𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟏

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   Lorsque San quitta la maison, je me sentis tout d'un coup horriblement seule.
   La chaleur de sa peau, ses mains tenant fermement mes hanches, et le regard qu'il m'accordait... Je devais difficilement avouer que tout cela me manquait déjà, comme si j'avais eu le temps de m'y habituer.
   Il était parti en me laissant déboussolée, perdue. Et il savait déjà que j'allais finir ainsi.
   Mon cerveau se remémorait chacun de ses gestes. Chacun de ses mots.
   « Tu travailles pour moi, tu es à moi. »
   Le souvenir de cette phrase me dit presque grisonner. San parlait de moi comme si j'étais son objet, ou plutôt comme si j'étais une chose trop importante pour lui pour qu'il puisse laisser n'importe qui me toucher et m'approcher. Cette remarque me laissa encore plus confuse que je ne l'étais déjà. Et j'avais beau chercher des explications à ce qu'il venait de se passer, je n'en trouvais toujours aucune.
Avec le petit jeu de séduction qu'on avait commencé, certaines de ses actions ne m'ont pas étonnées. Notamment sa manière de me parler, ainsi que son éternelle sourire en coin. Mais pour le reste... j'en arrive même à me demander si tout cela était bien réelle. Ou s'il s'agissait d'une terrible invention de mon cerveau.
C'est la proximité que j'ai eu avec Hong-Joong qui à l'origine l'a mis dans un état pareil, et malgré ce qu'il vient de se passer j'ai toujours du mal à croire que San a vraiment été jaloux de ça. Jusqu'à présent il inspirait plus à me montrer qu'il s'en fichait pas mal de moi, et voilà que maintenant j'ai de l'importance à ses yeux.
Il n'y a pas à dire, c'est complètement crazy.
Maintenant que je sais ça, je pourrais carrément l'utiliser contre lui. Mais vu la manière dont il a réussi à me déstabiliser aussi rapidement, j'ai bien peur que ce petit jeu se retourne contre moi à chaque fois.
Qu'est-ce que je dois faire ? Rentrer dans son jeu en allant me coller à d'autres mecs ?
Non, je ne peux pas m'abaisser à ça, et puis je n'en ai pas envi. En plus de ça, le connaissant, c'est un coup à ce qu'il pète un plomb et devienne violent avec moi pour bien me faire comprendre mon erreur et me dissuader de le refaire.
Ouais, San est trop instable pour que je le fasse.
Mais si je me la joue avec subtilité, peut-être que j'arriverai à gagner moi aussi...
Mon corps se met à frissonner, me prouvant, qu'effectivement, je m'étais bien habituée à sa chaleur corporelle. San est parti fumer, je pourrais peut-être me joindre à lui pour espérer avoir plus d'explications. Ou au moins savoir s'il compte assumer ça qu'il a fait, ou s'il va faire comme si rien ne c'était passé. J'espère vraiment qu'il n'est pas assez con pour le faire, mais pour éviter d'être déçue je ne devrais rien espérer du tout.
Je prends mon courage à deux mains pour sortir de la maison après avoir enfiler une paire de baskets et un manteau que j'avais laissé dans l'entrée la veille. En ouvrant l'un des battants de la porte en bois, je tombe sur le grand dos musclé de San couvert seulement d'un pull. Le voir si peu habillé dans ce froid me donne encore moins chaud.
Pitié bébé, réchauffe moi encore un peu !
San se tourne vers moi en m'adressant un regard interrogatoire tandis que je referme la porte derrière moi.
- T'as une clope pour moi ?
Ma question l'étonne tellement qu'il se met à tousser à cause de la fumée de sa cigarette.
- Quoi ?
- Je t'ai demandé une cigarette. S'il te plaît. Rajoutai-je.
San me fixe quelques secondes sans rien dire, puis sort finalement un paquet de cigarette ainsi qu'un briquet de la poche de son pantalon. Je lui souris pour le remercier, puis les saisit pour m'en allumer une avant de les lui rendre.
