𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟑𝟓

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    Je me réveilla plusieurs heures plus tard alors même que le soleil n'avait pas encore commencé à se lever, prise par un étrange sentiment dont j'étais incapable d'expliquer. Mon cœur battait anormalement vite pour quelqu'un qui venait de sortir du sommeil et mon souffle était irrégulier, presque saccadée. Je regarda tout autour de moi pour chercher quelque chose qui aurait pu alerter mon corps et me mettre dans cet état, mais rien n'était inhabituel. J'étais toujours allongée dans le lit de San, dans sa chambre bien rangée grâce à la femme de ménage qui doit en baver à chacune de ses crises de nerfs. La pièce était éclairée par les quelques rayons de la lune qui passait à travers les nuages gris, rien d'anormal là aussi, mais il y avait bien autre chose.
  Le manoir n'était pas plongé dans le silence. Je discernais de plus en plus nettement une voix qui semblait venir du salon. Non, des voix. En me concentrant un peu mieux sur celles-ci je reconnu à mon plus grand soulagement celle de MinGi et de WooYoung. Je ne suis pas étonnée de savoir MinGi ici puisque San m'avait prévenu qu'il le remplacerait le temps de son absence. En revanche je ne comprends pas vraiment la présence des garçons, car je me doute bien que les autres voix sont les leurs. 
   Je me pencha vers la table de nuit recouverte des médicaments de San pour attraper mon téléphone. La luminosité de celui-ci m'aveugle plusieurs secondes, puis l'heure m'apparaît enfin. Quatre heure. Bon sang, qu'est-ce qu'ils peuvent bien faire tous ici à cette heure ci ? Ce n'est pas leurs voix tout juste audible qui m'ont réveillée. Non, il y a autre chose. Et je ne vais pas tarder à savoir quoi. 
   Mon corps est traversé d'un frisson lorsque je quitte rapidement la couette pour me lever, mes doigts de pieds se crispant au contact du parquet froid. J'enfile mes chassons et attrape rapidement un gros sweat-shirt de San dans son dressing avant de filer hors de la chambre. Les pantoufles claquent contre l'escalier en pierre et font taire les garçons qui m'entendent approcher, comme s'ils étaient entrain de parler de quelque chose que je ne devais pas savoir. Mes yeux ne se sont même pas encore habitués à la lumière du lustre qui éclaire le salon que j'y suis déjà. Je deviens immédiatement le centre de l'attention et remarque alors leur visage tendu par l'inquiétude qui viennent confirmer mes soupçons. Il s'est bien passé quelque chose.
Et San n'est pas là.
- Nous t'avons réveillé ? Me dit Hong-Joong en se levant de son fauteuil pour venir à moi.
- Non, c'est autre chose qui m'a réveillée. Dis-je d'une voix encore endormie alors que je frotte mes yeux pour y voir plus clair.
- Je vais te raccompagner.
Quand il arrive à mon niveau je l'empêche de passer un bras autour de mes épaules en le retenant. Il voulait me ramener dans la chambre sans m'en laisser le choix, mais je n'étais pas décidée à retourner me coucher. Déjà car je n'allais plus trouver le sommeil, et surtout car je voulais savoir ce qu'ils voulaient me cacher.
S'ils s'attendaient à ce que je le fasse bien gentiment et sans poser de question, c'est qu'ils me connaissent vraiment mal. Cependant j'imagine qu'ils n'avaient rien à perdre à essayer.
- Je sais qu'il se passe quelque chose. Ne me prenez pas pour une imbécile.
Je lâche le bras d'Hong-Joong sans lâcher son regard. Je voulais qu'il comprenne que je n'allais pas quitter cette pièce avant d'avoir été mise au courant, et cela semble marcher puisqu'il me guide jusqu'au fauteuil où il était anciennement assis. Je prends place tandis que le second de San reste debout derrière moi, ses mains sur mes épaules comme s'il se préparait déjà à me réconforter à cause de... à cause de je ne sais quoi.
