𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟓𝟗

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   Eunji troque son arme à feu contre une bouteille de vodka après l'avoir presque balancé sur la table basse en verre. Il n'a pas peur de me quitter des yeux plusieurs secondes, je l'interprète clairement comme de la provocation. La bouteille en main, il boit directement au goulot puis enfonce son dos dans le dossier du canapé en cuir blanc. Cachant mon incompréhension, je le regarde faire, le canon de mon arme toujours levé en direction de sa tête et mon index positionné sur la gâchette. Je ne le montre pas non plus, mais le poids de l'arme commence déjà à engourdir les muscles dans mon bras gauche. J'ai beau mettre entraînée toute cette semaine, quelques jours ne sont clairement pas suffisant. Mais je suis bien obligée de m'en contenter, le résultat serait bien pire si je la tenais avec mon poignet cassé.
   Bora avait complètement raison, c'est de la pure folie de se battre avec un plâtre et des points de suture sur le bide. Pourtant, je ne regrette pas que les choses se soient précipitées. Pas encore, du moins.
- Baisse cette arme, commence-il après avoir essuyer sa bouche du revers de la manche, je te trouve excitante, mais aussi très ridicule.
- Je ne baisserai pas ma garde. Ma voix froide résonne dans la pièce à vivre. Pas comme toi.
Il boit une gorgée du liquide transparent puis se met à rire en plongeant son regard dans le mien. Mon visage se referme davantage, j'ai peur d'être trop expressive sans même le savoir. Son sourire en coin et la manière dont il me regarde, comme un lion qui observerait sa prochaine proie, me mettent mal à l'aise, mais j'essaye de ne rien laisser paraître.
- Hannah, Hannah, Hannah... souffle-t-il. Tu penses sincèrement que j'aurai risqué de me retrouver seul avec toi ? Je jette un coup d'œil autour de moi mais ne vois personne d'autre que nous. Tu n'es vraiment pas aussi maligne que tu en donnes l'air, même si tu as quand même réussi à me berner un certain temps. Il boit une gorgée et reprend après un long silence. Être seul en ta compagnie ne m'aurait pas dérangé, mais évidemment dans d'autre circonstances. Bien que celles-ci soient tout à fait... fascinantes ?
Il passe sa main libre sur son entrejambe, là où le tissus de son pantalon est tendu. Il la caresse en ne cessant de me fixant, c'est absolument horrible à voir.
San, pitié, j'espère que tu as un plan de secours.
- Tu es immonde.
Ces mots échappent de ma bouche, et je les regrette aussitôt. Eunji, lui, a l'air encore plus satisfait. Il me cherche, il veut me pousser à bout, et ce genre de réaction spontanée ne peut que me mettre en position d'infériorité. Elles lui prouvent que je peux perdre le contrôle sur mes émotions et rapidement, c'est exactement ce qu'il veut.
- Oh, Hannah... Ne t'en prends pas à moi. C'est toi qui m'a rendu fou de toi.
- Je n'ai absolument rien à voir avec ton obsession obscène.
- Depuis ton premier jour tu joues avec moi. Tu t'es toujours dandiner devant moi, dans tes petites jupes serrées ou courtes, et tes sourires aguicheurs... il en parle avec nostalgie.
Ma poigne se ressert autour du pistolet tandis qu'une boule imposante apparaît dans mon ventre. Le stresse, la panique, la colère, le dégoût... Mais je ne dois pas laisser mes sentiments guider ma raison.
- Tu délires complètement...
- Délirer ? Tu n'assumes peut-être plus, mais je sais ce que j'ai vu !
- J'étais encore mineure quand j'ai intégré l'accueil de Palace Immobilier, merde ! Tu ne m'as jamais plu ! Jamais ! J'ai profité que je te plaise pour avoir des avantages, c'est tout. C'est ton obsession qui t'a fait imaginer toutes ses choses. Sans elle tu aurais remarqué le dégoût que tu m'inspires rien qu'en t'apercevant, et encore plus quand tu me touches !
Je repense au début de semaine, quand il est allé à mon appartement et que j'ai dû le laisser poser ses mains sur moi. En prenant ma douche je m'étais sentie obligée de frotter ma peau jusqu'à m'en faire mal pour pouvoir me sentir mieux. J'avais ressenti le même besoin lorsque j'ai été couverte du sang de Monsieur Jang et de ses hommes, ou aussi après la découverte du cadavre de Nanou.
- Ce fils de pute t'as retourné le cerveau. Je sais déjà qu'il parle de San. Il te manipule, et toi, tu n'y vois que du feu.
- Personne n'a jamais réussi à me manipuler. Toi, en revanche, tu ne peux pas en dire autant.
- Tu penses sincèrement avoir eu une quelconque influence sur moi ? L'amusement avec lequel il parle m'agace.
- Je ne le pense pas, j'en suis même certaine. Et j'ai visiblement très bien réussi mon coup puisque tu ne t'en rends même pas compte.
Toujours droite comme un piquet, je le regarde fermer ses yeux en vivant d'une traite le reste de la bouteille. Je ne comprends vraiment pas comment il peut toujours aussi parler et agir.
- Si j'avais su, j'aurai dû saisir chaque opportunité de te prendre sans t'en laisser le choix. Je n'aime pas être frustré, encore plus par une femme. En temps normal, elles se jettent à mon cou. Mais toi non. Pourquoi ?
- Le simple fait que tu regrettes de ne pas m'avoir violée répond à ta question, connard.
   Ma haine envers lui s'accumule, mais pour le moment je ne peux rien faire. Nous sommes apparement entourés par ses hommes, et je suis seule face à eux, blessée. Je ne peux qu'attendre que San intervienne, en espérant que cela se fera rapidement. Lui et les garçons doivent être entrain de suivre notre conversation depuis le micro de mon téléphone dans mon sac, qui ne m'est d'aucune autre utilité actuellement. Mon seul moyen de communication aurait été une oreillette, si j'en avais une.
   - Tu comptes rester planter là longtemps ? Je ne réponds rien, consciente que je pourrais me mettre dans une situation encore plus délicate que l'actuel. Je te laisse une dernière chance pour me rejoindre de toi-même.
   - Plutôt crever.
   Son sourire s'agrandit, et il claque des doigts.
   Des hommes apparaissent de la cuisine et viennent l'entourer, puis d'autres de l'escalier qui trône le fond de la pièce. Ceux-là traînent derrière eux une personne, un homme.
   Mes yeux s'écarquillent et mon cœur semble s'arrêter lorsque je le reconnais. 
   - Tu l'auras cherché, salope.
   MinGi, le visage en sang et déformé par des ecchymoses, à peine conscient.

𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Where stories live. Discover now