𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟗

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Lorsque nous arrivons sur le perron de la maison en brique rouge à la façade recouverte de lierres de mes parents, j'échange un dernier regard avec San avant de lever ma main pour toquer à la porte. Sa main enlacée dans la mienne me donnait à la fois satisfaction et frisson, même après avoir dormi presque toute la semaine ensemble nous nous étions jamais tenus ainsi. On avait vraiment tout l'air d'un petit couple parfait et mignon, si bien que moi-même je me demandais si nous n'en étions pas un.
Je n'ai même pas le temps de toquer que la porte s'ouvre déjà. Je dois baisser la tête pour découvrir la personne qui nous a ouvert: ma cousine. Visiblement elle nous attendait avec impatience. Son sourire s'étire jusqu'à laisser apparaître ses dents et celles qui lui manquent et ses yeux s'illuminent au moment même où son regard croise le mien. À l'occasion du repas de famille ma tante; la sœur de ma mère; a coiffé ses cheveux noirs et fins en deux tresses qui s'enroulent pour former deux adorables petits chignons. Elle est vêtue d'une petite jupe rose pâle à motif chat et d'un pull à grosses mailles de la même couleur qui la rendent encore plus mignonne qu'elle ne l'est déjà.
   - Eh les papas-mamans, Hannah est arrivé avec son mec ! Crit-elle se tournant vers la cuisine, là où toute ma famille semble mettre la main à la pâte.
   Ou comment se faire remarquer par tout le monde avant même d'être entrée.
   - Que tu as grandis Jiji !
   J'écarte l'un de mes bras pour l'accueillir contre moi et embrasser le haut de son crâne, puis elle se tourne vers San pour le dévisager de la tête au pied. Jiji, de son vrai nom Jia, n'a pas l'air très convaincu par l'air blasé qu'il affiche. En même temps, je n'ai jamais vu quelqu'un l'être.
   Je sers la main de mon « petit ami » un peu plus fort dans l'espoir de lui faire comprendre qu'il devait être plus chaleureux, ou au moins faire semblant de l'être. San me lance un regard noir auquel je réponds en pointant discrètement ma cousine du menton.
   Il soupire silencieusement avant de rediriger son attention vers elle en lui adressant un sourire crispé vraiment pas naturel. Jia continue de l'observer sans dire un mot jusqu'à ce que San lâche ma main pour lui tendre son poing. Le visage de la fillette de huit ans s'illumine à nouveau tandis qu'elle sert son poing et prend de l'élan pour le cogner contre le sien, sûrement dans le but de l'impressionner par sa puissance. Cette fois ci, San sourit sincèrement en retirant sa main pour de nouveau attraper la mienne, et Jiji repart comme une flèche dans la cuisine tout contente.
   - Maman ! Le copain d'Hannah m'a fait un check !
   - Oh mais c'est super Jia. Entends-je ma tante répondre d'une voix faussement enthousiaste.
   Avant d'entrée, j'adresse quelques mots à San en revenant sur ce qu'il vient de se passer.
   - Tu m'as pas dit que tu savais bien faire semblant ? Fais-je de manière à ce que lui seul entende.
   - Tu ne m'avais pas prévenu qu'il allait y avoir une enfant. Me répond-t-il simplement.
   - Et qu'est-ce que ça change ?
   - Je n'aime pas les enfants.
   Je lève les yeux au ciel.
   - Par contre pour m'en faire là y'a du monde.
   San pouffe de rire et moi aussi, puis je l'entraîne à l'intérieur de la maison ou une odeur de légumes et de bœuf parvient rapidement à mes narine. Nous arrivons dans la petite entrée qui donne directement sur la grande table à manger où quelques plats y sont déjà installés. Nous troquons nos chaussures contre des chaussons et posons nos manteaux avant de nous avancer vers la salle à manger situé entre le salon et la cuisine. Aucune décoration de Noël n'est installée, comme chaque année, mais l'ambiance festive est bien au rendez-vous.