   Ma première bouffée de cigarette me brûla légèrement la gorge, puis je sentis mon corps se détendre à la deuxième. Je recrache la fumée en levant la tête en direction du ciel gris qui annonçait sûrement de la pluie dans les quelques heures qui arrivent. Pendant ce temps je sentais le regard pesant de San sur moi, puis me quitter pour regarder le ciel lui aussi.
- Tu ne tousses pas. Constate-t-il surpris.
- J'ai toujours été une fumeuse occasionnelle. Lui réponds-je après une autre bouffée.
   Je rabaisse ma tête pour observer le profil de San. Il est tout aussi beau vu ainsi que vu de face.
   Enfait, tout est beau chez lui.
   Il avait une mâchoire bien dessinée, un nez droit qui me donnait bizarrement envie de le croquer, et de belles lèvres fines. Il avait tout pour plaire, et je n'en faisais pas exemption. Loin de là même.
- Arrête de me matter.
- Pourtant hier ça ne t'avais pas dérangé.
San rit silencieusement.
C'est la première que je le vois rire, et en plus grâce à moi. Mes blagues ne l'amusaient pas, mais nos enfantillages apparement si.
- Tu as la bouche bien pendue pour quelqu'un qui, il y a dix minutes encore, n'arrivait pas à me dire quoi que ce soit.
- C'est pas comme si ça m'avait dérangée.
   Il pouffe de rire.
   Genre, San pouffe de rire !
- Rassure moi, tu ne compte pas faire comme si de rien n'était ?
- Par rapport à ?
   J'appréhende sa réponse. Avec lui, je peux m'attendre à tout comme à rien.
- Par rapport à ce qu'il vient de se passer ? Tu m'as fait une crise de jalousie, tu t'en rappelles ?
- Oh ça. Il tourne sa tête dans ma direction pour me regarder avec son éternel sourire narquois. Déjà, je n'appellerai pas ça de la jalousie. Ensuite, je ne suis pas le genre de personne à ne pas assumer mes mots et mes actes.
- Ah oui ? Fais-je moqueuse.
- Tu veux que je te le redise ?
- Me redire quoi ?
- Que tu m'appartiens ?
Mon cœur palpite, une drôle de sensation apparaît dans ma poitrine.
Je continue de fumer ma cigarette tout en le regardant, histoire de faire durer le suspense.
- Ouais, redit le moi. J'en suis déjà toute trempée.
   Son sourire s'agrandit, le mien aussi.
   Si je ne faisais pas preuve d'autant de self contrôle, croyez moi je lui aurais déjà sauté dessus pour qu'il me saute lui après.
Ce mec dégageait trop de charme, trop de... trop de sexe ?
- Rien que pour ça, je ne te ferais pas le plaisir de te le redire.
   Aïe.
   Il sait où viser.
- Dommage, ça m'aurait bien servi pour mes scénarios la nuit.
   Un de ses sourcils s'arque comme si je venais de parler une autre langue.
Il ne doit pas connaître cette utilisation là de l'imagination, c'est bien dommage pour lui.
   Je détache mes yeux des siens et me laisse glisser le long de la porte pour finir accroupie, le temps de finir ma cigarette.
- Tu t'es déjà servie d'une arme à feu ?
Sa question me fait soudainement tousser à cause de la fumée, comme lui quelques minutes plus tôt.
- Bah non. Quand aurai-je pu en avoir l'occasion ?
- J'en sais rien moi. Pour moi c'est devenu tellement commun.
Ah.
- Et bien sache que ça ne l'est pas.
- Alors demain je te montrerai comment en utiliser une.
Je ne sais pas si cette idée m'enchante un petit peu ou absolument pas. Mais bizarrement, elle ne me fait pas peur. Devrais-je m'en inquiétée ? Sûrement.
- Pas sûr que me faire tenir une arme soit une bonne idée.
- Hong-Joong m'a dit que tu aimais les sensations fortes et le danger.
- Disons que, venant de toi, j'aurai préféré sentir un autre genre de sensations. Ou autre chose tout court.
