Water & Flower [YoonMin - TaeKook]

✤ 47 ✤

Debout dans le bureau de Sa Majesté, Namjoon attendait que Son Altesse se décide à parler. Il avait été mandé quelques instants plus tôt et s'était empressé de se présenter devant le souverain toutes affaires cessantes. Cependant depuis de longues minutes, le Prince n'avait pas articulé un mot.

Néanmoins le sénateur le connaissait assez bien à présent que pour savoir qu'il ne devait en aucun cas le presser. Sa Majesté réfléchissait et il suffisait d'attendre qu'elle ait terminé de mettre ses pensées en ordre.

— Je n'ai confiance qu'en toi.

Namjoon se raidit légèrement.

— C'est un grand honneur, Votre Majesté, répondit-il en s'inclinant à quatre-vingt-dix degrés.

— Ce n'est pas anodin. Tu as mérité cette confiance. De plus, tu es le seul ici à ne pas provenir de ce terreau de corruption et de faux-semblants. Tous ces sénateurs... ils ne voient que leurs petites personnes, leurs intérêts...

Namjoon ne répondit pas. Il attendait. Sa Majesté avait commencé à dérouler le ruban de ses réflexions, lui en donnant un bout entre les doigts afin qu'il puisse le suivre tel un promeneur dans un labyrinthe. C'était ainsi qu'il voyait l'esprit du souverain. Un dédale dont seul le possesseur en comprenait le fonctionnement, toute autre personne devait s'accrocher aux fils lancés çà et là pour pouvoir suivre ses réflexions. 

Namjoon admirait cet esprit vif, parfois brouillon qui avait réussi à faire emprunter à toute une nation la voie de la modernité, aussi bien en terme d'avancée technologique que de pensée. Certes, à chaque nouvelle séance au Sénat, les opposants aux réformes étaient de plus en plus violents dans leurs propos et leur attitude. Cependant cela n'entravait pas la marche inexorable du changement.

Contrairement à ce que se plaisaient à dire les vieux conservateurs, Namjoon n'était pas un anarchiste. Il ne voulait pas la fin des traditions ou la perte de leur héritage culturel. Au contraire, il souhaitait que leur pays et sa singularité rayonnent au-delà de leurs frontières, que les Arts de sa nation soient reconnus et admirés. Il voulait encourager les esprits créatifs, instaurer des écoles d'artisanat traditionnel, tout cela faisait partie de ses projets. Tout ce qu'il souhaitait, c'était que la société et son fonctionnement se défassent de ce carcan si rigide dans lequel elle se trouvait engoncée depuis bien trop de siècles. Le jeune sénateur n'avait jamais osé rêver ce qui était en train d'advenir sous ses yeux avec lui, grâce à lui.

Le Prince avait vu en sa personne l'étincelle qu'il lui manquait pour mettre en place ses idées. Il fallait quelqu'un d'extérieur à la maison royale, quelqu'un qui fédérerait les progressistes du Sénat, qui amènerait un vent de fraîcheur entre ces vieux murs pour faire avancer le pays dans la direction qu'il souhaitait. Et cette étincelle, ça avait été Kim Namjoon, prodige du peuple. 

C'était ainsi que les classes populaires l'appelaient. 

Un soir en rentrant chez lui après une journée au Sénat, Namjoon avait souhaité descendre de voiture et se promener dans les rues comme il le faisait à l'époque où il n'était encore qu'un visage anonyme parmi tant d'autres.

Au détour d'un carrefour il avait été abordé par quelques jeunes gens. Les deux gardes qui devaient assurer sa protection avaient tentés de s'interposer mais le jeune sénateur leur avait demandé de rester en retrait et de le laisser converser avec eux. Il ne voulait en aucun cas devenir un de ces hommes politiques inaccessible et complètement déconnecté de la réalité du peuple. C'est à l'occasion de cette rencontre qu'il avait appris le surnom qu'on lui avait donné: "Prodige du Peuple". En un sens, c'était flatteur mais également terriblement intimidant. Le jeune homme avait la sensation que certaines personnes comptaient sur lui pour régler tous leurs problèmes... Or il savait parfaitement que certaines choses échapperaient toujours à son contrôle. Il pouvait échouer, être battu par les conservateurs ou simplement que ses idées n'aboutissent pas à cause d'un détail qu'il n'avait pas pris en compte. C'était possible, après tout, il n'était pas infaillible.