   Dans la cuisine je vois ma mère et ma tante fraîchement divorcée se mettre sans aucun doute à jour sur les derniers ragots de leur petit patelin, et mon père crier à Jiji d'arrêter de picorer de la nourriture au risque de ne plus avoir de place une fois que nous commencerons le repas. Dans le salon, assis devant le faux feu de cheminée que projette la télé, mes grands-parents paternels et ma grand-mère maternel discutent calmement, sûrement du dernier épisode de leur feuilleton préféré ou de la météo.
   Dans tout ce monde, San semble d'un coup tout timide. Il me regarde comme s'il cherchait du réconfort à travers mes yeux, ce que je ne peux pas trop lui apporter mis à part dans un fin sourire. Mon pouce caresse le dos de sa main pour l'aider à se détendre car ses épaules sont  toutes crispées. Ça n'a pas l'air de vraiment marcher, mais il finit quand même par me rendre un sourire.
   - Voilà nos derniers invités !
Ma mère essuie ses mains dans un torchon et quitte la cuisine ouverte pour nous rejoindre, un grand sourire aux lèvres. Elle portait un pantalon tailleur couleur crème et un chemisier blanc qui m'était sa fine silhouette en valeur, dans le même style que la tenue de ma tante. Elles ont dû se coordonner toutes les deux à l'avance, comme elles le font depuis qu'elles sont gamines. Son visage étaient illuminée par un maquillage naturelle qui agrandissait sont regard et une paire de petites créoles en or que je lui avais moi-même offerte il a quelques temps.
   - Tu m'as manquée ma chérie.
Je retire ma main de celle de San pour enlacer ma mère et embrasser sa joue. Son doux parfum caresse délicatement mes narines et me rend nostalgique, un mélange de mandarine et de vanille qu'elle avait toujours porté aussi loin que je puisse m'en souvenir. Quand elle se détache de moi elle détaille rapidement San en maintenant son large sourire. Je crois que ma mère est elle aussi tombée sous le charme de mon « copain ».
   - Lee Hae-Won, enchanté.
San incline sa tête vers ma mère pour la saluer poliment.
   - Choi San, j'ai beaucoup entendu parler de vous. Lui répond-t-il tout sourire, mais avec une pointe de stresse dans la voix.
   - J'aurai aimé en dire autant, mais Hannah nous a appris ton existence cette semaine seulement. Dit-elle en le débarrassant de la tarte avant de me fixer. Tu aurais dû nous le présenter avant, ce jeune homme est tout à fait charmant !
Elle termine en m'adressant un clin d'œil qui voulait tout dire. San aurait clairement été son style si elle avait encore mon âge, il fait définitivement le gendre parfait pour elle.
   - Tu sais que j'aime bien gérer mes trucs toute seule dans mon coin.
- Oh oui, tu tiens bien ça de ton père. De vrais cachotiers vous deux.
En parlant du loup, voilà mon père qui s'avance à son tour vers nous. Si ma mère s'est directement montrée très enthousiaste et chaleureuse, apparement mon père tient à montrer à San qu'il est et restera le premier homme de ma vie. L'inverse m'aurait étonnée, j'ai bien fait de prévenir San. Mon père va à coup sûr essayer d'intimider San pour le tester et pour s'assurer qu'il ne me fera pas de mal.
Il a toujours eu ce petit côté papa poule qui, parfois, peut m'insupporter. Il agit en père présent, alors que j'ai passé la majeur partie de mon enfance à pleurer son absence. Ça arrivait fréquemment de ne pas le voir pendant plusieurs mois à cause de ses déplacements récurrents liés à son travail. Il revenait de missions comme si de rien n'était et se permettait de me faire des remarques comme s'il était celui qui m'éduquait. J'aime mon père, mais je n'ai jamais supporté son comportement de papa parfait alors que je dois mon éducation à ma mère, ma tante et un peu à mes grands-parents.
Malgré tout, je trouve son comportement protecteur un peu mignon, même si je sais d'avance que son caractère autoritaire ne va clairement pas plaire à San. Et puis je ne peux pas m'empêcher d'être amusée par le sourire qu'il m'adresse qui contraste avec le regard froid qu'il lance à San.
   - Comment va ma fille ? Il ébouriffe légèrement mes cheveux.
- Ça va. Je te présente San, papa.
