Chapitre 3

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Au réveil, la première chose que je fais est de vérifier mes mails ; rien. Je demande conseil à Aly qui passe justement dans le couloir, regagnant sa chambre après son petit-déjeuner.

« Je ne sais pas, soupire-t-elle. J'ai réfléchi cette nuit et je ne sais pas si à nous deux, fourmis parmi les fourmis, on pourra faire quoi que ce soit pour rétablir tes droits d'auteur. Je suis désolée Charlie. »

Non c'est pas possible, ça ne lui ressemble pas d'abandonner ; je suis sûre que c'est en partie parce qu'elle ne peut pas admettre que les BTS aient fait ça ! Peu importe, je ne me laisserai pas faire !

« Je me moque de devoir les harceler, leur envoyer un mail par jour jusqu'à ma mort, prévenir des gens qui ne me croiront pas, me ridiculiser sur internet et dans les médias en clamant que je dis la vérité : tôt ou tard, ils devront reconnaître que c'est moi qui ai raison ! »

Je sers les poings et la mâchoire, révoltée à l'idée d'abandonner. Ce n'est pas Aly, ce n'est pas moi ; nous n'abandonnons pas, nous sommes horriblement têtues, c'est ce qui fait que nous avons toujours réussi ce que nous avons entrepris, quittes à en agacer certains. Je me rappelle à quel point mes parents ont ri quand je leur ai dit que j'apprendrais seule à jouer à la fois de la guitare et du piano. Aujourd'hui ils m'écoutent en se rappelant avec nostalgie d'eux à mon âge. Alors je me fous qu'Aly ne me suive plus, moi je continue !

Ma sœur me sourit.

« Renvoyons un mail. »

J'acquiesce : ça c'est ma petite sœur ! Je retourne sur ma boîte mail et, après le copier-coller du texte que je leur ai envoyé la veille, j'ajoute que je ne compte pas enterrer l'affaire et que j'espère bien avoir gain de cause. Je n'abandonnerai pas, je veux qu'on reconnaisse mes droits sur ces mots. Le mail envoyé, Aly doit partir.

En vérité, je me moque un peu de l'argent que ça pourrait me rapporter d'être l'auteure de cette chanson. Je sais que la somme doit être assez élevée, peut-être de l'ordre de plusieurs centaines ou milliers d'euros même, mais je n'ai pas besoin de ça, je suis simplement blessée qu'on ait piétiné ainsi mes sentiments, considérant qu'on pouvait s'approprier l'œuvre de quelqu'un d'autre. Je pense même que si on m'avait simplement gentiment demandé, j'aurais accepté de céder tous mes droits à la seule condition que mon nom apparaisse quelque part dans le clip ou sur l'album, histoire de dire que j'existe et que j'ai participé à ça. Me faire remarquer, c'est pas mon truc, mais il y a quand même un minimum de respect à avoir avec ce genre de choses.

Étonnamment, c'est à peine une heure ou deux plus tard que je reçois une réponse. J'hésite quelques instants avant d'ouvrir le mail, une boule d'appréhension se formant dans mon ventre. Ça me fait mal de menacer de poursuites judiciaires le label des BTS chéris d'Aly. Et puis, comme elle l'a dit : ils écrivent leurs chansons eux-mêmes, alors comment la mienne a pu se retrouver là ? Est-ce que ce sont eux qui m'ont joué ce sale tour ? Non, même par le plus grand des hasards, ils n'auraient pas pu tomber sur mon blog. Je suis sûre qu'ils ne savent pas ce qu'ils ont fait, du moins je l'espère ; je les considère comme des garçons biens, ça me ferait mal – surtout pour Aly – de découvrir que ce n'est pas le cas. Je n'arrête pas de tourner ces questions dans mon esprit mais je ne peux pas trouver de réponses cohérentes, c'est tout simplement affreux. Tout en moi veut savoir ce que contient ce mail. Je l'ouvre finalement après avoir envoyé un message à Aly pour la prévenir que j'ai déjà une réponse. Je lis attentivement ce qui est écrit : mon interlocuteur explique qu'il s'agit d'un malentendu, que le producteur ignorait qu'il s'agissait d'un texte qui n'était pas libre et qu'il pensait que la mélodie avait été composée par le groupe (ce qui n'est pas faux puisque ma mélodie d'origine, si elle reprend à peu près les mêmes notes, avait un rythme et des sonorités très différentes). On me propose une très importante somme d'argent en dédommagement, en échange de mon silence à propos de cette histoire. Au mail est joint un contrat qui confirme le paiement si je ne dis rien à personne de cette affaire. Je risque des poursuites si j'accepte et viole ensuite ce papier. Le document est déjà signé par le label ; je l'imprime, hésite à signer, y renonce.

SongwriterWhere stories live. Discover now