San se tourne vers moi pour me fixer, les sourcils levés. Moi, en tant que grosse pétasse qui se respecte, je replace une mèche de mes cheveux ondulés derrière mon oreille tout en lui faisant un clin d'œil.
Dommage que sa réponse ne soit pas à la hauteur de mes attentes.
- Je suis possessif, mais pas fou.
- Et moi je suis complètement folle de toi bébé. Dis-je d'une voix aguicheuse en le couvrant de clin d'œil.
- Tu ne m'apprends rien.
Je soupire bruyamment pour réponse, puis jette mon mégot dans le cendrier en même temps que le sien.
   Lorsque nous rentrons dans la maison, la vue du canapé et de la télé encore allumée m'ennuya. J'avais envie de bouger, rester assise ici allait finir par m'aplatir les fesses. San et moi nous entendions assez bien actuellement, alors pourquoi pas en profiter pour sortir ?
- San ? Fais-je en me tournant vers lui, encore dans l'entrée. Sortons.
- C'est une proposition ou un ordre qui tu me donnes là ?
- Ni l'un ni l'autre. C'est une invitation.
- Je n'aime pas sortir en journée, et ce n'est pas prudent que l'on nous voit ensembles.
   Il n'a pas dit non !
- Je suis sure qu'on peut trouver un petit truc pour manger pas loin d'ici. Et tu dois bien connaître un endroit calme, où on y sera que tous les deux.
Je termine ma phrase en faisant bouger mes sourcils pour le draguer à coup sûr. Même si, vu la mine de dégoût qu'il affiche, je commence à douter de ma technique infaillible.
- Attend moi dans la voiture. Dit-il en me donnant les clés de celle-ci. Je vais chercher une veste chaude.
Je lui souris de toutes mes dents, n'en revenant pas qu'il est accepté aussi rapidement et facilement. J'attrape les clés et me précipite à l'extérieur, là où la Jeep était garée. Il y avait bien un garage, mais je ne l'ai jamais vu y faire entrer sa voiture. D'ailleurs, je n'y suis jamais entrée moi non plus.
En arrivant devant la voiture hors de prix j'eus une idée: m'assoir du côté conducteur. San allait sûrement m'étriper en me voyant assise là, mais ça ne coûtait rien d'essayer. Il était d'humeur joyeuse cette après-midi, autant en profiter !
Cinq minutes plus tard, j'entends la porte de l'entrée se refermer puis des pas sur le gravier. Quand San arrive devant la portière du côté conducteur, il fronce les sourcils en m'y voyant confortablement installée, déjà attachée, le moteur déjà démarré.
- Descend immédiatement. Dit il en ouvrant la portière.
- Nan. Fais-je simplement en la refermant.
Mon geste l'irrite. Je comme à avoir chaud aux fesses.
- Insiste plus et je te casse les deux jambes.
Ah.
- Nan mais tranquille c'était pour rire hein...
San ouvre de nouveau la portière et me fait croire qu'il va la refermer brutalement sur mes jambes.
- San !
- Oups. Un accident est si vite arrivé.
Je soupire en levant les yeux aux ciel avant de contourner la voiture pour monter du côté passager. San ouvre le portail avec le badge puis file à toute vitesse sur la route déserte qui passe devant la maison.
En temps normal le temps gris et le froid m'aurait donné envie de rester à la maison glander. Mais aujourd'hui j'étais presque excitée de sortie avec San. On l'avait déjà fait le soir de mon arrivé, mais seulement pour aller commander et récupérer des pizzas.
- Tu sais où tu vas ? Fais-je en le voyant conduire sûr de lui.
- Oui.
Puis le silence total.
San n'avait pas décroché un seul mot après ça. J'en étais même a demandé si je n'avais pas dit ou fait quelque chose de mal qui pourrait justifier son silence, mais il n'y avait rien. Il accepte déjà de sortir, j'imagine que je n'avais pas mon mot à dire par rapport à son silence.

𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Where stories live. Discover now