𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟖

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Je rentre dans la Jeep de San avec un grand sourire, qu'il ne me rend évidemment pas. San me dévisage, les sourcils froncés, comme si ma bonne humeur était une chose inquiétante.
Finalement, je n'arrive pas à faire durer le suspense et lance directement le sujet qui me rend si joyeuse ce soir.
   - Devine qui vient d'être promue à un nouveau poste ?
   - Lequel ? Me dit-il presque impatient, toujours avec son air blasé.
   - Tient toi bien, tu as en face de toi la future secrétaire du bâtard ! Fais-je en reprenant ses mots. Je commence la semaine prochaine.
    S'il est surpris ou ravi de la nouvelle, il n'en montre rien. Son visage reste neutre, et son regard lasse. J'ai presque l'impression de le déranger, alors que je vais pouvoir les aider encore plus qu'avant ! Il devrait être content au lieu de tirer la gueule.
   - Bah quoi ? Finis-je par lancer en ne le voyant pas réagir.
   - Je réfléchis.
Ah ouais d'accord.
   - Te fais pas une crampe au cerveau non plus.
Son regard change pour devenir assassin, mais il ne me fait encore moins peur qu'avant.
J'ai l'habitude de le voir me regarder ainsi après l'une de mes blagues drôlement nulles, ça arrive tellement souvent faut dire.
Avant de me répondre, San met le contact et démarre bruyamment la voiture pour nous ramener au manoir. Il conduisait plus vite que d'habitude et slalomait dangereusement entre les autres véhicules. Sa conduite ne m'effrayait pas, mais je devais tout de même admettre avoir un peu peur à certains moments.
   - Pourquoi tu ne m'en as pas parlé quand je t'ai eu au téléphone ?
   - J'ai croisé Eunji après.
   - Tu m'as dit que tu m'enverrais un message dès que tu aurais du nouveau. Me reproche-t-il. Pourquoi tu ne l'as pas fait ?
   - Je voulais te le dire de vive voix. Je ne m'attendais pas à te voir sauter de joie, mais au moins à un peu plus d'enthousiasme.
   - Tu vas travailler où exactement ? Renchaine-t-il en faisant abstraction de ma remarque.
Depuis notre fameuse conversation, nos discussions se rapportaient plus à des interrogatoires où lui seul pouvait poser les questions. Moi, je devais y répondre au risque de me faire taper sur les doigts.
Nos discussions me manquait un peu, mais je préférai ne rien laisser paraître. Je n'essayais pas non plus d'esquiver ses questions. Je pouvais le faire juste par esprit de contraction, mais je n'avais pas envi d'être confrontée à sa colère et à son agressivité.
   - Dans un bureau à côté du sien apparement.
   - Hmm... Il reste silencieux. Je ferai mettre un micro sur ton téléphone pour que l'on puisse tous entendre nous aussi. Yun-Ho devrait pouvoir s'en charger... Dit-il à lui-même tandis que le nom qu'il évoque me dit vaguement quelque chose. C'est non négociable.
Et c'est reparti...
   - C'est vraiment nécessaire ?
   - Qu'est-ce que je viens de dire ?
Je soupire bruyamment en enfonçant un peu plus mon dos dans le siège, croisant les bras contre ma poitrine.
On allait encore pas me demander mon avis, ce que ça m'énerve ! J'accepte déjà beaucoup de chose, mais un micro...
Putin, j'ai intérêt à pas embarquer mon téléphone avec moi quand j'irai aux toilettes. Je devrais aussi faire attention à mes conversations avec Bora, j'ai pas envie que San ou les autres rentrent dans mon intimité.
   - Je vois pas l'intérêt d'un micro, je vous dis déjà tout.
   - L'intérêt, c'est que tu pourrais laisser traîner ton téléphone près de lui pour qu'on puisse entendre toutes ses conversations. Et tout ça en passant inaperçue.
   - Hmm...
Je laisse mon regard se perdre entre les différentes rues et les hauts buildings de la capital sur lesquels la nuit s'était abattue depuis une petite heure maintenant. La voiture me berçait et me fatiguait encore plus que je ne l'étais déjà, si bien que ma tête devenait lourde.
Je la laissa tomber près de la fenêtre, sentant sur moi le regard de San.
Ce mec passe son temps à me fixer sans rien dire ni laisser paraître. Ça par contre, je n'arrive pas vraiment à m'y habituer.
   - Ne t'assoupis pas, MinGi t'attend à la maison pour ton entraînement. Demain soir tu rencontreras Yeo-Sang qui t'apprendras à manier un couteau et à désarmer quelqu'un.
Oh non...
J'avais complètement oublié que c'était aujourd'hui...
   - Ça sert à rien de me faire commencer ça demain, j'aurai sûrement les courbatures d'aujourd'hui. Je risque de me blesser bêtement.
   - On manque de temps, je te rappelle.
   - Et moi je passe déjà mes journées à travailler, à parler dans le vent à des riches qui me méprises, et à me faire draguer par mon patron qui n'hésite pas à se coller à moi pour mieux me sentir.
Je détourne mon regard du paysage pour le rediriger vers San, le visage tendu par la fatigue et l'énervement. Le sien aussi se tend, et je vois ses doigts se crisper sur le volant en cuir de la voiture.
   - C'est justement pour cette dernière raison que je veux que tu puisses te défendre seule, et que je veux aussi te mettre un micro accroché à ton téléphone.
Je ne réponds rien, comprenant sa logique.
   Je savais déjà que San faisait attention à ma sécurité physique et morale, mais l'entendre dire ce genre de choses me faisait toujours un drôle d'effet.
Il déteste qu'un autre que lui pose ses mains sur moi, et encore plus s'il s'agit d'Eunji. Ce n'était pas la première fois que je lui racontais quelque chose dans le genre, mais chaque fois il avait l'air de retenir sa colère. Le voir dans cet état avait quelque chose de vraiment réconfortant.
Me sentir appartenir et protéger par lui n'était pas si dérangeant la plus part du temps, au contraire.
   - Et... qu'est-ce qu'il t'a fait... exactement ?
Il me pose la question comme s'il avait peur de la réponse.
Et tu fais bien d'avoir peur, San.
   - J'ai accepté d'être sa secrétaire avec beaucoup d'enthousiasme. J'étais contente à l'idée de pouvoir vous aider encore plus, mais lui pensait que c'était l'idée de travailler avec et pour lui qui m'extasiait. J'ai tout de suite vu à son sourire que cette idée l'excitait et le faisait bander. San commence à accélérer, profitant de quitter la ville pour laisser sa colère dicter sa vitesse. Ensuite il s'est collé à moi puis m'a dit dans l'oreille que j'étais une femme formidable qui l'excitait énormément.
   - T'as répondu quoi ? Me demande-t-il presque en me criant dessus, comme s'il aurait voulu hurler sur Eunji à ce moment là.
   - Que c'était réciproque. Mais... j'ai presque failli rester tétanisée. Je fixe mes mains en me souvenant de l'effet qu'il m'avait fait. Mon souffle coupé, mon cœur qui battait fort, la peur, la panique... J'ai flippé, mais il n'a rien vu ne t'en fais pas.
   - C'est pas vraiment ce qui m'inquiétait là. Crache-t-il.
Devant mon silence il détourne son regard un instant de la route pour planter ses yeux dans les miens. J'ai l'impression qu'il me détaille pour voir l'état dans lequel je suis, et ensuite pouvoir imaginer celui dans lequel j'étais.
Je ne sais pas s'il s'est imaginé quelque chose de similaire à la réalité, ou alors s'il a involontairement exagéré les choses, mais l'image qu'il a eu le met encore plus sur les nerfs.
Malgré ça, je sens à travers son regard qu'il voudrait me réconforter, mais qu'il ne sait juste pas comment s'y prendre. Pourtant, il avait su le faire la semaine dernière, quand il m'a expliquée qu'il ne voulait pas qu'il se passe quoi que ce soit entre nous car il m'appréciait.
   Je le fixe dans les yeux à mon tour, puis affiche un léger sourire en espérant le calmer un peu en lui montrant que j'allais bien.
C'était la première fois qu'Eunji agissait ainsi avec moi, mais j'avais l'habitude de ses actions très border-line.
Je ne voulais pas que San se mette dans tout ses états pour ça. Mais paradoxalement, j'étais aussi contente qu'il réagisse comme il le faisait, car c'était bien à cause de lui que j'étais obligée de supporter ça.
   - Je suis... enfin..., balbutie-t-il en fixant de nouveau la route. Je veillerai à ce qu'il ne tente rien de plus, sois en certaine. Parvient-il à dire avec plus d'assurance. Je ne le laisserai pas te salir.
   - Je le savais déjà, San. Lui souris-je. Mais merci.
   J'imagine que me protéger était aussi sa manière à lui de se faire pardonner. Il sait que c'est pour lui que je supporte le comportement d'Eunji, et il a conscience que c'est encore plus dur pour moi que pour lui.
C'est pour toutes ces choses là que je n'arrivais jamais à vraiment en vouloir à San.
J'avais parfois l'impression que son monde tournait autour de moi.
C'était très étrange, mais finalement j'aimais bien être au centre de son attention.

