𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑𝟔

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Seule dans la chambre de San, je frotta énergiquement mes yeux pour mieux me réveiller pour la seconde fois de la journée. J'aurai pu dormir plus longtemps si un bruit sourd ne m'avait pas soudainement sortie du sommeil. Je n'étais pas sûre de l'avoir vraiment entendu ou si je l'avais imaginé lorsque j'étais encore endormie. Mais mes soupçons se confirmèrent lorsque ce même son se répéta deux nouvelles fois.
Des coups de feux, aucun cri. San était entrain de faire joujou avec un pistolet dans le garage.
Ma main attrape mon téléphone posé sur la table de chevet et je soupire en voyant l'heure. Douze heure, j'avais quand même réussi à dormir quatre heure malgré cette nuit mouvementée. C'était toujours plus que San, qui lui n'avait pas une seule fermée l'œil. La place à côté de moi dans le lit était restée vide à mon plus grand malheur, bien que je m'y attendais. Il a dû passé la matinée à boire et à fumer pour penser à autre chose, mais son espoir agité ne lui avait sûrement pas permis de se reposer.
Mon cœur se resserra à cette pensée. Malheureusement je ne pouvais pas faire grand chose pour aider San. Je n'allais sûrement pas l'obliger à dormir, je ne peux que lui montrer que malgré tout je reste à ses côtés et à son écoute. Même s'il n'ira jamais se confier de lui-même...
À cette heure ci j'aurai dû commencer ma pause déjeuner à Palace Immobilier, mais j'étais encore au manoir. Le stresse montait ce matin à l'approche du début de ma journée de travail, puis finalement il s'est vite envolé. Eunji m'avait envoyé un court message pour m'informer qu'il  allait être absent au moins jusqu'à la fin de la semaine et que je n'étais pas obligée de me rendre au travail, si ce n'est pour annuler et reporter tout ses rendez-vous. Par chance aujourd'hui il n'en avait aucun puisqu'il avait prévu de se rendre dans d'autres de ses agences. La massacre de San a du le prendre encore plus au dépourvu que nous l'avions été moi et les garçons. Perdre autant d'hommes en l'espace d'une petite heure a dû compromettre bon nombre de ses plans. Maintenant qu'il n'avait plus le contrôle sur l'entrepôt d'armes de Pirateez il n'avait donc plus de moyen de pression. Il repartait de nouveau à zéro, et son entreprise d'immobilier n'était plus du tout au centre de ses préoccupations.
   S'il savait que la personne à l'origine de cette tuerie était non pas San, mais moi... J'ai hâte du jour où il apprendra tout, où il apprendra qui je suis réellement. La simple hôtesse d'accueil qui est devenue la taupe du plus grand cartel sud-coréen, la petite protégée du chef. Le jour où il coulera sera gravée dans ma mémoire à jamais, de la même manière que cette aventure le sera.
Une nouvelle détonation me fait sursauter et me décide à sortir du lit. J'enfile de nouveau le sweat que j'ai emprunté à San pour me tenir chaud et m'aventure dans le couloir de l'étage en passant devant la porte de ma chambre. Je n'y avais pas passé une nuit depuis le règlement de compte avec Monsieur Jang. La fraîcheur de la vieille maison fait frissonner mes jambes nues tandis que je dévale l'escalier menant au hall. Une odeur de tabac froid et de stupéfiants parvient rapidement jusqu'à mes narines tandis que des traces de pas rouges retiennent mon attention. Du sang. C'était celles de San. Il avait taché le carrelage blanc du rez-de-chaussée en rentrant de son massacre.
L'odeur me suit jusqu'en bas des marches de l'escalier menant au garage, là où j'aperçois San face au couloir de tire, dos à moi, qui pointe son arme sur un mannequin qui ne ressemble maintenant plus à grand-chose. Son index appuie sur la gâchette et la cartouche part se loger dans le cœur inexistant du pantin. Son corps resta parfaitement immobile, là où le mien avait toujours du mal à l'être lorsque le coup partait. Après ça San retira le chargeur vide du pistolet pour y mettre de nouvelles cartouches, puis son bras se tend de nouveau en avant pour viser la tête de la cible. Encore une fois rien chez lui ne bougea quand la balle partie, mais cette fois ci je remarqua comme son corps était tendu à travers son pull et son jogging.
Je le revois soudainement dans ses vêtements couverts de sang et frissonne. Sûrement avait-il pris sa douche lorsque je dormais profondément, ou alors il l'avait prise dans ma chambre inoccupée pour m'éviter ou ne pas me déranger. En remontant me coucher à huit heure, une heure après que les garçons soient repartis, San fumait son deuxième paquet de cigarettes dans le jardin. Le fauteuil qu'il avait taché était sans aucun doute foutu, tout comme le tapis qui l'avait été par ses pas. Mais de toute façon, leur dégradation importait peu. Au moins il n'avait pas retourné toute la maison, et on dirait qu'il n'a même pas ressenti le besoin de se défouler. Il l'avait déjà bien assez fait sur les hommes d'Eunji.
