𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑𝟖

143 21 3
                                    


J'assiste au reste de la conversation silencieuse et souriante.
Il ne fallait pas qu'Eunji sache que j'avais très bien compris ce dont lui et Monsieur Yoon était entrain de parler. Je ne pouvais donc pas le questionner à ce sujet là malgré l'envie qui m'en démangeait la gorge. Je devais continuer de passer pour la fille nunuche et naïve, ou dans le cas contraire il commencerait à douter de ma naïveté, et alors il ferait plus attention aux discussion qu'il a avec les autres devant moi. Eunji pense que je n'ai aucune connaissance sur le monde de l'illégalité, sur celui des trafiques qu'il soit de drogue, d'arme ou de... d'être humain. C'est pour cette raison qu'il s'autorise à en discuter avec Monsieur Yoon, bien qu'il utilise des sous-entendus et évite d'être trop explicite. Et même si de l'extérieur j'avais l'air de croire qu'ils étaient simplement entrain de discuter de la beauté, à l'intérieur je ne pouvais pas m'empêcher de me poser tout un tas de questions.
Si Eunji fait bien parti de ce trafique d'être humain, compte-t-il me vendre à quelqu'un depuis le début ? Ou alors veut-il faire de moi son objet, comme Monsieur Yoon traite cette fille ? Pourquoi les garçons ne m'ont rien dit à ce sujet ? Sont-ils au courant seulement ?
Oui, bien sûr qu'ils le sont.
Je compte bien leur demander des explications, en espérant pour eux qu'ils ont une excuse valable. J'espère aussi qu'ils répondront à toutes mes questions sans rechigner, ou dans le cas contraire je risque de vraiment m'énerver. San et Hong-Joong doivent savoir grâce à mon oreillette que je suis maintenant au courant, et j'imagine qu'ils s'attendent déjà à ce que je leur aboie dessus. Évidemment j'allais moi-même devoir revenir là-dessus, je ne m'attends pas à ce qu'ils le fassent en premier.
   Eunji et Monsieur Yoon continuaient leur discussion, Eunji l'aiguyant pour sa recherche de nouvelle... de nouvelle quoi, exactement ? de nouvelle esclave ? ça me semble être le mot le plus approprié, tandis que je me tenais toujours debout à côté de lui, sa main sur ma hanche. Je détourne mon regard de Monsieur Yoon pour essayer de trouver celui de la fille qui l'accompagne, en vain, mais je profite de la voir à quelques centimètres de moi pour la détailler. Son bras était toujours en dessous de celui du vieille homme et ses yeux étaient rivés sur ses escarpins rouges. Elle portait une jolie robe noir près du corps asymétrique, l'une de ses épaules et l'un de ses bras étaient découverts à l'inverse de l'autre. Ses cheveux châtains relevés en un chignon permettaient de mettre en évidence ses boucles d'oreilles en or qui formaient comme une goutte d'eau incrustée d'une pierre blanche. Cette fille devait être encore plus belle quand elle souriait, malheureusement je ne suis pas sûre que cela lui soit arrivé depuis un long moment. Son visage était triste, ses joues creusées et ses cernes marquées malgré son maquillage. Elle ne devait sûrement jamais ou presque manger à sa faim, quant à sa fatigue... je ne vois pas de marque sur son corps, mais je ne serais malheureusement pas étonnée de la savoir être battue par ce gros porc. Elle était pourtant si bien vêtue qu'on en douterait presque.
   - Eh bien, je vais aller voir ce que Monsieur Choe a à me proposer. Au plaisir de vous revoir Monsieur Kim.
   Puis il s'en alla en tirant derrière lui la jeune femme d'une manière si brusque que j'en fus attristée, mais mon visage resta neutre. Je bus une nouvelle gorgée de champagne puis me tourna vers mon patron pour embrasser sa mâchoire. Pour ce faire j'étais obligée de me mettre sur la pointe des pieds, et j'ai comme l'impression qu'il aime bien me voir galérer pour l'atteindre. Vu son complexe d'infériorité, je ne suis pas étonnée.
   Il me sourit en agrippant un peu plus ma hanche pour coller ma poitrine à la sienne, tellement que ma peau devait commencer à être rouge. Eunji plongea quelques secondes ses iris dans mon décolleté puis revient à moi comme si de rien n'était.
   Faite que l'alcool me monte vite...
   - La soirée te plaît-elle ?
   - Je viens d'arriver et je ne connais personne, mais oui elle me plaît. J'aime beaucoup ta maison, tu pourrais me faire visiter ?
   Si je pouvais avoir une idée des lieux avant de pouvoir le fouiller, ça serait plutôt pas mal. Il n'y avait pas de raison pour qu'il refuse, il allait voir ma question comme une invitation à... bref.
   - Bien sûr.
