𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟒𝟐

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La voiture s'éloignait de la capitale éclairée par ses lumières artificielles. Il devait être tout juste une heure du matin, la fatigue me piquait le nez à cause de ma journée de travail d'hier, ou plutôt d'avant hier vu l'heure. Entre les entraînements et ça, je n'avais pas vraiment pu profiter de mon week-end pour me reposer. Heureusement je n'avais pas des semaines très chargées, merci à mon travail presque inutile et à l'obsession d'Eunji à mon égard. C'était le seule avantage, alors autant en profiter pour ne pas essayer de déprimer davantage.
Je laissais mon regard se perdre dans la nuit noire et sombre ainsi que les arbres qui défilaient de chaque côté de la Jeep de San. Une fine brume tapissait les champs autour de nous et on pouvait seulement compter sur les fards de la voiture pour y voir quelque chose. La lune et ses étoiles étaient camouflées derrières d'épais nuages qui semblaient bientôt apporter la pluie.
Je repensa à mon premier jour avec San, à notre rencontre. Le second soir j'avais réussi à le convaincre de m'amener manger dehors. Nous nous étions retrouvés chez Nanou que nous n'avions pas vu depuis, et le reste de la soirée m'avait paru magique. La neige qui recouvrait tout, la nuit étoilée, la patience et l'attention que San m'avait portée... Il a beau dire l'inverse par soucis d'ego, je suis persuadée que San était déjà tombé sous mon charme à ce moment là. Mais je ne peux pas me moquer de lui, j'étais tombée pour lui bien avant encore, au premier regard.
Pendant que mon corps était bercée par les vibration du véhicule, mes pensées divaguèrent sur un tout autre sujet nettement moins sympathique. Accoudée à la portière, la tête
reposée sur ma main, je me demanda si la fille de l'autre soir était toujours en vie ou si... si elle n'était plus de ce monde.
Il y avait peu de chance pour que son cœur batte encore, néanmoins je voulais croire que ce n'était pas le cas. Ma naïveté y était pour quelque chose, mais je refusais encore d'accepter ne rien avoir pu faire pour elle, alors même qu'elle s'était effondrée dans mes bras. Je l'avais abandonné avant de quitter précipitamment la réception d'Eunji. J'avais prétexté être fatiguée par l'alcool et mes règles, puis j'avais pris un taxi qui m'avait déposée quelque rue plus loin, là où étaient garés San et Hong-Joong. Je ne leur ai à peine adressé la parole sur le retour. Ils savaient très bien le motif de mon silence et n'avait pas préféré m'en parler, à leur tour. J'avais très bien compris que je ne pouvais rien faire pour cette pauvre Elisa, et bien qu'apprendre que Pirateez avait déjà essayé de venir en aide à d'autres filles victimes du tragique d'être humain comme elle, j'avais toujours du mal à m'en remettre et en voulait toujours aux garçons. Aussi, je leur avais clairement fait comprendre que je leur en voulais de ne pas avoir été mis au courant qu'Eunji en était un acteur important.
Hong-Joong m'avait expliquée qu'il était mieux que je ne sois pas au courant, au risque que je panique encore plus à chaque fois où je me retrouve avec mon patron. Je comprenais leur logique, car s'ils me l'avaient annoncé le jour de notre rencontre j'aurai encore moins accepté de travailler pour San.
Même si, on le rappelle, on ne m'en a pas vraiment laissé le choix.
Mon ami s'était d'abord assuré que je ne faisais pas parti des cibles du trafique avant de prendre la décision de me cacher tout ça. Malgré tout, ma colère était tout à fait justifiée.
Finalement ma colère n'avait été que passagère. Le temps d'une nuit, et encore. San sait se montrer très dissuasif. Il avait reconquéri toute ma confiance à coup de gros câlins et de bisous dans le cou. Je n'avais pas su y être indifférente. Et surtout, cette découverte n'était plus tellement choquante à côté de la seconde que j'avais faite pendant la soirée, lors de l'exploration du bureau d'Eunji. Mon cœur s'emballe rien qu'à repenser aux dossiers qu'il a créé et assemblé à mon propos, et ce n'est vraiment pas de l'excitation que je ressens.
Kim Eunji est vraiment un détraqué, mental et sexuel. Ça me donne encore une raison de plus pour le détester et vouloir sa mort légitimement. Mais il commence à y en avoir beaucoup, des raisons.
- Ça va Hannah ?
   Une main timide se posa sur mon genoux. C'était Jon-Ho, assis à ma gauche sur la banquette arrière. À sa gauche encore il y avait Yeo-Sang, MinGi lui était assis côté passager. Il me regardait avec un peu d'inquiétude dans les yeux, mais semblait plutôt attendri par mon visage à moitié endormi.