Mon père fronce les sourcils en détaillant San puis lui tend une main nonchalamment. San accepte sa poignée de main en inclinant une nouvelle fois sa tête.
Ma mère remarque directement le petit jeu de son mari et lui donne un coup de coude dans les côtes.
   - Arrête tes bêtises Chin-Mae, il arrive dans une nouvelle famille et tout ce que tu trouve à faire c'est de l'intimider et de lui faire peur ? Accueil plutôt le petit ami de ta fille unique et chérie comme il se doit !
Mon père relâche la main de mon soit disant copain en roulant les yeux au ciel et s'écarte vers la cuisine sans lui répondre quoi que ce soit. Je vois très bien qu'il se retient de le faire, mais il est évident qu'avec l'âge il a appris à juste lui obéir. Ma mère le mène clairement à la baguette, c'est plutôt amusant à voir à chaque fois.
   - Excuse le, il a tendance à vouloir s'imposer mais il s'est être chaleureux !
San lui sourit en guise de réponse tandis que nous sommes rejoint par ma tante, une copie parfaite de ma mère mais avec quinze ans en moins. Hwa-Young n'a que quarante et un an, là où ma mère en a déjà cinquante six. Ça explique en parti pourquoi j'ai une cousine aussi jeune. D'ailleurs, celle-ci n'a pas trouvé autre chose à faire que de s'accrocher à la jambe de sa mère comme un koala. On dirait que ma tante se traîne un boulet, sauf que le truc fait un tas de bruit en gloussant et en mâchant un biscuit apéro qu'elle a réussi à chiper dans le dos de mon père. Son jolie pull est déjà sali par des miettes.
- Bah dit dont, Hannah t'as fait les choses à moitié ! Dit ma tante en nous saluant tous les deux. T'as été choisir le plus beau, c'est bien ma nièce ça !
- Hwa-Young ! Dit ma mère en tapant doucement son épaule. Toi aussi tu as oublié tes bonnes manières ?!
- Rooh ça va, si on peut plus rire.
J'attrape le bras de San pour me coller à lui en lui souriant, puis redirige mon regard vers les deux sœurs.
- Voyez un peu ce beau gosse. Je vous jure qu'il me donnera de beaux enfants, et beaucoup d'enfants !
Le chef de cartel se raidit contre moi et s'apprête à me repousser mais je le sers un peu plus contre moi. Je savais que lui allait profiter de notre faux couple pour se permettre certaines choses, alors moi aussi je n'allais pas rater l'occasion de l'embêter ! San m'adresse un rapide regard assassin que je fais semblant de ne pas voir, satisfaite d'avoir réussi à le mettre dans l'embarras.
   - J'ai déjà hâte du jour où je verrais vos enfants gambader dans la maison et le jardin ! Dit ma mère d'une voix rêveuse, interrompue par sa sœur.
- Ça te rajeunira pas, tu sais ?
- Sûrement, mais ça fait bien longtemps que je n'ai pas entendu le bruit de petits pas qui courent dans la maison.
Je ricane en voyant ma mère beaucoup plus investie que moi puis regarde San être encore plus gêné d'assister à cette conversation. Je pense qu'il ne s'attendait pas à ça en jouant les petits copains.
   - Vous allez avoir un enfant ? Nous demande Jiji toujours accrochée à la jambe de sa mère.
   - C'est vraiment pas prévu. Répond précipitamment San.
   - Mais la vie est faite d'imprévu.
Bras dessus bras dessous, je me penche un peu plus vers San pour lui sourire de toutes mes dents innocemment, avant d'embrasser rapidement sa joue. Son corps se tend encore plus, tout comme celui de mon père qui a du mal à me voir si proche d'un homme. San me regarde d'abord énervé, puis son visage s'adoucit suite à mon baiser. La scène aurait pu être romantique si ma cousine n'avait décidé d'intervenir.
   - BEURK ! Elle grimace en nous regardant tour à tour. Faire des bébés, c'est dégoûtant ! Le garçon qui rentre son kiki dans la... Ma tante la coupe en l'attrapant par le col pour la remettre sur pied et la foudroyer du regard.
   - Non mais ça va pas de dire des trucs pareils ! Et puis t'as appris ça où ?!