Jusqu'à ce que j'aille dormir San était resté calme et silencieux. Son comportement n'avait jamais été aussi troublant pour moi.
San n'est jamais calme et silencieux.
Mais si son corps est maintenant tendu j'imagine que c'est à cause de la fatigue et de ce qu'il a ingéré. Je suis quasiment certaine que l'îlot de la cuisine est recouvert par des bouteilles d'alcool vides pour la plus part, du tabac et une bar de shit qui lui ont servi à rouler ses joints. Malgré tout et à première vu il avait l'air tout à fait sobre.
- Tu vas me regarder comme ça pendant longtemps ?
   Il m'avait adressée la parole alors même qu'il n'avait pas jeter un seul regard dans ma direction. Il m'a remarqué dès mon arrivé mais n'a juste rien dit. En même temps je n'avais pas essayé d'être discrète.
   Je sortis de mon coin pour m'avancer et m'arrêter à deux ou trois mètres de lui. J'avais peur que ma présence l'énerve. Après tout je ne savais toujours pas quel était son humour.
- Tu me veux quoi ?
   Son ton est lasse, blasé. Même près de lui San ne m'accorde pas un regard, trop occupé à poser son arme pour attraper son paquet de cigarettes.
- Je voulais juste te voir. Lui répondais-je doucement.
   Il range son paquet dans sa poche pour un briquet. La flamme de celui-ci illumine légèrement son visage marqué par la fatigue et brûle le bout de la clope. Ses yeux se ferment et son visage penche en arrière lorsqu'il fume la première bouffée. Quand il recrache la fumée je ne peux m'empêcher de le trouver terriblement sexy, puis il se tourne enfin vers moi pour planter ses yeux noirs dans les miens. Dans ma poitrine mon cœur s'emballe. C'est la première fois qu'on discute depuis son retour dans la nuit.
- Tu veux encore m'approcher après m'avoir vu couvert de sang ?
   Sa question n'en était pas vraiment une puisqu'il connaissait déjà la réponse. Il avait tout de même l'air un peu surpris, ou alors c'est juste moi qui imagine des choses.
- Je ne risque pas d'oublier ça, mais ça ne change rien à la vision que j'ai de toi.
Il tira une seconde taffe, le regard toujours stoïque. Son expression ne laissait échapper aucune émotion, s'en était troublant et surtout frustrant. J'aurai aimé savoir ce qu'il ressentait, ou au moins s'il ressentait quelque chose. Est-ce qu'il souffre de sa colère envers Eunji ? Est-il si indifférent aux meurtres qu'il a commis ? Je n'avais aucun moyen de le savoir, et San n'allait sûrement pas s'ouvrir à moi à ce sujet.
Plus je le fixe et plus mon envie de le serrer fort contre moi s'accroît. J'aimerai me réfugier dans ses bras, au moins quelques secondes durant lesquels j'oublierai les récents événements. J'aimerai caresser sa joue, lui dire que je l'aime rien qu'à travers mon regard. Mais je ne pouvais pas, ou du moins je n'étais pas sûre de le pouvoir. Accepterait-il seulement mon touché ? Ressent-il les mêmes choses et envies que moi ? Je vois à travers son regard que de la fatigue et rien d'autre.
Parle moi...
- Ça ne change rien ? Il pouffe un rire. Quel genre de personne ne serait pas terrifiée de voir une autre recouverte du sang de ses victimes ? Je ne réponds rien et il ne semble pas attendre de réponse. Tu devrais avoir peur de moi. Tu ne devrais même pas réussir à me regarder dans les yeux.
Son ton commençait à devenir autoritaire. Quelque chose se cache derrière sa colère. San ne comprend pas comment je peux encore être là pour lui malgré ce que j'ai vu. Il n'a pas l'air d'accepter qu'une personne comme moi puisse ne pas avoir peur de lui, que quelqu'un puisse l'aimer malgré ces actes inhumains.
Comme première réponse je soupire silencieusement en dirigeant mon regard vers l'une des cibles du couloir de tir. Va savoir pourquoi, je n'avais pas la force de lui parler à cœur ouvert tout en le regardant droit dans les yeux.
- Je t'ai répété une dizaine de fois déjà que je n'avais pas peur de toi. Ma voix douce semble l'irriter encore plus.
- Je t'ai laissé pour tuer des gens. Putain, tu devrais me voir comme un monstre !
Voilà, il se lâche.
C'est ce que je voulais. Il n'y a que comme ça qu'il parle.
- Tu as tué pour moi ! Répliquais-je. Ce n'est franchement pas la chose la plus romantique que l'on m'ait faite, mais jamais personne n'a tenu à me protéger comme toi tu le fais.