   Lorsque l'on arrive au manoir, MinGi nous attendait sur le perron de la pote en fumant une cigarette. Je le salue d'un mouvement de la main, au quel il répondit par un sourire. Il jeta sa clope dans un cendrier posé à même le sol et entre avec nous.
   - Hannah est fatiguée, vas-y doucement. Dit-il en s'adressant uniquement à MinGi sans même m'adresser un regard, avant de partir directement à l'étage pour s'enfermer dans sa chambre.
   MinGi me jette un regard amusé que je compris immédiatement.
   - Eunji s'est collé à moi en m'avouant son désire de me sauter, en outre. Lui expliquai-je. San tente de s'excuser à sa façon.
   - C'est fou l'effet que tu as sur lui, je reconnais à peine mon meilleur pote.
   - Moi ça me perturbe, mais je le trouve surtout mignon quand il fait ça. Avouai-je.
   - Profite, ça ne dure jamais bien longtemps.
   Ça me rappel ce que m'avait avoué San l'autre fois...
« Quand je resombrerai, je ne serais plus le même. Je t'effraierai sûrement, et je ne pourrais plus te supporter. »
Je ne sais pas de quoi il pouvait bien parler, mais MinGi lui le savait très bien. C'est comme s'il me mettait en garde, comme San l'avait déjà fait.

Je laisse cette pensée dans un coin de ma tête et pars rapidement me changer dans ma chambre. Quand je descends au garage, MinGi m'y attend déjà en s'échauffant avec le sac de frappe et sa paire de gants de boxe, la mienne m'attendant sur le plan de travail destinée aux armes blanches.
Demain matin, j'allais sûrement me réveiller avec de nouveaux hématomes un peu partout sur le corps.

𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Where stories live. Discover now