- À l'école j'ai une copine qui m'a tout dit ! Se défend l'enfant d'une mine boudeuse. Moi je suis plus un bébé maintenant, vos histoires de graines ou de cigognes avec des choux ça marchent plus !
   Puis elle part en courant dans le salon se cacher derrière notre grand-mère maternel. Mamie ne la calcule même pas, trop absorber dans la conversation qu'ont les parents de mon père mais trop sénile pour y participer.
   Elle a plus de quatre-vingt-dix ans, mais combien exactement ça je ne sais plus. Ce que je sais, c'est qu'elle est assez vieille pour ne plus avoir toute sa tête. L'âge l'a rendu presque sourde et aveugle, et même si elle le peut encore ma grand-mère ne parle quasiment jamais. Les seuls fois où on entend sa voix c'est pour prononcer nos prénoms, mais là encore c'est très restreint: elle ne se souvient que de ceux de ses filles et quelques fois du mien. Jiji est arrivée trop récemment pour qu'elle retienne le sien, alors à la place elle l'appelle par le nom de sa mère. Elle doit voir en elle Hwa-Young lorsqu'elle avait le même âge, et elle me fait le même coup parfois aussi. Apparemment la mort précipitée de son mari; le père de ses filles; y est pour beaucoup. Mais je ne peux pas l'attester par moi-même puisque je ne n'ai jamais connu papi. Mes grands-parents paternels, quant à eux, peuvent encore très bien s'occuper d'eux même sans l'intervention d'une aide-soignante.
   - Quelle chipie celle-là. Soupire ma mère dans un sourire.
   - Eh je t'ai entendu vieille tantine !
   - Oh ! Alors là...
   Ma mère remonte ses manches pour la punir de chatouilles sur le canapé, désespérant encore plus ma tante.
   Je tire la manche de San pour le guider vers la partie supérieur de la maison qui correspond à la partie nuit.
   - Où tu m'emmènes ?
   - Je vais te montrer ma chambre d'ado.
   On travers le salon puis un long couloir avant de s'arrêter devant la dernière porte. Je lâche la manche de San et m'apprête à l'ouvrir lorsque la main de San vient de nouveau se glisser dans la mienne. Je le regarde d'abord surprise puis attendrie, là où lui aborde son fameux air indifférent pour ne pas paraître trop mignon.
   - Ça sert à rien de te cacher sous ton air froid avec moi, tu le sais ça ?
   - Tait toi.
   - Fait moi taire bébé...
   J'ai tout juste le temps de finir ma phrase que monsieur place sa deuxième main sur ma bouche en recouvrant aussi mon nez. Je manque rapidement d'air et commence à m'agiter pour qu'il la retire, puis me rappelle de mes nombreux entraînements avec MinGi et Yeo-Sang dans lesquels j'ai déjà eu affaire à ce genre de situation plus d'une dizaine de fois. Je plante mes ongles dans le dos de sa main puis pivote sur le côté pour échapper à sa prise. San finit par me libérer de lui-même, ou dans le cas contraire ça aurait été plus long et difficile pour moi de le faire. Je reprends une grande inspiration et me retient de lui hurler dessus pour éviter d'alerter que la famille
   - Mais t'es malade !
   - Tu m'as demandé de te faire taire, je l'ai fait. Il hausse les épaules innocemment.
   - T'étais censée le faire avec tes lèvres ou ta bite, pas avec ta main !
   Un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres, un sourire que je connais maintenant très bien. San apporte ma main prise dans la sienne près de son visage pour en embrasser sensuellement le dos avant de la coller à sa joue pour appuyer son visage dessus.
   Ses actions me laissent sans voix un long moment. Il n'avait jamais agi comme ça et savait visiblement très bien comment me prendre de court.
   - Tu risques de vite regretter ce que tu viens de dire.
   - Je vois pas comment regretter un baiser ou une bite si ça vient de toi.
   Il pouffe un léger rire tandis que je secoue la tête à droite et à gauche, chassant de mon esprit sa bêtise. San embrasse une dernière fois ma main avant de la laisser retomber avec la sienne, puis j'ouvre enfin la porte de ma chambre en retenant difficilement un sourire niais.
   Je regarde ma chambre d'ado avec nostalgie. Elle était exactement comme je l'avais laissé avant de rejoindre l'université. Quelques vieux vêtements étaient encore rangés dans l'armoire, mon bureau dans le coin de la pièce toujours décoré par tout un tas de stickers trouvés ici et là, la plus part venant d'album. Mon lit double occupait l'autre coin du mur décoré par une bonne cinquantaine de photos. C'est là que San porte principalement son attention, et il s'y avance pour mieux le détailler en me traînant derrière lui. La plus part des photos représentaient moi et Bora pendant nos années lycées, puisque nous avions toutes les deux grandis ici avant d'emménager dans la capitale. À l'époque on avait un style plutôt aléatoire en dehors de notre uniforme. On se pensait divines mais on ressemblait plus à un tapis rapiécé qu'autre chose. Il y avait aussi pas mal de photos qui capturaient un moment en famille, notamment avec ma mère, ma tante et sa fille. Il n'y avait qu'une seule photo de mon père, dans laquelle il me tenait dans ses bras à la maternité. Je crois qu'elle est assez représentative de ma relation avec lui.
   - T'étais pas si laide au lycée. En fait, t'aurais carrément été le genre de fille que j'aurai tout fait pour pouvoir sauter.
   - Oh tu sais, t'aurais pas eu besoin de faire grand chose. J'aurai direct ouvert les portes du paradis pour toi.
   Je pointe mes cuisses du doigt et San ne perd pas l'occasion de me relooker une fois de plus en s'attardant au décolleté plongeant que créait mon blazer fermé, unique chose qui habillait mon torse en plus d'un soutif.
   - Le truc, c'est que te baiser aurait été un peu problématique. Je l'interroge du regard. J'avais presque fini le lycée quand tu y es entrée. Notre différence d'âge aurait été bizarre.
   J'écarquille les yeux en l'entendant parler. Depuis le temps que je le connais, c'est seulement maintenant que j'apprends son âge ! San a deux ans de plus que moi, donc...
   -  J'ai jamais été contre un sugar daddy tu sais... Fais-je en collant ma poitrine à la sienne en me cambrant.
   San retrouve son sourire en coin empli de sous-entendu et glisse innocemment sa seconde main jusqu'à mes fesses. Il allait me répondre quand un mouvement près de la porte capta notre attention à tous les deux. Dans l'encadrement dépassait la tête de ma cousine, sûrement là pour nous observer faire des trucs de grands. Quand elle voit qu'elle s'est faite remarquer, elle prend ses jambes à son cou pour rejoindre la pièce la vivre en criant:
   - EH TONTON, J'AI VU SAN TOUCHER LES FESSES DE TA FILLE UNIQUE ET CHÉRIE !
   J'entre dans un fou rire incontrôlable que San ne partage absolument pas.
   - Je vais lui faire la peau. Fait-il le visage froissé par la colère.
   - San, c'est qu'une enfant ! Dis-je entre deux rires.
   - Ouais, mais n'empêche qu'elle a interrompu ma main dans l'exploration de ton cul.
   - Rooh ça va, je pense que tu le connais bien assez.
   Ni une ni deux, il lâche ma main pour saisir ma hanche et la faire pivoter pour me forcer à être dos à lui. Après ça il exerce une pression juste au dessus de mes fesses pour le faire à moitié retomber sur mon lit. Je finis donc accoudée contre mon lit, les fesses en l'air juste devant son entrejambe. Il vient la frotter contre mon postérieur en gardant sa main posée juste au dessus de celui-ci, comme pour m'inciter à faire de même. Le rouge me monte rapidement aux joues tandis que j'ai du mal à trouver les mots qui décrivent parfaitement mes pensées actuelles. Je m'étonne même à, comme il le souhaitait, coller mes fesses à son intimité et à apprécier ce nouveaux contact.
   - Tu crois ? Commence-t-il en se penchant vers moi, collant son torse à mon dos. Je ne connaissais même pas cette angle de vue sur ton cul, et je dois dire que c'est bien le meilleur. Dommage que je ne puisse pas bien voir ton visage.