- Je te protège des dangers que je te cause indirectement du fait que tu travailles pour moi ! Il n'y a rien de romantique là dedans !
- Alors pourquoi tu fais toujours beaucoup plus que le nécessaire pour moi ? Tu ressens le besoin de t'occuper de moi pour être sûr que je ne crains rien. Refiler ce travail à quelqu'un d'autre t'angoisse car tu as peur qu'il soit mal fait à ton goût. Je prends une grande inspiration en me sentant m'éloigner du sujet principal. J'ai bien eu peur. Peur pour toi, pas de toi. Et je continuerai d'avoir peur pour toi à chacune de tes crises ! Buter autant de mec c'est vraiment de la folie, mais parce que c'est toi et que tu le fais pour moi je n'ai pas peur. Ça ne veut pas dire que je le cautionne. Ça veut juste dire que... que je ne te vois pas en mal pour autant.
Je retrouve le courage d'affronter son regard, mais lorsque je le croise mon cœur s'emballe encore plus. Son visage s'est détendu, et même si à première vu ses yeux affichaient toujours de l'agacement j'arrivais cette fois ci à y voir un peu de tendresse. Cela suffit à calmer toutes mes peurs.
S'il est insensible aux cadavres, San est loin de l'être face à mes sentiments et mes mots.
- T'es complètement folle. Finit-il par dire d'une voix posée et presque amusée.
Mes lèvres s'étirent en un fin sourire puis ma main glisse dans la poche de son jogging pour en ressortir le paquet de cigarette et le briquet. Cela faisait quelques secondes que je n'avais pas touché une clope, je pense l'avoir bien méritée.
- Je me fais souvent la même remarque.
J'allume la cigarette et aspire ma première bouffée qui me détendit déjà grâce ou à cause de ma rare consommation de nicotine. J'expire la fumée vers la tête de San qui disparut légèrement derrière le nuage. Je le regarda satisfaite.
- Tu sais au moins ce que ça veut dire ?
- Tu me prends pour une demeurée à ce point ?
Ma réponse le satisfait à son tour. Il m'offre son fameux sourire en coin qui me fait tomber un peu plus sous son charme à chaque fois alors que je réduis la distance entre nous, suffisamment pour pouvoir poser ma tête contre son épaule. Comme d'habitude les muscles de son corps se contracte à ce contact, puis petit à petit se relâche. San ne bougea pas. C'était comme s'il avait peur de me faire mal ou de me gêner, je trouva ça adorablement mignon. L'odeur de cigarette et d'alcool accrochée à ses vêtements gâchaient celle qu'il avait en temps normal, celle dans laquelle je m'étais rendormie ce matin dans le lit. Néanmoins je ressentais un grand soulagement en voyant que pour lui aussi rien n'avait changé.
- Tu penses que c'est vraiment une bonne idée que j'aille à sa réception ? Lançai-je après plusieurs minutes de silence. Et s'il remarquait quelque chose ?
Je parlais bien entendu d'Eunji, car bien que j'avais accepté son invitation je pouvais encore la décliner. La veille au soir quand je lui en ai parlé San a tout d'abord refusé catégoriquement que j'y aille, ce qui était dommage pour ma mission. J'avais tout intérêt à m'y rendre rien que pour pouvoir fouiller sa maison. Il avait finalement accepté après avoir pesé les pour et les contre. Je voulais vraiment me sentir utile et ne pas rester sur les attouchement de ce vieux con. Si je m'arrêtais en si bon chemin j'aurai juste l'impression d'avoir fait tout ça pour rien, ce que je refusai catégoriquement.
Cela ne m'empêchait pas d'avoir encore des doutes. Alors même si San n'est clairement pas le meilleur pour réconforter, j'étais toujours un peu plus rassurée après avoir écouté son avis. Ou parfois je ne l'étais pas du tout, au fait.
En entendant ce prénom je vois ses doigts presser davantage la cigarette, si bien qu'il finir par la plier au niveau du filtre. Il balance le mégot dans une large poubelle juste avant d'en prendre une nouvelle.
- Le fils de pute est trop absorbé par tes grosses fesses pour se douter de quoi que ce soit. Et je ne le laisserai pas passer à l'acte, je te le promets. Ça n'arrivera plus jamais.
Je revois encore sa réaction lorsque je lui ai tout dit. Il avait été vraiment touché, surtout en voyant que j'avais associé son touché à celui de mon patron. S'il était plus calme, j'étais en revanche sûre qu'il vouait toujours une haine sans limite pour lui.
- Je devrais m'entraîner plus souvent avec les garçons et toi. Je veux vraiment savoir me défendre seule, même avec un garde du corps aussi efficace que le mien.
Son bras se faufile dans le bas de mon dos pour le caresser du bout des doigts.
Il n'y a plus aucun doute, rien à changer.
- Très bien, ton entraînement de tire commence maintenant.
On s'est même encore plus rapprochés.

𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Where stories live. Discover now