   Après avoir attrapé un verre de champagne, il s'engage en direction de l'escalier en m'entraînant avec lui. Sur le trajet il est interpelé par plusieurs hommes qu'il salut poliment sans s'attarder pour autant. Je me fis la remarque qu'il devait être pressée d'être seul avec moi, dans un endroit où il pourrait faire ce qu'il voudrait à l'inverse de nos bureaux. En approchant de l'escalier l'agent de sécurité s'écarte pour nous laisser passer, puis nous montons les marches pour disparaître à l'étage sous les regards de plusieurs invités. Ils s'imaginent sans doute que l'on s'isolait pour... je ne veux même pas y penser.
   L'escalier débouche sur un long couloir donnant accès à plusieurs pièces dont les portes étaient toutes fermées. Quand il allume la lumière je distingue sur les murs plusieurs peintures, certaines de paysage et d'autres représentant encore et toujours des femmes à moitié nu. Nous passons devant un buffet devant lequel je m'arrêta pour mieux observer le cadre photo qui y était posé à côté d'un vase rempli de fausses lys. C'était une photo de famille avec un bébé, un enfant, une femme et un homme. Je reconnais directement le visage de la femme, sa mère, que j'avais aperçu lors de notre espionnage l'autre fois. Je devine que le petit garçon est Eunji car son visage possède les mêmes traits, et que le bébé est sa sœur MinHa. L'homme, quant à lui,  devait s'agir de son père.
   - C'est ta famille ? Demandais-je innocemment.
   - Oui. Il y a ma sœur MinHa, ma mère et mon père. C'est l'une des rares photos quel l'on a de nous quatre.
   Il regardait le cadre avec nostalgie, si bien que je me surprena à être un peu touchée.
   Un peu plus loin dans le couloir, après une chambre d'ami et son bureau qu'il me montra brièvement, Eunji ouvre la porte de sa chambre pour m'y laisser entrer la première. La décoration était simple, dans les tons gris et blanc. Ce qui m'interpella directement en plus de l'absence de tableau, c'est le grand miroir qui couvrait une bonne partie du plafond de la pièce. Je n'avais encore jamais vu ça de mes propres yeux, mais je savais très bien pourquoi les gens mettaient des miroirs à cet endroit là plus précisément, et cela me dégoûta encore plus d'Eunji. Son lit double prenait presque toute la place et laissait de l'espace qu'à une armoire et à une table de nuit. Je pense qu'il ne doit pas passer beaucoup de temps ici, sauf s'il y baise plus que ce à quoi j'imagine.
   Quand il ferme la porte derrière moi je me sens soudainement mal à l'aise, mais pas autant que si je n'avais pas bu. Je passa discrètement ma main sur ma jambe cachée par ma robe et me sens un peu plus rassurée en sentant le fourreau de ma lame offerte par Yeo-Sang. En revanche je me demanda si j'allais réussir à bien la cacher à Eunji.
   De toute façon, j'ai pas le choix.
   - Tu m'as vraiment manqué Hannah.
   Si dans la bouche de San mon prénom paraissait important, dans celle d'Eunji il m'écœurait, surtout dàs une phrase comme celle-ci. « Tu m'as vraiment manqué. » Quel beau parleur. Il n'y a que mon corps qui lui a manqué.
   Mon patron fait quelques pas dans ma direction qui lui suffise à arriver devant moi. Ses mains se positionnent sur mes hanches dans un geste tout sauf doux. Les siens ne l'étaient jamais, ils étaient toujours brusque et me faisaient brusque mal parfois. Son bassin se rapprocha du mien pour commencer à s'y frotter, me faisant sortir son érection déjà naissante. Je ravale mon dégoût difficilement tandis que j'enroulais son cou de mes mains. Ma respiration devient aussi forte que la sienne, mais pas pour les mêmes raisons. Eunji me fixait avec une telle intensité dans le regard que s'en était perturbant et... gênant. Je pense que si je ne savais pas aussi bien me retenir j'aurai commencé à rire nerveusement.
   - Toi aussi tu m'as manqué.
  Foutaises. Je ne me suis jamais aussi bien portées cette dernière semaine du fait de son absence.
   Ses mains glissent jusqu'à mes fesses pour les agripper fermement, ce qui m'arracha un cri de surprise tout juste perceptible. Mais au vu de la proximité de nos visages il m'avait bien évidemment entendu et s'en réjouissait déjà. Le con pensait encore plus qu'il m'excitait, alors que ce que je ressens pour lui n'a absolument rien à voir avec ça. Mon cœur s'emballe lorsque son visage se rapproche de plus en plus du mien, mais il ne battait pas si fort pour les bonnes raisons.
   Il allait m'embrasser, putain.
   Je ne peux pas le repousser.
   Merde.