   Il chuchota ces derniers mots contre mon oreille alors qu'il cherchait mon regard. Lorsqu'il le trouva, il prit un malin plaisir à me voir dans cet état de soumission. J'éprouve une certaine gêne à cela, mais devait admettre que c'était loin d'être embarrassant.
   - Hannah...?
   Mon prénom dans sa bouche me faisait toujours de l'effet, mais alors là... la manière dont il me le disait... Je voulais lui dire de faire ce qu'il voulait de moi, mais impossible d'exprimer ce désir.
   - Hmm... Répondis-je difficilement, n'arrivant pas à dire autre chose.
   - Regarde moi.
   Je redirige mon regard jusqu'au sien, mais ne parviens pas à le tenir plus de quelques secondes. À chaque fois que je l'évitais, San attrapait mon menton pour me forcer à continuer. Ce geste rapprochait dangereusement ses lèvres des miennes, et une petite voix dans ma tête me criait de sauter sur elles. Mais je savais que ce geste pouvait me coûter encore trop cher pour m'y risquer.
   Un baiser.
   Un seul.
   Et toute l'attirance qu'il me porte peut être effacée pour me protéger de lui.
   - Voilà. C'est bien. Souffle-t-il contre moi.
   Mes yeux ont vraiment du mal à rester fixer sur les siens à la fois doux et emplis d'un désir que je partageais. Mais je m'y force, car il y avait dans ce geste quelque chose de fort excitant.
   - Je...
   J'ai l'impression de revivre la première crise de jalousie de San, lorsqu'il a vu Hong-Joong me tenir contre lui. C'était la première fois que je perdais mes moyens face à lui. Et aujourd'hui, c'était encore plus le cas.
   San se réjouit de me voir chercher mes mots. Il passe une main sur ma joue, puis deux doigts sur mes lèvres avant de finalement s'écarter et reculer. Je retombe lourdement sur mon lit en sentant toute la tension partir avec lui, et m'assoie au bord en enfermant mon visage entre mes mains.
   En fixant le sol, je trouve enfin les moyens et le courage de formuler une phrase.
   - Je te déteste.
   - Moi aussi.
  
  
   Une heure plus tard, nous étions tous assis autour de la table pour manger le repas. Contrairement à ce que j'avais imaginé, ce n'était pas si gênant. Tout le monde parlait joyeusement et Jiji comblait facilement les blancs. Évidemment, mon père n'a pas manqué l'occasion pour se venter de toutes les choses extraordinaires qu'il a pu faire dans l'armée et lors de ses missions sur le territoire ou à l'étranger. San faisait semblant de l'écouter, tandis que ma mère intervenait parfois pour changer de sujet et le faire taire.
    - J'imagine que c'est pas dans ton entreprise pharmaceutique que tu vas connaître la véritable adrénaline. À la frontière nord-coréenne, je peux t'assurer que là-bas j'ai échappé à des trucs de fou. On a manqué de me tirer dessus plein de fois, mais ils n'y sont jamais arrivés ! Toi tu dois être tranquille dans ton petit travail, rien de très extraordinaire.
   À côté de moi, je savais San bouillonner de l'intérieur. Je savais aussi que si cet homme n'avait pas été mon père, il l'aurait sûrement menacé avec son arme à feu depuis un moment.
   Depuis le début du repas mon père rabaissait San pour mieux faire valoir ses exploits. S'il savait qu'il était entrain de parler au plus grand chef de cartel du pays, c'est certain qu'il n'agirait pas ainsi... D'un côté, j'ai très envi de voir la tête qu'il tirerait s'il savait que tout ce dont il se vente, San a fait bien mieux et a connu bien pire. Mais bon, révéler qui il est réellement juste pour remettre le daron à sa place n'en vaut clairement pas la peine. 
   - Pitié Chi-Mae, dit sa mère, ferme là. Y'en a marre de t'entendre parler pour rien dire.
   - T'entends ça Hannah ? Ricane Jiji assise en face de moi. Elle a dit ferme là hihi.
   - Ouais, parce que même mamie n'en peut plus du monologue de papa.
   Jiji ricane encore plus fort tout en manquant de s'étouffer avec une lamelle de carotte. Sa mère doit lui taper le dos pour la faire tousser avant de lui ordonner de boire un peu d'eau.
