, mais pour plan fesses ça par contre...
Je sais, j'ai trop vite oublié qu'à la base ce mec est hyper bizarre.

   Les pas d'une personne résonnent dans le hall désertique, et en les entendant s'approcher dans ma direction je relève la tête de mon ordinateur pour voir à qui j'ai affaire. Je m'attendais à un client, ou un collègue. Mais sûrement pas à voir arriver le mec sur qui j'étais entrain de fantasmer en ce moment même depuis plusieurs heures. Et encore moins habillé d'un des uniformes des agents de sécurité de Palace Immobilier.
Mes yeux et ma bouche s'ouvrent en grand, tandis qu'aucun son ne sort de celle-ci. Je crois que mon expression parle suffisamment pour moi.
   Les mains dans les poches, Hong-Joong rigole silencieusement en voyant mon visage ahuri. D'un coup, je me mets à douter de sa présence ici.
Était-il vraiment là ? Ou mes fantasmes me jouaient-il des tours ?
Je cligne des yeux, me pince le bras, puis en vient à la conclusion qu'il est bien ici, devant moi.
   - Sapristi. Est le premier mot qui réussit à franchir la barrière de mes lèvres.
   - Ravi de voir que je te fais un tel effet. Il me sourit, et je chavire devant lui comme il y a trois jours, la première fois que je l'ai vu.
   - D'où tu sors ? Je commence vraiment à croire que t'es Batman.
Je connais tous les mecs de la sécurité de la tour, et Hong-Joong n'en a jamais fait parti. Cela veut donc dire qu'il enfilait leur uniforme pour la première fois. Mais pourquoi ?
   - Je suis pleins de surprises, voilà tout.
   - Ah non, commence pas ! J'ai besoin de réponse ! Et maintenant !
Comme pour accompagner mes mots, je m'étais levée en tapant la paume de mes mains sur le comptoir, faisant tomber un bloc-notes et un stylo au sol au passage. Monsieur affiche un sourire encore plus large, amusé de la situation. Mon cœur bat à toute allure.
Pitié, mais prends moi sur le comptoir ici même !
   - Ça tombe bien, il faut qu'on parle.
Je n'ai jamais aimé cette phrase. La plus part du temps, c'est comme ça que mes parents commençaient une discussion qui allait se finir en punition à cause d'une bêtise que j'avais faite. C'est aussi avec cette phrase que je finissais par me faire quitter. Et au vu du ton sérieux qu'avait pris Hong-Joong, ce n'était pas non plus aujourd'hui que j'allais l'aimé.
Qu'est-ce qu'il pouvait avoir à me dire qui avait l'air si important ? On ne se connaissait même pas, en vrai.
   - Je t'écoute.
   - Je ne peux pas le faire ici.
Il m'indique un coin de la pièce d'un mouvement rapide du menton. En tournant la tête dans cette direction j'y vois une caméra, ce qui me rend encore plus perplexe sur ses intentions. Il veut me parler, mais ne peut pas le faire en public.
Super, dans quoi je m'embarque encore.
   - J'envisage toujours la possibilité que tu sois un violeur ou un psychopathe, ou les deux, Hong-Joong. Alors non, je ne te suivrai nul part.
   - Allons dans un endroit que tu connais, Hannah. Mon prénom paraît soudain plus séduisant et attrayant quand c'est lui qui le prononce, Je ne peux juste rien te dire tant que nous sommes ici.
   - Attend. Si j'ai bien compris, t'es devenu agent de sécurité ici juste pour pouvoir entrer dans le bâtiment plus facilement et me parler ? Pour me dire qu'on doit encore plus parler mais autre part ? Ça n'a pas de sens. Rien n'a de sens quand ça le concerne. Est-ce qu'au moins t'es agent de sécurité ?! Son sourire crispé et ses épaules tendus signifient que la réponse est non. Alors je reprends en me retenant de trop crier. Tu as volé l'uniforme ?! J'étais sûre que t'étais un voleur ! Et c'est pareil pour la Porsche j'imagine !Bon sang, comment ton sourire Colgate a pu me berner aussi facilement ! Finis-je à moi-même.
Il arque un sourcil en m'entendant mentionner le nom de la marque de dentifrice, mais ne prend pas la peine de revenir sur ça.
   - Si tu acceptes de m'écouter autre part qu'ici, je te promets de répondre à toutes tes questions. C'est bien plus compliqué que ça.
   - Ah non, je pense que c'est clair. Fais-je sèchement. T'es clairement un de ces détraqués qui n'ont pas encore été enfermé derrière les barreaux !
   - Écoute Hannah, on a vraiment besoin de toi. Sa voix est plus calme, mais je ne le laisserai pas m'amadouer comme ça !