   Au volant, je vois rapidement San attendre patiemment ma réponse. Depuis le rétroviseur intérieur il me jette depuis le début du trajet pas mal de regard. J'ai l'impression qu'il s'attend à me voir mal d'une minute à l'autre, alors qu'assise dans sa voiture et en sa compagnie je n'avais quasiment aucun danger à appréhender.
Trop inquiet. Trop mignon.
   - Oui oui, je suis juste fatiguée. Je n'ai pas l'habitude de vos magouilles.
   - Pirateez fonctionne que la nuit, tu vas t'y habituer.
   Ses doigts caressent ma joue plus dans un geste taquin que réconfortant qui m'arrache un petit sourire. San, qui a l'air satisfait de ma réponse, se reconcentre sur la route.
   Je baisse les yeux sur mes doigts et remarque seulement maintenant que je les triturais, ne sachant pas quoi en faire et ressentant le besoin de les occuper. Accroché à ma cuisse comme lors de la réception, le couteau que m'avait offert Yeo-Sang était rangé dans son fourreau, près à être dégainé en cas de besoin. Ce soir j'étais habillée d'un legging noir et d'un sweat crème à San que je piquais souvent sans son avis, comme à peu près tous ses autres hauts. Quand ils sont à lui, un simple vêtement me paraît tout à coup totalement unique et parfait. Il n'a jamais émis d'objection à ça, seulement un petit soupire s'échappe de sa bouche lorsqu'il me voit dans l'un de ses habits alors que je ne lui ai jamais demandé si je le pouvais. Puis il finissait toujours par sourire très légèrement, presque trop légèrement pour que je puisse le remarquer. Mais je commençais à bien le contraire. À trop bien le connaître même.
   Par dessus j'avais enfilé ma grosse doudoune, mais même avec elle je grelotte dehors tant les températures sont basses. Parfois je me demande ce qui m'a pris d'accepter de les accompagner jusqu'à l'entrepôt alors que j'aurai pu rester au chaud sous la couette de mon lit. Enfin, son lit. Parfois est souvent, à vrai dire. Tout ça juste pour me montrer à quoi ça ressemble et comment ça marche. En plus de ça, je risque bien plus de choses là-bas qu'en restant seule au manoir. Bien que plus aucun homme d'Eunji n'occupe les lieux, San pense qu'il en reste encore quelques uns planqué dans les parages. J'allais devoir mettre une casquette et relever ma capuche pour être sûr qu'on ne voit pas mon visage. Je pourrais ainsi facilement passer pour un membre du cartel.
   - À qui tu écris ? Demande Yeo-Sang, le regard rivé sur l'écran allumé du téléphone de MinGi.
   - Personne. Répond ce dernier du taco tac.
   - C'est Personne qui t'envoie des cœurs et des petits noeuds roses ?
   -  Oui, Personne est très aimable.
   Jong-Ho pouffe. Yeo-Sang ne pose pas plus de question. Moi, je me doute qu'il discute avec sa future femme et mère de ses enfants. Au vu du métier de la fille, barmaid, je ne suis pas étonnée de les savoir parler à une heure si tardive.
- On arrive. Nous informe San. La voiture quitte un chemin bétonné pour en rejoindre un autre en terre battue. Au loin la silhouette d'une grande structure apparaît avec celles de plusieurs hommes postés tout autour. Hannah, reste près de nous.
   - Je comptai pas partir à la découverte.
   - Ta gueule.
   C'est fou ce qu'il a le « ta gueule » facile.
- Susceptible va. Chuchotai-je.
   Jong-Ho pouffe un nouveau rire. Avec le silence de mort qu'il y a dans la voiture je me doute bien que San aussi a entendu ma phrase, cependant il ne me répond rien. Peut-être est-il trop fatigué pour le faire. Peut-être garde-t-il son énergie pour me le faire payer plus tard.
La voiture s'arrête un instant plus tard devant les grandes portes de l'infrastructure, gardées par quatre hommes habillés d'un gilet par balle. Nous en avions déjà croisé une vingtaine avant ça. Tous s'étaient écartés pour nous laisser passer, saluant d'un signe de tête San. L'entrepôt doit au moins faire plus de dix mètres de hauteur et au moins trois fois ça de long. Fait de métal gris, celui-ci rouille à certain endroit et surtout au niveau des deux portes coulissantes. Elles doivent facilement faire deux fois la taille en hauteur, j'imagine que c'est fait pour charger et décharger des camions.
Des camions remplis d'armes à feu et d'armes blanches, super.
- Bonsoir patron. Fait l'un des hommes de la part des autres aussi.
San ne leur adresse qu'un hochement de tête.
Il et est le premier à s'avancer vers les portes, qu'il déverrouille avec un trousseau de clés qu'il sort de sa poche avant d'en pousser une sur les deux. Le coulissement fait vibrer les rails puis une partie de la façade qui s'accompagne d'un bruit de grincement franchement pas discret, mais au beau milieu de nul part cela doit importer peu. Le chef des Pirateez appui sur un interrupteur qui permet d'éclairer tout l'intérieur de l'entrepôt. Et si de dehors il avait déjà l'air immense, ici ça l'est encore plus.
   De là où je me trouve je vois déjà des dizaines d'étagères chacune presque aussi hautes que l'entrepôt qui, de mon point de vu, ont l'air de former un véritable labyrinthe. Des cartons y sont disposés et rangés par taille, il y en a des petits comme des grands ou des longs. En m'avançant vers l'entrée je suis dévisagée par les quatre hommes qui cherchent à deviner mon identité, mais je n'y prête pas plus attention et continue mon observation. Je remarque que tous les cartons ont un drapeau marqué d'une tête de mort imprimé dessus. Sans doute la marque de Pirateez, ça me paraît logique même si ça m'étonne de ne pas l'avoir vu déjà avant, pas même à la Cour des Pirates.
   Un autre détail me saute d'un coup aux yeux. Le sol en béton de l'entrepôt est marqué par plusieurs grosses tâches brunes ici et là, accompagnés de plus petites autour d'elle. Mon cerveau fait le rapprochement avec ce que je sais déjà et je comprends alors la cause de ces tâches.
   Du sang.
   Ce sont les traces de sang des hommes d'Eunji que San a tué pour moi, en quelques sorte, il y a deux mois presque. On ne peut sûrement plus les effacer.
   Quand je relève la tête je croise directement le regard de San, froid et distant. Il a compris. Il ne semble pas particulièrement fière mais il n'en a pas honte pas honte non plus. Tuer est tellement devenu un geste anodin pour lui qu'il ne se pose même plus de question. En revanche je suppose que ma réaction lui importait un peu au vu de l'attention qu'il me porte. Mais comme je choisis de ne rien dire et que mon visage ne montre pas grande chose, il ne s'y attarde pas plus. Je suis juste un peu... apeurée ? je ne sais pas trop. En tout cas je ne le suis pas par lui, mais par l'idée que ce lieu doit être le refuge des fantômes des hommes qui sont morts ici. Non pas que je crois aux esprits, mais... c'est quand-même étrange d'être à l'endroit même où une trentaine de mecs sont morts deux mois auparavant. Ils sont morts et leur famille ne saura jamais pourquoi. Ils ne sauront jamais où leur corps est enterré, et je crois que même moi je ne veux pas le savoir. Certaines doivent encore être entrain de les attendre, persuadées qu'ils rentreront.
   Et Elisa Mancini ? Quelqu'un attend son retour à elle aussi ?
Non. Elle n'avait personne.
- Les gars, allez faire un tour pour voir si tout est en norme. Je vais... lui faire visiter.
San s'apprêtait à dire mon prénom, mais il s'est vite raviser en se rappelant de la présence de ses hommes quelques mètres derrière nous. J'oublie que si je commence à bien connaître Pirateez, les membres du cartel eux ne savent pas mon existence et encore moins le rôle que je joue.
Les garçons partent de leur côté alors que moi et San nous enfonçons dans l'entrepôt. Je marchais légèrement derrière lui, me laissant guider par Monsieur Aigri.
- Pourquoi tenais-tu tant à m'emmener avec vous ? Ma voix résonne entre les hauts murs.
- Pour que tu vois un maximum de choses. Il avait presque l'air soulé de me répondre.
- Je croyais qu'au contraire tu ne voulais pas que j'en découvre davantage.
- Pour ta mission, c'est mieux.
- Et pour nous. Lâchais-je sans vraiment réfléchir.
Son visage se tourne vers moi. Il était neutre.
Quand il s'agit de Pirateez San a toujours l'air plus sévère et froid. Son attitude n'est plus la même quand il « travaille ». Je ne sais même pas comment je suis censée appeler ça.
- Aussi.
Sa réponse me rassure.
Je suis censée découvrir toutes ses facettes; et de les accepter sans en avoir peur; avant que l'on puisse envisager quelque chose de sérieux entre nous. Me montrer l'entrepôt le plus important du cartel n'est pas grand chose, ça ne sert presque à rien, mais ça doit lui tenir un peu à cœur, étant donné que c'est ici que se passe le gros de son trafique. Il y a une symbolique derrière.
Nous passons dans plusieurs allées numérotés qui, selon moi, se ressemblent toutes. Sans San je me serais déjà perdue depuis longtemps.
Non, sans San je ne me serais jamais retrouvée entourée d'autant d'armes.
À chaque nouvelles allées traversées j'ai l'impression que le visage de San se crispe un peu plus. Il observe les étagères d'un œil attentif, parfois il s'arrête devant certaines. Mais il ne dit rien.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Il manque des cartons. Beaucoup de cartons. Cette dernière phrase a plutôt l'air d'être adressée à lui-même qu'à moi.
- Ça doit être les hommes d'Eunji qui... il me coupe.
- Non. J'y suis retourné après les avoir tous butés. Il n'y avait pas autant de trous.
- On a tous des trous...
San me fait de nouveau taire en se tournant rapidement vers moi pour plaquer son index sur mes lèvres. À travers ses yeux je peux même l'imaginer me dire « ta gueule » alors même qu'il est attentif aux bruits qui nous entourent. Des bruits inexistants. Le silence.
Non. En fait, j'entends quelques choses.
Des bruits de pas, bien trop discrets pour qu'ils appartiennent à l'un des garçons ou à l'un de ses hommes.
Quelqu'un qui ne devrait pas être ici est entrain de se déplacer dans l'entrepôt.
Je pointe une direction, une allée plus rapprochée de l'entrée que celle dans laquelle nous sommes. Autrement dit, si nous devons partir d'ici précipitamment, on se retrouvera sûrement nez à nez avec l'inconnu.
San me regarde comme si je venais de faire quelque chose de bizarre, sûrement a-t-il oublié que si je le voulais je pouvais être super attentive à mon environnement. Et voir et entendre plus précisément que les autres.
Il dégaine son pistolet coincé dans la poche de son jean noir pour me le donner. Je l'accepte en fronçant les sourcils. Moi j'avais en plus mon couteau, mais lui n'avait plus aucune arme pour se protéger à distance.
Hannah, tu oublies où tu te trouves.
Il ouvre le carton d'une étagère derrière moi et en sort un trépied et une arme que je ne reconnais pas au départ, n'étant pas vraiment experte dans ce domaine. Puis je comprends à sa forme longue qu'il s'agit d'un sniper. C'est une arme à la fois fascinante et effrayante. Pas sûre que je devais en voir une de mes propres yeux un jour.
San coince le trépied dans son jean et pose larme sur une étagère plus haute. Il commence à grimper avec une vitesse et une discrétion que je trouva incroyable. Le fer des étagères grinçaient à peine, pourtant avec la rapidité de ses mouvements je m'étais attendue à ce que cela résonne dans l'entrepôt. Il se tourne vers moi pour me tendre une main, l'autre accrocher sur un rayon au dessus pour se maintenir en équilibre.
Mon corps reste immobile quelques secondes, le temps de comprendre ce qu'il me demande, puis je range l'arme entre mon legging et ma peau pour accepter sa main et me hisser quelques étagères plus haut. Mes jambes et mes mains tremblent à chaque effort alors que mes pieds claquent sur le fer. Ce n'est pas grand chose, mais dans le silence ambiant c'est déjà trop. Ce n'est pas comme grimper une échelle. Les étagères qui font office de marches sont droites, et pas décalées les une des autres. Ça rend la chose plus difficile, et elle l'est encore plus quand je fais la stupide erreur de regarder derrière moi, en bas. Deux mètres seulement séparent mes pieds du sol, mais ça me semble déjà beaucoup, assez pour que mes gestes deviennent encore plus hésitants.
Deux doigts se posent sur mon menton et force mon regard à se détourner du vide pour se planter dans celui de San, rassurant et doux. J'inspire un grand coup et continue mon ascension, plus lente que lui. Il s'arrête trois ou quatre étagères avant la dernière et déplace brièvement des cartons pour faire de la place et pouvoir s'y accroupir, la tête touchant presque la planche d'au-dessus. Une chance que les étagères soient si large et espacées les une des autres.
Il me tend une nouvelle fois sa main pour m'aider à le rejoindre. En m'asseyant je manque de faire tomber un carton par terre. Mon rythme cardiaque est fort, donnant l'air à mon cœur de sortir de ma poitrine à chaque battement. Ma respiration est courte. J'avais dû escalader presque en apnée sans même m'en rendre compte, trop concentrer à ne pas tomber et à ne pas faire de bruit.