   - En plus chéri, San gagne très bien sa vie. Commence ma mère. Il n'a strictement rien à t'envier.
   - Maman, c'est pas des choses dont on parle...
   - Parce qu'on a des tabous dans cette famille maintenant ? Elle me sourit. Je suis contente que tu es rencontrée quelqu'un de sérieux et déjà si stable. Puis elle s'adresse à San. J'espère que tu sais prendre soin de ma fille et que tu reconnais sa valeur.
   - Bien sûr madame. Hannah est vraiment très précieuse pour moi, et même plus que ça.
   Notre histoire de couple a beau être fausse, je sais que ce qu'il vient de dire est sincère, tout comme le sourire qu'il m'adresse à l'instant. Cette petite déclaration à de quoi faire fondre mon cœur et me donne envi de lui sauter dessus pour le serrer fort contre moi.
   - C'est si mignon. Fait ma tante.
   - C'est beurk, beurk, beurk et BEURK ! Répond Jiji.
   Ma tante l'assassine du regard qui suffit à la calmer, mais elle ne parvient pas retenir une grimace en me regardant moi et San tour à tour.
   Je me rencontre sur mon plat et découpe la viande que j'ai dans mon assiette. Quand mon couteau tranche le bœuf et que du sang commence à en sortir, des flash-back de l'autre jour reviennent hanter mon esprit.
Une balle dans la tête.
   Une marre de sang qui s'étale sur le sol.
   Mes vêtements qui en sont tachés...
   Je relâche inconsciemment mes couverts qui retombent par terre dans un bruit qui fait arrêter toutes les discussions. L'attention de toute la table se tourne vers moi, et je me sens blêmir à vu d'œil. Mes mains commencent à trembler, une boule se forme dans ma gorge et m'empêcher de respirer correctement.
   - Ma chérie, tout va bien ?
   La voix de ma mère me paraît lointaine. Je commence à déréaliser, mais la voix de San me rapporte à la réalité et m'apporte un véritable soutient.
   - On va sortir prendre l'air.
   Machinalement je me lève de table pendant que San passe un bras dans mon dos pour me guider vers le jardin, sous les regards des membres de ma famille. Une fois dehors et l'abris des autres, je prends de grandes inspirations et me blottis contre lui en me sentant très vite apaisée par ses caresses. Aucune larme ne coule, mais les images traumatisants des assassinats auxquels j'ai assisté reste encore un moment dans ma tête.
   Les minutes s'étirent dans le silence, jusqu'à ce que je relève mon visage triste vers le sien. San replace une mèche de mes cheveux derrières mon oreille et embrasse tendrement ma tempe avant de prendre la parole.
   - Ça va mieux ?
   - Je les revois toujours, mais je me sens mieux.
   Les cadavres.
   - Je ne t'aurai pas amené si j'avais su que ça pouvait te mettre dans cet état. C'est que... moi je m'y suis vite habitué alors je ne me rends pas compte...
   « Je suis désolé, c'est de ma faute. »
   C'est ce qu'il essaye de me dire.
   - C'est pas si grave, ça finira bien par passer.
   - Non, ça l'est au contraire. Je voulais juste te montrer ce que je fais, qui je suis...
   - Et tu ne me fais toujours pas peur, je te le promet San. Ça finira par partir.
   Il me regarde avec des yeux étonnement brillants. Comme si... s'il allait pleurer. Mais évidemment, aucune larme de pointe le nez.
   Le chef des Pirateez m'embrasse la tempe une nouvelle fois, puis encore, et encore.
   Il embrasse mon front, le bout de mon nez, mes joues.
   Il recommence plusieurs fois, jusqu'à me faire sourire. Seulement là il m'embrasse autre part.
    Chastement, il dépose ses lèvres sur les miennes et plante ses yeux dans les miens.
   Mon cœur s'emballe, je ne pense plus du tout à ma crise de d'angoisse. Je le fixe en retour, tentant de me rappeler parfaitement de la sensation de sa bouche sur la mienne.
Notre premier baiser...
   - San... Fais-je émue.
   - Je te dois bien ça, Hannah.

𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Où les histoires vivent. Découvrez maintenant