Après un long silence je pris de nouveau la parole.
- Personne ne veut se décider ?
- Il s'est passé quelque chose de grave. Commence doucement MinGi.
- Je le sais déjà ça, c'est bien pour ça que je suis là.
MinGi échange un regard avec les garçons. Quand ils semblent tous être arrivés à la même conclusion, il reprend.
   - San a pété un plomb. Il est parti à notre entrepôt encerclé depuis deux mois par Eunji et a buté tous ses hommes. MinGi anticipe déjà ma prochaine question. Oui, tous. Ça fait une quarantaine de mort, il n'y a aucun survivant.
   Mon visage se décompose et une boule commence à apparaître dans ma poitrine. Je mis plusieurs seconde à comprendre ce qu'il venait de me dire, mais même après ça je continuais de croire que j'avais mal interprété ses mots.
   Ce ne pouvait être que ça, ça ne pouvait pas être ce que j'avais compris. Et pourtant...
   Je repensa directement à la dernière fois où je l'ai vu. San m'avait accompagné au lit et était parti de la chambre une fois seulement que je commençais à m'endormir, comme si de rien n'était. Son visage n'exprimait plus aucune colère, au contraire il était doux et attentif. Et j'ai beau ressasser le moindre de ses mouvements, la moindre paroles, je ne vois aucun indice qui aurait pu me faire douter de quelque chose.
   Il l'a fait exprès, il savait déjà.
   Je pense qu'au moment même où je lui ai raconté ce qu'Eunji m'a fait il avait déjà pris sa décision. Il savait déjà qu'il allait le faire regretter et comment il allait s'y prendre.
   Évidemment il n'allait pas me prévenir, ni moi ni les garçons. Ils ont l'air d'avoir été vraiment pris de court, pourtant eux ont l'habitude du caractère imprévisible de San. Moi-même j'en suis consciente mais... je ne réalise toujours pas qu'il est l'auteur d'un véritable massacre dont je suis l'élément déclencheur. Cette nuit des dizaines de mecs ont payé pour les actes ignobles de leur chef. La plus part de ces gens avaient sûrement une famille, quelqu'un qui attendait leur retour...
   Je me sens soudainement tout aussi coupable que San et la culpabilité me saisit. Rien ne s'arrange lorsque je l'imagine contre mon gré passer à l'acte, tuant chaque personne travaillant pour l'ennemi sans une once d'humanité et d'empathie. Le spectacle était affreux, mais je devais être encore très loin de la brutalité de la réalité. Je sais San capable de choses tout à fait horribles depuis longtemps. Mais savoir qu'aujourd'hui il est passé à l'acte pour me venger et passer ses nerfs...
   Je comprends encore mieux pourquoi il veut absolument nous laisser du temps avant de commencer quelque chose de vraiment concret. Il disait que j'allais le trouver effrayant, comme tous les autres. Je n'ai jamais eu peur de lui mais cet événement me fait douter. Et je culpabilise encore plus. Ça ne change en rien ce que je ressens pour lui, mais... Mais s'il est capable d'une telle barbarie avec les autres, il en est peut-être capable avec moi aussi. Et s'il se défoulait un jour sur moi ? Et s'il me blessait ? Avec des coups ou même avec des mots ? Avais-je raison de me sentir en sécurité avec lui ? Ou devrai-je plutôt me sentir en danger ?
   J'ai honte de me poser ses questions, cependant elles sont tout à fait légitimes. Je sais très bien que San n'est pas stable. Je sais très bien que San est un homme violent, si violent que je ne trouve même pas de mots exacts pour le qualifier. Mais San a mon cœur. Il a ma confiance. Il a mon amour. Il fait des efforts pour moi, il s'efforce de ne plus cacher et ignorer ses émotions pour moi, pour nous.