   Prise de court et sans aucune échappatoire je laissa ses lèvres s'écraser sur les miennes et me força à me joindre au baiser, dégoûtée de sentir son corps commencer à se mouver contre le sien, simulant des vas et viens. Le baiser aurait vraiment pu être bon et exquis s'il n'était pas mon patron et un mec dégoûtant, si je n'étais pas entrain de tomber amoureuse de San, et si je ne travaillais pas pour ce dernier pour venger Pirateez et moi-même par la même occasion. Mais comme tous ces « et si » sont vrais, c'était un moment tout à fait abominable. Sa salive qui se mélangeait à la mienne me donnait envie de vomir. Je me surpris à ne pas avoir de réflexe vomitif.
   Bon sang, même San n'avait pas encore pu aller aussi loin. Ça m'énerve de savoir qu'Eunji profite en premier de certaines choses que lui n'a pas encore eu. J'imagine d'ailleurs très bien son visage se décomposer sous la colère et la jalousie en ce moment même et Hong-Joong tenter difficilement de le calmer. Les garçons étaient quelque part dehors entrain de nous observer, prêts à intervenir si cela dégénère quitte à faire capoter ma mission. C'était la chose qui me rassurait le plus et me motivait aussi.
   Le stresse monta d'un cran quand l'une de ses mains passa derrière ma cuisse pour la soulever. Heureusement ce n'était pas celle où se trouvait l'arme blanche, mais je compris qu'il fallait vite que je prenne les devants si je ne voulais pas qu'il s'apercevoir que je suis armée. Tout en reculant jusqu'à son lit j'agrippa sa cravate pour qu'il me suive facilement. Je le sentis sourire contre mes lèvres alors qu'une boule grossissais dans mon ventre. Pas une boule de plaisir, non. Je m'assis au bord et laissa Eunji me faire basculer en arrière jusqu'à ce que mon dos touche le matelas. Il écarta mes jambes avec les siennes avant de me surplomber sans arrêter le baiser. L'une de mes mains se positionna sur sa joue alors que l'autre attrapa doucement la sienne qui commençait à se faufiler sous ma robe, me rappelant le traumatisme de l'autre fois, dans sa voiture. Je la positionna sur l'un de mes seins pour éviter de réveiller les soupçons. Aucune main sur moi ne m'avait déjà faite sentir autant dégoûtée et en insécurité, mais je me rappela des raisons du pourquoi j'acceptais tout ça.
   La vengeance.
   Le voir tomber...
   Eunji pressait entièrement ses hanches contre les miennes en les mouvant de plus en plus et de plus en plus vite. Je sus que si je voulais l'arrêter c'était maintenant ou jamais. Et évidemment que j'avais envie que ça s'arrête.
   - Attend... Dis-je faiblement entre deux baisers langoureux. Eunji laisse enfin mes lèvres et réouvre ses yeux pour m'interroger avec. Je ne suis pas prête, ça va trop vite. Désolée...
   En temps normal je ne me serais jamais excusée, toute simplement parce que je ne le pense jamais et que je n'avais aucun raison de le faire. Mais cette fois ci j'avais plutôt intérêt à me montrer embrassée et timide.
   Je vois à son visage qu'il est déçu, mais il ne me le dit pas et n'essaye pas non plus de me faire changer d'avis, contre tout attente.
   - Oh, pas de problème.
   Il m'arrache un dernier baiser et se relève en ajustant sa cravate et sa chemise. Un immense soulagement traverse mon corps quand le sien quitte le mien, puis je me redresse à mon tour avec un fin sourire collé au visage. Eunji me regarde et me sourit à son tour. Je déteste la manière dont il le fait. Il me regarde comme si j'étais une chose fragile, mignonne et manipulable. D'un côté c'est parfait car c'est le but, mais d'un autre c'est très agaçant.
   - On redescend ?
   - Part devant, je vais aller dans la salle de bain m'arranger un peu.
   Il enferme mon visage dans ses grandes mains pour le contempler un moment et m'embrasser. Quant il part de la pièce je fais mine d'aller dans la salle de bain pour ne pas éveiller ses soupçons, puis j'en ressors qu'une fois que je suis sûre qu'il a quitté l'étage. Un flot d'adrénaline traverse mon corps alors que je me remercie d'avoir réussi à avoir autant sa confiance.
   C'est maintenant, ou jamais.
   - Comment il ose toucher à MA Hannah ?! Hurle la voix de San dans mon oreillette.
   - Moi aussi, j'ai une question. Dis-je ironiquement mais froidement. Pourquoi je n'ai pas été mise au courant pour le tragique d'être humain ? Et en particulier de femmes ?
   - On en parle plus tard. Me répond Hong-Joong alors que j'entends le chef des Pirateez fulminer en fond.
   - Ouais, il y a plus urgent. Enchaîne justement ce dernier.
   - Quand je vais vous enculer on verra si ça sera toujours pas une urgence.
   - Ta gueule et fouille. Me répond San normalement.
   Je soupire et décide de ne pas lui répondre. Je n'ai pas de temps à perdre, mes recherches vont surtout se faire dans son bureau. Là-bas je suis presque sûre de trouver quelque chose.

𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Où les histoires vivent. Découvrez maintenant