Le chef de cartel reprend le trépied qu'il installe sur deux cartons empilés avant de placer l'arme dessus. Ainsi il peut l'utiliser correctement sans avoir à s'allonger. Le canon de l'arme pointe la direction que je lui ai indiquée plus tôt. Je le regarde faire des réglages que je ne comprends pas et charger l'arme avec une cartouche plus grosse que celle qu'on utilise pour les pistolet. Celle-ci est dorée et reflète la lumière.
- Prévient les garçons. Chuchote-t-il, la main agrippée sur la poignée de l'arme et un œil dans le viseur.
Ma main attrape mon téléphone glisser dans ma poche de ma doudoune. Mes doigts tapent rapidement un message à MinGi pour lui informer de notre situation. J'échange mon portable contre le pistolet.
Bordel, c'est à la fois flippant et excitant.
- Et maintenant ?
- On attend.
Assise en tailleur j'observe attentivement tout autour de nous. L'avantage de s'être isolés en hauteur s'est qu'on a vu d'ensemble tout en étant presque hors d'atteinte. L'inconnu ne pensera pas tout de suite à regarder au dessus de lui, et le temps qu'il y pense il aura déjà reçu une balle dans la tête.
Je devrais être en panique. C'est ce qu'une personne normal aurait ressenti, de la panique. Mais je sentais surtout de l'excitation. J'avais presque hâte de voir comment tout cela allait se finir. J'avais presque hâte de pouvoir tester mes capacités à me défendre à main nue et avec une arme dans de vrais condition. Je devrais pourtant être morte de peur.
Quelque chose tourne vraiment pas rond chez moi. Tu m'étonnes qu'un meurtrier et trafiquant comme San soit tomber sous mon charme. Peut-être que je ne suis pas si différente de lui.
Je tends l'oreille pour essayer de discerner à nouveau les bruits de pas, mais rien. À la place, quelques secondes plus tard, c'est un coup de feu qu'on entend.
Ça vient de l'extérieur.
Moi et San nous échangeons un regard interrogateur. Je vérifie rapidement mon téléphone. Je n'ai pas eu de réponse de MinGi. Est-ce qu'il l'avait au moins vu ? Qui a tiré ? Et contre qui a-t-il tiré ?
- Ça va aller.
Nous étions presque collés à l'autre, si bien que lorsqu'il me parlait j'avais l'impression qu'il chuchotait directement à mon oreille. Mais il avait toujours l'œil dans le viseur de son sniper.
- Je n'ai pas peur.
- J'entends ton cœur battre d'ici.
- L'excitation. Pas la peur.
Un fin sourire se dessine sur ses lèvres. Je le trouvais déjà sexy avec une arme à la main, mais avec celle-ci il l'est encore plus.
Un deuxième coup de feu retentit. Cette fois ci j'étends des pas se hâter, toujours à l'extérieur, mais aucun cri. De là où nous nous trouvons nous pouvons apercevoir les deux grandes portes, mais nous ne voyons personnes passer devant. Pas même les quatre hommes qui la surveillaient.
San a toujours l'air serein. Moi je commence à me dire qu'il se passe quelque chose de vraiment bizarre. Encore plus bizarre que d'être planqués sur une étagère à plusieurs mètres du sol, dans un entrepôt regroupant des armes illégales.
Soudain j'aperçois une ombre se déplacer entre les différents rayons plus loin, puis se cacher derrière des cartons. San aussi l'a vu. Il modifie la trajectoire de son arme et son doigt se tient sur la gâchette, prêt à tirer. L'ombre réapparaît. Elle se déplace encore. Elle disparaît à nouveau. On dirait qu'elle cherche quelque chose.
San ? Moi ? Nous deux ?
- Reste sur tes gardes. Protège toi. Ne fais pas attention à moi. Occupe toi seulement de toi.
- Compris.
Cette fois, quand l'ombre bouge, San tire. Il ne la loupe pas. La cartouche est trop rapide pour que je la vois partir, mais j'ai bien l'impression qu'elle touche la tête de l'individu puisqu'il s'effondre de tout son poids.
San m'avait déjà dit qu'il se débrouillait encore mieux aux tirs au sniper que pour les autres.
Le choc de son corps rencontrant le sol fait écho entre les murs, alors que dehors j'entends toujours des gens courir. C'est bien la dernière chose que j'entends avant que le bruit d'une explosion viennent agresser mes tympans.
Et avant même que je ne réalise, l'étagère sur laquelle nous nous trouvions commençait déjà à s'écrouler en même temps que les autres.

𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Where stories live. Discover now