𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟐

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   Le lendemain matin je me réveilla avec une envie de meurtre.
   Mon nez était bouché et coulait comme le Titanic, c'était selon moi la pire sensation qui pouvait exister juste après l'accouchement. Et je suis très sérieuse ! Je repassais en boucle dans ma tête les avertissements que San m'avait faits la veille, et que je n'avais évidemment pas écouté. Sinon ça n'aurait pas été drôle.
« Tu vas être malade. »
Je lui avais répondu un truc comme « HASSOUL! », mais j'aurai clairement dû l'écouter. Mais est-ce que je vais lui dire qu'il avait raison ? Non, bien sûr que non. Moi ? Avouer mes tords ? Mais pourquoi faire ?
Bref.
Tout ça pour dire que ma gueule du réveil devait être encore plus affreuse qu'en temps normal, notamment à cause du bout de papier toilette que j'avais coincé dans ma narine droite lorsque celle de gauche s'était miraculeusement débouchée. Impossible de trouver des mouchoirs dans cette maison cette nuit, alors j'avais dû faire avec ce que j'avais sous la main.
Lors de ma petite escapade nocturne, j'avais remarqué que le manoir était plongé dans un silence total. Il devait être quatre heure passée, et j'ai été plutôt surprise de constater que San dormais déjà. Je m'étais déjà habituée à le savoir comploter toute la nuit.
Lorsque nous étions partis du lac, la nuit était déjà entièrement tombée et la neige recouvrait tout le paysage. San n'avait pas arrêté de me regarder avec exaspération en me voyant grelotter dans la voiture malgré le chauffage mis à fond. Cela ne m'avait cependant pas empêché de finir ma gaufre ainsi que celle de San par la même occasion, puisque monsieur n'en voulait plus. Enfait, je me demande même s'il en avait voulu tout court. Je pense qu'il en avait prise une juste pour ne pas que je sois la seule à en manger. C'était mignon et étonnant à la fois.
En revenant à la maison je m'étais faite couler un bon bain chaud, puis nous avions manger ensemble des nouilles, pour pas changer. Enfin par « ensemble » je veux dire tous les deux dans la même pièce. San n'avait pas été très bavard, même pas du tout. Et j'étais trop épuisée pour faire la conversation seule, même si en temps normal ça ne me dérangeait pas. Je l'avais remercié pour cette après-midi avant de monter me coucher. San c'était contenté de me regarder partir, ce qui était déjà pas mal.
   En ouvrant les volets manuelles en bois, je remarque que la neige est encore plus présente qu'hier soir à mon coucher. Je me précipite en dehors de ma chambre pour regarder le jardin depuis les grandes verrières du couloir de l'étage, qui lui aussi était couvert d'une épaisse couche de neige. Ça me donna une idée pour plus tard, mais en attendant, il fallait manger !
En arrivant dans la cuisine pour ouvrir le frigo, je ne pus m'empêcher de soupirer en le voyant encore si vide. La vieille patate toujours présente me faisait beaucoup de peine, mais ça ne m'empêcha pas de refermer la porte pour la laisser pourrir là encore un peu. J'attrape ensuite les céréales pour les renverser dans le bol AVANT d'y mettre le lait, puis pars m'installer sur le canapé pour le déguster devant une série. Il est déjà onze heure, j'ai encore un moment devant moi avant que San ne se réveille.

   Moi qui a la base était presque entrain de me rendormir devant la télé, me voilà à présent dans le jardin entrain de chanter les musiques que diffusaient mon téléphone dans la poche de ma doudoune. Je tapais mon meilleur concert tout en fabriquant un bonhomme de neige, mais cette fois ci équipée contre le froid ! J'avais fini le corps de mon bonhomme, maintenant il me restait plus qu'à peaufiner les détails. Comme c'était un bonhomme de neige made in Hannah, il ne fallait évidemment pas s'attendre à en voir un tout à fait normal. Le mien avait des formes la où il fallait, c'est-à-dire un énorme parchoque et du monde au balcon. Mais pour montrer qu'il s'agissait bien d'un homme, je devais encore façonner son visage pour lui donner une mâchoire bien marquée et un menton pointu. Je suis certaine qu'il les fera toute tomber. Quand j'eus fini, je le trouva par-fait. Je lui avais trouvé le nom de Carlo, Carlo Tentacule pour les intimes et fans de Bob l'Eponge. D'ailleurs, j'avais enfin pu donner un but à la vie de cette pauvre patate qui traînait au fond du frigo: elle faisait office de nez ! Car gros nez, grosse b-
   - Qu'est-ce que tu fais ?