- « On » ? Ah parce qu'en plus vous êtes plusieurs dans ta tête ?! Je me rassois doucement et laisse tomber ma tête entre mes mains. Finalement, je crois que je ne préfère rien savoir.
J'avais presque chuchoté mes derniers mots, trop fatiguée pour continuer cette discussion. Une partie de moi voulait savoir ce qu'il avait à me dire, mais l'autre me poussait à fuir. J'entends Hong-Joong passer derrière le bar et se rapprocher, tandis que ses chaussures apparaissent dans mon champs de vision. D'un geste étonnement doux il saisit ma main, me forçant à relever la tête dans sa direction. Je pourrai reculer et remettre de la distance entre nous, mais je n'en avais pas envie. Je voulais essayer. Il avait si... sincère.
   - Je sais que ça fait beaucoup, cependant... Hannah, tu représentes l'espoir de toute une entreprise.
   - « D'une entreprise » ? Vraiment ?
À mes sourcils froncés, il comprend que je ne le crois pas vraiment.
   - Ça aussi c'est compliqué... Mais tu comprendras mieux pourquoi ça l'est.
   - La Porsche, elle est à toi ?
   - Oui. Je n'ai volé que cette uniforme.
   - Et où est passé le véritable agent de sécurité ?
   - Il dort.
Ah.
   - De toute façon, je travaille. Donc je ne peux pas partir avant dix-neuf heure.
   - Eunji n'est pas là, et j'ai déjà prévenu ta responsable que tu ne seras pas là le reste de l'après-midi.
Hein ?
Comment ça prévenir ? Il ne suffit pas de prévenir Soyeon pour pouvoir s'absenter, il faut avoir poser son après-midi des semaines avant. Et quand bien même, Hong-Joong ne peut pas sortir de nul part et le faire à ma place. Alors comment il s'y est pris ?
Putin, tous ces mystères sont à la fois terrifiants et excitants.
   - Tu parles de monsieur Kim comme si vous vous connaissiez personnellement, c'est le cas ?
Son pouce caresse le dos de ma main, me faisant frissonner. Ce mec sait ce qu'il fait. Il sait comment me convaincre, et comment convaincre les gens en général. Il est souvent amené à le faire, ça se voit.
Ça devrait me dissuader de le suivre, mais ça ne fait qu'encore plus attiser ma curiosité.
   - Je te l'ai dit, je répondrai à toute tes questions seulement si tu acceptes d'aller autre part.
J'enlève doucement ma main de la sienne, histoire de ne pas être encore plus rouge que je dois déjà l'être. Ensuite, je fais mine de réfléchir, histoire de faire genre que je ne suis pas facile à persuader. Alors que ma décision est prise depuis quelques minutes déjà.
   - Tu as ta voiture avec toi ?
   - Oui, madame.
Eheh.
   - Laisse moi deux minutes.
J'éteins le PC de l'accueil et pars récupérer mes affaires dans le casier. Une fois habillée de mon manteau et de mon écharpe blanche, le sac sur l'épaule, je rejoins Hong-Joonh qui m'attends déjà près de la sortie. Nous rejoignons en silence sa voiture, mais je sens son regard satisfait se poser plusieurs fois sur moi. De mon côté, je joue toujours le rôle de la meuf sûre d'elle. Alors que je n'ai vraiment aucune idée de ce que je fais, et encore moins de pourquoi je le fais. Il avait garé sa voiture à une rue d'ici, sûrement pour éviter d'attirer les regards devant la tour de Palace Immobilier.
   Je ne sais toujours pas quelle magouille se cache derrière tout ça, mais en tout cas, perso, je suis bien heureuse d'avoir la chance de montrer dans une si belle voiture pour la deuxième fois !
   En arrivant près d'elle, Hong-Joong avait dû éloigner sans aucune délicatesse les curieux qui s'en approchaient un peu trop, et ceux qui se prenaient en photo avec sans doute pour faire croire aux réseaux sociaux qu'il s'agissait de la leur. Je sentais le regard de tous ces gens sur moi lorsque je m'y engouffra. Ça et avec en prime un si bel homme au volant, je faisais plus d'une jalouse. La vérité, c'est que même moi je l'aurai été si ça avait été quelqu'un d'autre.
   - Donne moi le nom de l'endroit que tu as choisi.
Même le GPS de la voiture à l'air de coûter horriblement cher...
Je la lui donne et nous voilà partis pour vingt minutes de route.

Rappelons quand même qu'à la base; à la base des bases; je m'étais promise de ne plus jamais remonter dans la voiture d'un inconnu. Et voilà presque que je m'y jette.
Qu'est-ce qu'on ferait pas pour le one life.

𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Où les histoires vivent. Découvrez maintenant