𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟒𝟓

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Quand mes yeux se rouvrent, je n'ai quasiment aucun souvenir de mon premier réveil de l'anesthésie. Mais mes idées sont bien plus clairs et mon corps mieux réveillé. Pas de crise d'angoisse cette fois ci.
Dehors il fait nuit. La chambre de San est éclairé seulement par la lampe de chevet. Je n'entends aucun son si ce n'est celui de ma respiration et de... de la sienne. J'ai encore du mal à reprendre vraiment possession de mon corps et mes premiers mouvements laissent à désirer, mais je parviens quand même à me tourner. Une douleur traverse mon ventre, mais je choisis de l'ignorer. Cependant, difficile de faire de même quand je sens le fil du cathéter que j'ai sur le dos de la main droite de tendre. Depuis quand est-ce que j'ai ça ? Ai-je une perfusion aussi ? Oh non, je n'ai pas envie d'y penser tout de suite.
Je tombe nez à nez avec lui et observe silencieusement son visage endormi. Ses cheveux noirs recouvrent son front et des cernes rendent son visage presque malade. Depuis combien de temps n'avait-il pas aussi bien dormi ? Trop longtemps pour que je m'en souvienne. Pourtant je dors avec lui toutes les nuits, ou presque.
Mes mouvements ont l'air de l'avoir sorti du sommeil puisque ses yeux se plissent avant de s'ouvrir lentement. Ses iris noirs se plantent dans les miens marronnés pendant un long moment, puis il réalise enfin que je suis réveillée et bien consciente de tout. San se jette presque contre moi pour me serrer dans ses bras. Ma tête est pressée contre son torse alors que je respire son parfum réconfortant, une odeur que je peux reconnaître entre mille mais que je n'arrive jamais à décrire. De la fraîcheur, c'est tout ce que j'arrive à dire d'elle.
Mes bras arrivent à entourer son torse, enfin plus l'un que l'autre. J'ai un avant bras dans le plâtre, ce qui rend la maniabilité de mes doigts restreintes. Mon poignet me fait mal, mais c'est supportable, pour le moment.
Ses bras sont autour de mon cou. J'ai l'impression qu'un peu plus encore et il pourrait me briser la nuque comme...
Comme ce mec dans l'entrepôt...
Oh mon Dieu... Oh mon Dieu... Pourquoi il a fallu que je me souvienne de ça maintenant ? Tout me revient petit à petit, mais je ne suis pas encore bien sûre de vouloir tout me remémorer. En revanche, pour ce qui est de mon poignet cassé et de la balle que j'ai reçu, la douleur vive et aiguë m'oblige à m'en rappeler. Est-ce normal d'avoir si peu mal pour une fille qui s'est faite tirer dessus et à qui on a brisé les os ? Enfin, je sens bien la douleur mais j'ai l'impression que ce n'est pas assez par rapport à ce que j'ai subi. On a dû me bourré d'antidouleur ou de truc dans le genre pour que ça passe, je ne m'y connais pas vraiment.
San lui n'a pas l'air d'avoir oublié que j'ai été victime d'une balle puisque, malgré ma tête collée à son torse, il ne presse pas son ventre contre le mien.
Bon sang, je ne sens même pas de pansement ou de poing de suture. J'imagine que ma peau doit encore être anesthésiée à cet endroit là.
Quand il se détache enfin il inspecte les moins parcelles de mon visage avant de le coincer entre ses deux mains. Il a particulièrement troublé et ému, ça me déstabilise presque en retour. Je n'ai pas l'habitude de le voir si inquiet, et j'imagine que ce n'est rien comparé à l'état dans lequel il était quand il a vu la balle dans mon ventre.
Dans l'entrepôt je me souviens juste avoir été interpelée par son expression, mais je ne me rappelle pas comment elle était. Je ne me rappelle de rien d'autre, en fait. Tout reste flou, je n'ai plus que des bribes.
- Comment tu te sens ? Me dit-il avec hâte.
- Ça va, je crois. Je me sens encore bizarre.
J'ai à peine fini ma phrase qu'une quinte de toux apparaît. Mes poumons me font un peu mal quand je tousse, mais rien de bien méchant je crois.
La faute à la fumée que j'ai inspiré.
- Tu... Tu m'as fait tellement peur Hannah.
Il baisse les yeux comme s'il en avait honte alors que c'est l'une des choses les plus adorables qu'il m'ait dite.
Mon front se colle aux siens tandis que je ferme les yeux, un fin sourire collé aux lèvres.. Je prends quelques secondes avant de lui répondre quelque chose, appréciant juste sa présence pendant ce temps.
- J'ai l'impression de m'en sortir super bien pour quelqu'un qui s'est faite tirer dessus dans l'abdomen.
- C'est grâce à Bora. C'est elle qui s'est occupé de toi.
Je me souviens très vachement avoir entendu sa voix à mon premier réveil. C'est un souvenir tellement flou que j'ai l'impression d'avoir rêvé.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Comment Bora s'est retrouvée à faire ça ?
Il se détache de moi pour mieux se coller. Mon visage finit de nouveau nicher contre son torse. J'ai l'impression qu'il ne veut pas que je vois l'émotion qu'il peut avoir sur son visage en me racontant tout.
- Tu t'es évanouie dans mes bras surtout à cause de la fumée de l'incendie. Moi et MinGi t'avons ramené à la maison pendant que Jong-Ho et Yeo-Sang s'occupaient des derniers ennemis avant de neutraliser l'incendie.
- L'entrepôt ? Vous avez perdu toutes la marchandise alors ?
- Je ne préfère pas en parler. Sa voix est sèche. Ça ne me surprend pas. Et pour répondre à ta prochaine question, c'était bien un coup d'Eunji.
Je ne suis pas vraiment surprise mais... Pendant sa réception San avait réussi à avoir accès à toutes les informations de son ordinateur et à les copier sur une clés USB pendant que je faisais la découverte de tous les dossiers qu'il détient à mon sujet. Dans la nuit, alors que je dormais, San et Hong-Joong avaient parcouru toutes les données aux peignes fins. Malheureusement à part des infos sur le trafique d'êtres humains tel que des listes de prénoms de filles et même de garçons, majeurs et parfois encore mineurs, ainsi que celles de clients et potentiels clients, ils n'ont rien trouvé qui puisse intéressé Pirateez. En fait, il n'y avait presque rien à ce propos là. Donc hypothèse une, c'est qu'il a un autre ordinateur. Hypothèse deux, il avait anticipé que l'on tombe un jour dessus et a volontairement rien mis dessus. Valait mieux qu'il s'agisse de la première. L'idée qu'Eunji s'attendait à ce que l'on fouille un jour son bureau est... étrange et représente vraiment un mauvais signe.
Heureusement rien ne peut l'amener à avoir des doutes sur moi. J'ai continué mon travail et mon flirt avec lui comme si de rien n'était, comme d'habitude. Cependant, je vais être obligée de poser un arrêt maladie très long à cause de mes blessures. J'ai bien peur que ça lui mette la puce à l'oreille. Eunji va vouloir me rendre visite, et quand il saura qu'on m'a cassé le poignet et qu'on m'a tirée dessus il commencera forcément à douter de moi. Je suis vraiment pas censée être le genre de fille en contact avec des armes à feux, à la base.
Je ne sais pas braiment comment je vais réussir à me sortir de ça. Même si aucun des hommes qu'il a envoyé faire le sale boulot s'en est sorti, il fera forcément le lien.
Devant mon silence, San reprend.
- D'habitude c'est moi qui m'occupe de recoudre les gars quand ils se font tirer dessus. C'est arrivé quelques fois, à tout le monde sauf à moi et Hong-Joong. Mais sur ce coup là, quand je t'ai vu te vider de ton sang... Il ne continue pas sa phrase et me commence à caresser l'arrière de mon crâne. Je me suis souvenu que Bora était à sa quatrième année de médecine. Alors je l'ai appelé, elle a répondu malgré l'heure et par chance elle était avec Seong-Hwa. On est arrivés à la maison en même temps. Bora a fondu en larme quand elle t'a vu, et elle a encore plus pleuré quand elle a compris qu'elle allait devoir déloger la balle du ventre de sa meilleure amie et la recoudre. Elle l'a fait en tremblant, mais elle l'a fait. Je l'ai regardé du début jusqu'à la fin. Je voulais être sûr que ça allait aller.
Je ne suis pas étonnée que San ait tout le matériel nécessaire pour ce genre d'intervention, mais je reste bouche bée face à son récit. Imaginer ma meilleure amie face à mon corps inconscient, une balle dans le ventre, entrain de le vider de mon sang... c'est dur, vraiment. Elle a dû être tellement terrifiée... Elle a l'habitude du sang et des trucs dégueus, dans ses études je sais qu'elle a déjà été amenée à disséquer pas mal de trucs bizarres par exemple. Mais sa propre meilleure amie, sa sœur de coeur... Je ne sais pas comment j'aurai réagi à sa place, et je crois que je ne préfère même pas essayer de savoir.
Bora fait des études pour devenir médecin généraliste, pas chirurgienne. Le fait que je me sois réveillée quelques heures après son intervention, en très bonne santé malgré les dégâts, me fascine vraiment. Elle a géré. Bordel, ma meilleure amie m'a délogée une balle et m'a recousu. Si ça c'est pas une preuve irréfutable d'amitié et d'amour, je sais pas ce que c'est.
Le fait que San est laissé ma vie entre les mains de Bora est tout aussi émouvant, surtout pour lui qui a l'habitude de faire les choses soient même pour ne jamais être déçu. Il l'a laissé voir et comprendre ce que je fais de mes journées depuis quelques mois alors même qu'il m'avait interdit de lui en parler. Il a visiblement confiance en elle, ça me touche énormément qu'il n'est pas hésité à l'appeler. Maintenant, j'espère juste que Bora ne se sent pas trop mal d'être en contact avec Pirateez, le plus grand cartel du pays. Mais étant donné que c'était pour me sauver la vie, je ne doute pas une seule seconde qu'elle ne le regrettera jamais. Sans oublier qu'elle sort presque avec l'une d'entre nous. Elle a bien dû se douter de quelque chose, et si elle est restée c'est qu'elle est prête à prendre des risques.
Je suis tellement fière d'avoir une amie comme elle.
- Tu as une belle fracture du poignet, mais tu en as pour six semaines de plâtre. Quant à ton ventre, tu vas garder les points de sutures trois semaines. Tu en a six, ça ne devrait pas trop te gêner. D'ici là, tu dois te reposer et limiter tes efforts.
- Et le travail alors ? La mission ?
Ses caresses dans mes cheveux s'arrêtent. Malgré la couette qui couvre mon corps, j'ai froid quand il s'écarte de moi pour s'assoir sur le bord du lit. Son visage de nouveau fermé et sérieux m'inquiète.
- Assied toi, il faut justement que je t'en parle.
Je fronce les sourcils et l'observe en silence, puis m'exécute.
Je m'aide de mes coudes pour me redresser et grimace en sentant la douleur se réveiller dans mon ventre. Évidemment je ne peux plus m'aider de ma main droite, c'est très frustrant. San place un coussin dans mon dos et m'offre son bras pour que je puisse m'appuyer dessus et m'assoir correctement. Je remarque la perfusion juste à côté du lit, puis le short et le teeshirt propre que je porte. Ma peau est elle aussi toute propre.
- Qui m'a lavée et habillée ?
- Bora après t'avoir opérée. Elle a passé des lingettes sur toi puis t'as rhabillé.
Je suis rassurée que ce ne soit pas San. Je préfèrerai que la première fois qu'il me voit nue je sois resplendissante, et pas entrain de mourir. Ça ne me dérange pas que Bora s'en soit chargé. On s'est déjà vues nues des dizaines de fois.
San se rassoit au bord du matelas, dos à moi. Il ne me regarde même plus. Je ne dis rien et attends patiemment qu'il me dise ce qu'il a me dire. Le temps me paraît interminable avant qu'il ne décide enfin à prendre la parole.
Et j'avais raison de m'inquiéter.
- Ta mission est finie.
Je reste immobile, silencieuse. Puis petit à petit, je prends conscience de ce qu'il vient de me dire et de tout ce que cela implique.
- Q-Quoi ? Dis-je hébétée.
- Tu m'as bien entendu.
- Mais Eunji n'est toujours pas m...
J'allais dire « mort », mais San m'a coupé la parole avant que je finisse ma phrase.
- Ta mission ne devait pas s'arrêter à sa mort. Elle devait s'arrêter lorsque je l'aurai décidé.
C'est ce qu'Hong-Joong m'avait dit le premier jour.
Mais alors...
- Mais je vais faire quoi alors ?
- Je te l'ai dit, tu dois te reposer.
Mon cœur s'emballe, les larmes me montent déjà aux yeux.
Je suis fatiguée, épuisée. Cette mission c'est... j'ai consacré tout mon temps pour elle ses dernier temps. Je me suis appliquée, je me suis impliquée dans le quotidien de Pirateez... Dans celui de ses membres. Bon sang, je suis même tombée amoureuse de San !
San m'avait prévenu qu'après ma mission je ne pourrais plus vivre ici, à moins que l'on soit en couple. Et pour ça, il faudrait que j'intègre le cartel. Mais nous ne le sommes pas. Nous ne sommes pas en couple. Et aux dernières nouvelles San ne savait toujours pas s'il comptait me garder près de lui, ou alors m'acheter un appart et me mettre dedans comme il était prévu à la base.
Cette idée me réjouissait au départ. Un appartement tout frais payé, même plus besoin de travailler... Mais ce n'est plus ce que je veux. Pirateez a donné un sens à ma vie. Ce manoir est devenu ma maison. Je ne veux pas quitter tout ça. Je ne peux pas.
- Et je vais aller où...? Ma voix tremblait.
- J'ai décidé de te laisser une semaine, le temps que tu reprennes des forces. Après ça tu iras dans l'appartement que j'ai choisi pour toi. Il est en plein centre de Séoul. Tu verras, il est bien.
Quelque chose en moi se brise. Il recommence à parler comme si tout ça n'avait rien d'importance. Comme si je n'étais pas importante pour lui.
- Bien ? Répétais-je. Bien ?! Une première larme coule le long de ma joue. Je ne prends même pas la peine de l'essuyer, je sais qu'elle n'est pas la dernière. J'ai failli crevé il y a quelques heures en parti pour toi et quand je me réveille qu'est-ce que tu me dis ? Que ma mission est finie ? Que je dois quitter le manoir ?!
Même si je commence à crier, San ne se retourne toujours pas. Il a honte. Il savait très bien ce que sa décision allait me faire. Mais il n'affronte même pas les conséquences de ses choix en face. Ça a le don de m'énerver encore plus.
- C'était le deal. L'argent que l'on t'a promis est déjà sur le compte. C'est pour ça que tu as accepté de travailler pour moi.
Travailler pour moi.
Travailler pour moi...
Il me ressort le même discours qu'à notre rencontre. J'ai l'impression de revenir à la case départ avec lui. C'est ce qu'il veut.
C'est un cauchemar.
- Mais tu sais très bien que les choses ont changé ! Que je ne fais plus ça pour l'argent ! Et ce depuis longtemps déjà !
- Tu n'as pas ton mot à dire !
Sa voix résonne entre les murs de la pièce. Mon sang se glace. Mon cœur se ressert.
J'ai mal...
D'autres larmes coulent toutes seules le long de mes joues alors que mon corps se crispe, réveillant de nouveau la douleur dans mon abdomen. Lui, il se lève, et décide enfin de me regarder.
Il ne se tourne même pas entièrement face à moi. Mais tant mieux. Je ne suis pas sûre de pouvoir affronter ses deux yeux noirs que je n'avais pas vu depuis... depuis les premiers jours après notre rencontre. J'ai l'impression qu'il/transpercent mon cœur et le font crier, alors qu'il y a cinq minutes à peine ces mêmes yeux le réchauffaient.
- C'est moi qui tire les ficelles. Ça a toujours été moi.
Qu'est-ce qu'il sous entend ? Que depuis le début je ne suis qu'un pantin qu'il peut utiliser à sa guise...?
Oh non, pitié...
San, pourquoi tu me fais ça ?
- Tu n'as pas le droit... Mes larmes coulent encore plus lorsque je vois qu'elles ne lui font d'apparence aucun effet. Je... Je me suis donnée à fond pour cette mission. J'ai accepté les mains baladeuses d'Eunji pour toi. J-Je l'ai laissé me toucher sans rien dire alors que j'en avais la nausée. J'ai abandonné ma carrière pour toi. J'ai même vu des gens se faire tuer ! Tu n'as pas le droit !
Ce n'est plus seulement des larmes de tristesse, ce sont aussi et surtout des larmes de colère dorénavant. De haine, de fureur.
Mon cœur me fait mal. J'ai l'impression de bientôt le vomir.
Tout ça n'est qu'un putain de cauchemar.
- Personne ne t'a obligée à faire tout ça.
Mes yeux s'écarquillent.
Je sais très bien ce qu'il essaye de faire. Il sait que je l'aime, il le sait sans que j'ai jamais eu besoin de le lui dire. Et maintenant, pour rendre notre séparation ou je sais pas quoi plus facile, il agit de manière à le dégoûter. Mais l'amour ça ne marche pas comme ça.
- Comment tu oses me répondre un truc pareil ! Je décide de ne plus rester sagement assise, alors je retire la couette de mes jambes et me fait glisser jusqu'au bord du lit, grimaçant de douleur au passage. Et nous alors, c'est quoi...? Je comptais lui cracher ses mots aux visages, mais j'ai tellement de peines que je n'arrives qu'à les chuchoter. C'est réel au moins...?
- Hannah... Je sais déjà que la réponse ne va pas me plaire. Ça ne pouvait pas marcher. Ça n'a jamais pu marcher.
Un hurlement s'échappe de ma gorge. Du désespoir mélangé à de la haine. Guider par mon cœur brisé, je me relève et me jette sur lui malgré la douleur qui cisaille mon ventre. Mes ongles s'enfoncent dans ses joues et les griffent avant de faire de même avec ses bras. Ils arrachent au passage des croûtes, preuves de son auto mutilation récente. San a toujours gardé l'habitude de se gratter les avant-bras jusqu'au sang lorsqu'il est anxieux.
Je hurle encore et encore, suffisamment fort pour me faire mal à la gorge. La force que je mets dans mon poignet cassé aggrave sûrement encore plus ma blessure, mais je m'en fiche. Plus rien n'a d'importance. Plus rien.
Mes bras s'agitent tellement dans tous les sens que, pris au dépourvu, San met plusieurs secondes à les attraper pour me maîtriser. Malgré ma vue brouillée par mes pleures j'aperçois son visage confus par la peur et la tristesse qu'il n'arrive plus à cacher. Mais c'est trop tard, le mal est fait. Ses émotions ne me touchent plus, et il le mérite de toute manière. Il a ignoré les miennes, je vais faire pareil.
- ARRÊTE ! Me hurle-t-il tout juste assez fort pour que je l'entende derrière mes cris.
- NE ME TOUCHE PAS !
Je me débats pour retirer sa prise sur moi, mais il est trop fort et moi trop épuisée après tout ce qu'il m'est arrivé pour lutter correctement. L'arrière de mes cuisses se retrouvent plaqué contre le sommier du lit puis mon corps bascule en arrière.
- ARRÊTE HANNAH !
Je hurle une nouvelle fois, cette fois ci à cause de mon ventre, alors que San est au dessus de moi, les jambes de part et d'autre de ma taille pour me bloquer et m'empêcher de me relever.
- Je t'en prie Hannah...
Alors que je m'agite encore dans tous les sens, j'aperçois une tache rouge apparaître sur mon teeshirt beige et s'étaler.
Un point de suture a sauté, ou peut-être plusieurs.
San aussi l'a remarqué. Son visage blêmit, ses mains agrippant toujours mes bras tout en faisant attention à mon plâtre.
- Merde. Crache-t-il.
Mon corps cesse peu à peu de gesticuler, trop épuisée physiquement, mais dorénavant surtout émotionnellement. Mes cris sont remplacés par mes sanglots.
Je pleure. Je pleure. Impossible de m'arrêter.
- J'ai mal... Fais-je entre deux sanglots.
- Oui, tu saignes beaucoup.
- Tu comprends rien !
Il relève la tête vers moi, attristée par mon visage larmoyant et désespérée. Il me surplombait toujours par son corps, ses cheveux effleurant presque ma tête.
- Mon cœur... J'ai mal au cœur... J'ai mal...
Il libère mes mains et j'en porte directement une, celle valide, à ma poitrine, là où je viens serrer mon tee-shirt entre mes doigts. Les sanglots ne s'arrêtent pas, au contraire ils ne cessent d'être de plus en plus nombreux. San me regarde un instant silencieux, les yeux commençant à devenir brillant.
- M-Moi aussi... j'ai mal... Ça veut dire quoi...?
Son aveux aurait dû me calmer un peu, mais au contraire il me fit encore plus pleurer alors que je le détestait encore plus. Autant qu'il me faisait encore plus l'aimer. Le sang continuait de couler. Ma gorge me serrait encore plus. Mon cœur, lui, était en miette.
Mais ce n'était pas le seul.
- Je te déteste... fais-je faiblement.
- Moi aussi, je me déteste...
Nous restions là un moment, à fixer l'autre. Finalement, je n'étais plus la seule à pleurer. San s'était autorisé à le faire lui aussi, un peu. Mes sanglots diminuaient, mais pas les larmes. Hurler m'avait enlevées mes dernières forces que j'avais. Je me sentais un peu comme une coquille vide, maintenant que le plus gros était passé.
- Tu... Tu as toujours mal ? Mon silence parle pour moi. Je ne sais pas pourquoi ça me le fait, à moi aussi. Je... Je ne sais pas ce que ça veut signifie.
- Tu m'as brisée le cœur, enculé. Réussis-je à dire. Je te hais. J'aurai sincèrement préféré ne jamais t'avoir rencontré. Il rigole. Un petit rire. Juste un. Je te déteste ! Tu m'entends ?! Pourquoi tu rigoles ?!
- Parce que tu ne le penses pas.
Il a raison. Pourtant j'ai toutes les raison du monde de l'être.
- Toi aussi tu ne le pensais pas, pause, quand tu disais que ça ne pouvais pas marcher.
- Ouais. Il avait l'air essoufflé, comme si l'avouer était un effort surhumain.
- Tu le pensais, ce que tu m'as dit tout à l'heure ?
- De quoi ?
- Tu m'as dit que tu m'aimais.
Ses yeux s'agrandissent et me fuient.
Il pensait sûrement que je ne m'en souvenais pas. Moi-même je n'en étais pas sûre. J'ai cru au départ l'avoir imaginé.
- Et toi ?
Je hoche la tête, faiblement mais il le comprend.
- Contrairement à un certain fil de pute, je l'assume. Je suis putain d'amoureuse de toi. J'ai finis par tomber amoureuse la première, ça fait quelques temps déjà.
- Tu n'es pas la première. Sa réponse me force à essuyer mes yeux du revers de la main pour mieux le voir. J'ai toujours une longueur d'avance sur toi.
- Ce n'est pas drôle. Dis-je dans un sanglot étouffé alors que je reniflais. Je te te déteste. C'est pour toi que j'ai fais tout ça, et toi tu... tu... De nouvelles larmes coulent. T'as piétiné mon cœur...
- Hannah... Il avance sa main près de ma joue, mais je la dégage immédiatement en donnant un coup dedans avec la mienne.
- Ne me touche pas. Tu n'en as plus le droit. Je sais pas pour qui tu te prends à pouvoir prendre mon cœur et jouer avec mais... il me coupe.
- JE SUIS DÉSOLÉ. Me hurle-t-il. Comme tu tiens tant à le savoir, je vais tout te dire. Quand tu t'es évanouie dans mes bras j'ai cru que t'étais morte ! Putain, j'ai cru que je tenais ton cadavre et que j'allais devoir l'enterrer ! Je t'ai menti quand je t'ai dit que je t'ai sorti de l'entrepôt, c'est MinGi qui m'a trouvé parce que je n'arrivais plus à bouger tellement je chialais en te tenant contre moi ! J'avais ton sang partout sur moi, t'en avais partout toi... C'était absolument horrible... Des perles roulent de ses joues et s'écrasent sur les miennes. En fait, je t'ai menti aussi sur ton opération. Je n'ai pas pu rester dans la chambre, je me suis isolé dans celle de mon père comme un gamin parce que j'avais peur ! Et tu sais quoi ?! Après j'ai regretté de l'avoir fait, car je t'ai imaginé avoir des complications et je n'aurai même pas été là pour ton dernier souffle ! Je me suis dégonflé ! Quand c'est toi c'est toujours comme ça ! Depuis le début c'est pareil ! Pour toi je suis faible ! Je suis qu'une merde qui essaye de jouer les durs alors que... Il essuie ses larmes avec la manche de son pull. Je ne veux plus jamais avoir à revivre ça. Je ne veux plus qu'il t'arrive quoi que ce soit, surtout à cause de moi. Je t'ai promis de ne laisser personne te faire du mal mais j'ai échoué, et je t'en ai moi-même fait... C'est pour cette raison que je ne veux plus que tu continues ta mision. Parce que, putain, j'ai trop peur de te perdre. Tu es... trop précieuse pour moi. Parfois j'aimerai que tu sois qu'à moi, mais je ne le mérite pas, je le sais... Alors je me suis dit qu'en jouant les connards tu accepterais de partir et de ne plus jamais qu'on se voit, parce que c'est le seul moyen pour que tu sois vraiment en sécurité. Je... je...
Je l'écoute bouche bée. La vérité c'est que j'aurai pleuré toutes les larmes de mon corps si je n'avais pas été aussi fascinée par son discours.
Je... je n'arrive pas à croire que San ait réussi à autant s'ouvrir à moi. C'est la première fois que San s'excuse. Je... Non, je n'arrive pas encore à m'en rendre compte, alors je reste là, à le regarder bêtement, sans rien dire. J'aurai continué ainsi s'il n'avait pas repris la parole.
- Pitié, dit quelque chose.
Ses yeux... je ne les ai jamais vu aussi désespérés. Mais il y a autre chose.
Il me regarde avec des yeux... d'amoureux.
Je prends une grande et profonde inspiration avant de lui répondre, le cœur plus léger.
- Et si, pour une fois, c'était moi qui décidait de ce que je vais faire ? Il fronce ses sourcils, alors je continue. Laisse moi être avec vous. Laisse moi m'occuper d'Eunji. Et surtout, laisse moi m'occuper de ton cœur.
- Ce cœur t'appartient depuis longtemps déjà.
- Je le sais, mais ouvre le moi. J'attrape sa main et la porte à mes lèvres pour en embrasser le dos tendrement. Ouvre moi ton cœur San, et en échange je te confie le mien.
- Oh...
Quelques larmes s'échappent encore de ses yeux. San retire doucement sa main de la mienne pour inverser les rôles. Cette fois ci c'est lui qui la porte à ses lèvres pour l'embrasser, avant de la déposer contre sa poitrine, à gauche.
- Je t'aime Hannah. Consume moi, je t'en supplie. Prend tout ce que tu veux de moi. Je... Son regard est de nouveau attiré par la tache rouge qui recouvre désormais une large partie de mon ventre. Oh merde. J'allais t'embrasser mais je crois que je ferais mieux d'aller chercher Bora.
- Embrasse moi d'abord.
J'ignore la douleur de mon abdomen et me redresse sur mes coudes pour capturer violemment ses lèvres. Je n'attends pas qu'il réagisse pour commencer à mouver les miennes, un geste que je rêve de faire depuis bien trop longtemps à mon goût. Quand il se joint enfin, il ne faut pas beaucoup de temps pour que nos langues se rejoignent et rencontre pour la première fois.
San passe une main derrière ma tête et l'autre sur ma joue pour me recoucher sans pour autant mettre fin à notre embrassade. Les miennes trouvent le chemin de ses cheveux doux et de son dos musclés. Mon bassin se rapproche du sien comme un aiment et approfondit notre baiser, juste avant que je me rappelle que perdre autant de sang n'est franchement pas très bon pour la santé. Alors je me détache de mon... copain ? oh mon Dieu, ça sonne tellement bien; à contre coeur.
- Appelle vite Bora, je crois que je vais encore m'évanouir.
San pouffe de rire. J'ai du mal à ne pas l'imiter.
- Cette fois ci je ne perdrai pas mes moyens, si ça peut te rassurer.
Je ferme les yeux, le sourire aux lèvres. Je l'entends hurler le prénom de ma copine, puis plusieurs personnes entrent en trombe dans la chambre. La voix de San, expliquant brièvement ce qu'il s'est passé, devient de moins en moins audible.
Et plus rien.



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Mes stars, pour suivre l'histoire d'amour de MinGi, ça se passe sur mon compte @laurapoteto !
  

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𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Where stories live. Discover now