   « Ce cœur t'appartient. »
   Je savais que San était près à beaucoup de chose pour moi, et j'ignorais encore qu'il pouvait aller jusqu'à tuer sans aucune hésitation. Cet événement me permet de prendre un peu plus conscience de sa violence, mais il ne ne dissuade pas de vouloir quelque chose avec lui. Je n'ai pas à avoir peur de lui. Je devrais plutôt avoir peur pour lui.
   - Il va comment ? Dis-je si faiblement.
   - Bien. Trop bien pour un mec qui a tué des dizaines de mecs à la suite. Me répond Seong-Hwa.
   Je hoche la tête puis ferme les yeux quelques secondes, le temps de me concentrer sur ma respiration et de mettre mes idées aux clairs. Les caresses d'Hong-Joong sur mes épaules m'apaisent légèrement et m'aide à me détendre. Mais après ce que je viens d'apprendre vous imaginez bien que c'est encore un peu difficile pour moi de l'être totalement.
   - Comment il s'y est pris ?
   - Tu es sûre de vouloir le savoir ? Me demande calmement Hong-Joong.
   Je secoue la tête positivement.
   - Je veux savoir, tout.
   - Personne n'était sur place, ce sont nos hommes qui nous ont appelé en panique. Commence Yun-Ho dont les poches sous ses yeux montraient sa fatigue. Ils ont d'abord entendu des coups de feux, puis les cris ont fusé dans tous les sens. Lorsque nous avons appris la nouvelle San était déjà entrain de tuer les derniers. Nous ne sommes pas intervenus car sur le coup il était devenu trop dangereux même pour nous. Apparement il a quitté l'entrepôt il y a un moment maintenant, et il a désactivé sa localisation donc on ne peut pas en savoir plus avant de le voir revenir...
   Mon cœur se ressert en imaginant le pire.
   - Vous êtes sûrs qu'il ne craint rien ?
   - C'est San, on ne peut être sûr de pas grand-chose avec lui. Me répond Yeo-Sang, tout aussi épuisé que son ami. Mais il reviendra. Il reviendra au moins pour toi.
   Je commence à triturer mes doigts pour les occuper. Les garçons ont l'air plus inquiet des représailles que de l'état actuel de San, j'imagine que je devrais trouver ça réconfortant. S'ils ne partaient pas à sa rechercher c'est qu'ils savait que ça n'en valait pas la peine. Il valait mieux l'attendre ici.
   - San ne me fera jamais aucun mal, pas vrai ?
   J'avais presque chuchoté ces mots, comme si j'avais encore peur de la réponse. Mais j'avais besoin d'être rassurée, j'avais besoin de leur réconfort.
   Ma tête se redressa lorsque le rire de Jong-Ho arriva jusqu'à mes oreilles. Le con riait vraiment. Il riait même à gorge déployée, alors que la situation n'était pas du tout aux rires. Mais c'était si inattendu qu'il y avait là dedans quelque chose de soulageant.
   - Aucun risque que ça arrive. Il peut se montrer froid mais il le fera toujours en pensant que c'est dans ton intérêt.
   Pour me protéger de lui, encore et toujours. Je connais très bien cette attitude. 
   - Tu as peur ? Rajoute Jong-Ho.
   - Non, mais j'avais besoin d'être rassurée.
   Les bras d'Hong-Joong passèrent autour de mon cou pour me câliner encore plus tendrement. Son geste et l'attitude protecteur des garçons m'arrachèrent un fin sourire.
   Maintenant, je n'avais plus qu'à attendre le retour de Monsieur avec eux.

   Peut-être une heure plus tard, ou même deux, un son dans la coure me fait sortir soudainement de mon état de somnolence. Je ne suis pas la seule à reconnaître la Jeep de San depuis la fenêtre du salon puisque tout le monde se redresse pour essayer de l'apercevoir à l'intérieur. Je reconnais bien sa silhouette descendre du véhicule, en revanche il faisait encore trop nuit pour que je puisse le voir plus en détail.