Je me tourne en direction de la bâtisse du manoir pour y voir San à l'étage, penché au dessus d'une fenêtre. Il fumait une cigarette déjà bien entamée, ce qui m'indiquait qu'il était entrain de me regarder depuis un moment déjà. Mais avec la musique, je ne l'avais même pas remarqué.
   - Un bonhomme de neige, ça se voit pas ?
   - Pourquoi il ressemble à... ça ?
   - Quoi ? T'aimes pas les gens différents ?
San ne répond rien et se contente de toujours me fixer. J'ai l'impression qu'il prenait un malin plaisir à me regarder de haut.
Je le fixais moi aussi, puis me mis à rire en remarquant que la scène pouvait être digne d'un dessin animé de princes et de princesses. Du style, le beau prince qui vient distraire sa princesse coincée dans une tour à cause de sa méchante marâtre. Imaginer San en petite princesse était terriblement drôle.
   - Quoi ? Fait-il les sourcils froncer en me voyant rire toute seule.
J'allais lui répondre par une bêtise, mais le refrain de la musique qui passa me poussa à chanter et danser.
   - Oh i'm curious yeah ! Mon corps mime la chorégraphie.
   - On dirait une clocharde qui danse contre un peu de sous. Ça m'a coupée l'envie de finir ma cigarette.
Il balance sa cigarette qui atterrit, volontairement j'imagine, en plein milieu d'un cendrier posé à même le sol. Puis San referme la fenêtre avant d'apparaître une minute plus tard dans la cuisine.
Il visait bien, et je ne pus m'empêcher de l'imaginer viser au milieu de deux yeux avec une arme à feux. Cette vision là me fit frissonner légèrement, à moins que ce soit à cause du froid, je ne sais pas.
San avait déjà tué, c'était certain. Et a trop sympathiser avec lui, j'avais presque fini par oublié que ce mec était capable de pleins de choses horribles. Capable de trop de choses horribles. Un monde bien différent du mien. Mais je ne pouvais pas faire la choquée, je le sais depuis le début. Et pourtant ça ne m'a jamais empêcher de parler et rire avec lui sans y prêter particulièrement attention.
L'idée qu'il puisse me faire du mal traverse soudainement mon esprit.
Non Hannah, il a besoin de toi alors il ne peux pas le faire, même s'il le voulait.
Rappelle toi ce qu'a dit Hong-Joong.
San t'aime bien.
San t'aime bien.
San t'aime... bien.
Ouais, San m'aimait bien. Il l'avait même dit la première fois que l'on s'est vu, juste après que lui avoir prouver que j'étais bien celle qu'il lui fallait pour sa mission. Le chef du cartel le plus dangereux de Corée du Sud m'appréciait.
Putin...
Je me rends compte seulement maintenant que je suis moi aussi entrée dans son monde, et qu'en ressortir ne me sera jamais possible. Je serais toujours en lien avec, je resterai à jamais la meuf qui a aidé Pirateez à retrouver sa grandeur passée. Celle en qui San a posé tous ses espoirs. Moi, une inconnue.
Putin...
Je le sais depuis le départ, tout ça, mais pourquoi ça me frappe comme une évidence d'un coup ? Pourquoi c'est maintenant que je me rends compte que je ne serais plus jamais une femme banale ? Si j'arrive à mener ma mission à bien, tous Pirateez saura qui je suis et ce que j'ai fait. Même les autres cartels le sauront. Parmi eux, certains auraient forcément de mauvaises intentions. En fait, je serais en danger même après ma mission, et je devrais toujours compter sur l'aide de San pour être protéger.
Oh, putin...
   - Je t'avais bien dit que tu allais être malade. Commence San depuis la porte de la cuisine qui donne sur le jardin, un bol de céréale dans les mains.Ton visage est tout pâle.
   - Je serais liée à vous toute ma vie, pas vrai ? Liée à toi.
Son visage affiche une mine neutre, comme s'il ne voulait pas m'effrayer. Doucement, il hoche positivement la tête. Alors quelque chose en moi se brise. Pas quelque chose d'important, mais quelque chose de suffisamment important pour que je remette mon choix en question.
Tout ça, c'est la faute d'Hong-Joong.
Non, ne rejette pas la faute sur les autres.
Les sensations, le danger, Hannah.
   - Oh, tu ne le savais pas. Constate-t-il.
Sa voix était presque douce, réconfortante. Mon regard se perdit un instant dans les reflets de la neige, puis se redirige vers lui.
   - C'est bête, n'est-ce pas ? Arrive-je seulement à dire.
   - Non, la plus part s'en rende compte des années après. Mais tu verras, tu t'habitueras vite à mon monde.
M'habituer à son monde...
   - On t'a déjà dit que tu était mauvais pour réconforter les autres ?
San hausse ses épaules sans rien ajouter. De mon côté, je ferme les yeux puis prends une grande inspiration pour expirer petit à petit. La différence de température entre ma bouche et dehors fait apparaître un petit nuage de buée blanche devant moi. Je sens toujours le regard de San posé sur moi, et le croise directement lorsque je réouvre les yeux.
   - San, tu peux me faire une promesse ?
   - Je ne fais jamais de promesse. Mais dit toujours.
Je m'approche de lui, toujours en le fixant.
   - Je voudrais que tu me promettes de toujours veiller sur moi. Je veux pouvoir avoir confiance en toi. Je veux savoir que, s'il m'arrive quoi que ce soit, San m'aidera.
Mon ton était sérieux, car le sujet dont je parlais l'était encore plus. Ça me tenait à cœur de savoir si, oui ou non, je pouvais me rattacher à lui dans les moments où je ne serais plus en sécurité.
   - Hong-Joong te l'a déjà dit, du temps que tu travailleras pour moi nous te protègerons, surtout moi. Mais mis à part ça, je ne protège que les membres de mon cartel.
   - Donc une fois que ma mission sera finie, je serais livrée à moi même ? Même après vous avoir aider ?
   - Pirateez aura toujours une dette envers toi pour l'aide que tu nous auras apporter. Mais nous ne pourrons jamais te protéger toute ta vie et dans ton quotidien. Sauf si...
Il ne finit pas sa phrase, mais j'ai la termine pour lui.
   - Sauf si je deviens un membre de Pirateez.
   - Je ne suis pas pour, mais pas contre non plus.
Et moi je trouve ça totalement inimaginable...
Quand j'arrive près de lui, San semble refuser de me regarder. Sûrement à cause de notre sujet de conversation. À la place, il fixe Carlo.
   - Je mourrerai sûrement au premier fou venu. Fais-je en riant ironiquement. Je finirai vieille aux lapins, cloîtrée chez moi.
   - C'est pas des chats normalement ?
   - Si, mais j'y suis allergique et j'ai grandi avec des lapins.
San ne répond rien, puis reprend la parole quelques secondes plus tard.
   - Tu ne seras pas livrée à toi-même. Pirateez ne pourra pas t'aider, mais les garçons, en tant qu'amis, veillerons sur toi sans que tu aies besoin de le demander.
   - Et toi ?
   - Je...
Au même moment son téléphone vibra plusieurs fois dans sa poche, le notifiant d'un appel. San décrocha immédiatement sans même prendre le temps de voir qui l'appelait, comme s'il sautait sur l'occasion de fuir ma question. De mon côté, je soupira silencieusement en me dirigeant vers l'intérieur pour me poser dans le salon, déjà prête à lâcher l'affaire pour qu'il me réponde. Mais en passant à côté de lui, San fit une action qui, selon moi, voulait tout dire.
Il ébouriffa mes cheveux, le visage neutre et le regard faussement perdu dans la neige. Je crois plutôt qu'il se forçait à ne pas me regarder pour se donner un petit air indifférent, bien que son geste prouvait l'inverse.
En temps normal je me serais plaint de cette action. Mais comme il s'agissait de San, je la trouvais surtout adorable. Il savait définitivement l'être, à sa manière.
Sa main quitta mes cheveux lorsque je m'éloigna pour entrer dans la maison, un large sourire collé aux lèvres.

𝐖𝐡𝐞𝐧 𝐭𝐡𝐞 𝐍𝐢𝐠𝐡𝐭 𝐅𝐚𝐥𝐥 - 𝐂𝐡𝐨𝐢 𝐒𝐚𝐧Où les histoires vivent. Découvrez maintenant