   La porte d'entrée s'ouvra brusquement pour se refermer en claquant un instant plus tard. Mon cœur fait un bond dans la poitrine lorsque je le vois enfin de plus près, entièrement couvert de sang. Ses vêtements noirs et sa peau en étaient tellement tachés qu'il m'était impossible de savoir s'il s'agissait que de celui de ses victimes ou s'il avait été blessé. Il en avait même un peu dans les cheveux, sur le visage, le cou... Certaines de ses mèches étaient même collées à sont front à cause du liquide poisseux.  Un bain de sang, à proprement parler. Je n'avais même pas l'impression qu'il en avait conscience. Il arborait une expression neutre comme s'il n'y avait rien d'anormal.
   Personne n'ose parler quand il entre dans le salon pour nous défigurer tous un par un, finissant par moi. Son regard se tend par ce que je devine être de la colère et il devient le premier à briser le silence pesant. 
   - Ramenez la à l'étage.
   Je m'étais attendue à ce que ma présence lui déplaise. Il aurait sûrement préféré que je ne le vois pas rentrer dans cet état, ni même que je sois au courant de son massacre.
   - Non, je veux rester.
   Ses sourcils se froncent. Je crois qu'il préfère encore plus m'entendre discuter ses ordres.
   Hong-Joong, assis sur le tapis près de moi, m'adresse un regard à travers lequel il m'implore d'écouter le chef de cartel. Mais je l'ignora.
   - Monte. M'ordonne-t-il cette fois ci directement.
   Je me relève doucement pour l'approcher. Je ne l'avais pas vu depuis quelques heures seulement mais les événements me donnaient l'impression que c'était plus que ça. De plus près je vis la manière dont son corps était tendu, ses points resserrés et sa respiration saccadée. Cela me fit de nouveau mal au cœur, mais je devais bien me forcer à faire comme si de rien n'était. Il ne va pas aimer me voir inquiète pour lui. Même s'il l'est toujours envers moi, bizarrement il confond toujours ce sentiment avec la pitié. 
   - Je reste ici. Je veux te voir comme tu es.
   Derrière moi les garçons ne disent rien, préférant nous laisser régler ce diffèrent entre nous. Le regard autoritaire de San se plantent dans le mien et me montre que le moment est mal choisi pour moi de jouer les emmerdeuses, mais j'étais bien décidée à ne pas être écartée de la situation.
   - Monte ou je t'enferme de force dans ta chambre.
   Sa voix devenait de plus en plus sévère. Il n'allait pas tarder à me hurler dessus, cependant je trouvais qu'il s'était déjà bien retenu.
   - Non, je veux restée... il me coupe soudainement en explosant.
   - Tu vois pas que j'essaye de t'épargner ?!
   Il dirige sa main vers mon poignet mais s'arrête juste avant de le saisir. On dirait que l'idée de me tacher du sang de ses victimes le répugne et est pour lui impensable.
   - Je n'ai pas toujours besoin de ta protection, je sais mieux que toi ce qui est bien pour moi.
   Bien que l'envie me déménageait, je ne lui hurla pas dessus en retour. Si je voulais qu'il se calme et qu'il apprenne à mieux contrôler sa colère il fallait que je lui donne l'exemple. Et aussi surprenant que cela puisse être, cela marcha du premier coup. Mon ton posé le surpris et le coupa dans son élan, si bien qu'il ne me répondit rien et qu'il m'ignora. Au moins il m'autorisait à rester.
   Il alla s'assoir sur le fauteuil que j'occupais il y a peu et s'alluma une cigarette sans se soucier de brûler le tapis avec les cendres.
   San tirait sur le filtre sans plus se préoccuper de nous. À le voir faire on en oubliait presque qu'il était couvert de sang et qu'il venait d'aggraver encore plus la tension entre lui et Eunji. 
   Seong-Hwa a raison, San va beaucoup trop bien pour quelqu'un qui vient de faire un massacre.

𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora