Chapitre 7

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Emy  

Après son départ, je passe tout de suite mes mains sur ma gorge prise en otage quelques minutes plus tôt. J’ai le cœur en tachycardie tellement j’ai eu peur. Isaac capable de tuer ? Honnêtement, j’en sais rien et je ne souhaite pas le découvrir, encore moins au détriment de ma vie. Mais la haine qu’il porte à mon égard que j’ai vu dans son regard m’a filé la chair de poule. Un regard aussi noir que le charbon qui m’a coupé le souffle. Autant au sens propre qu’au figuré. Putain mais c’est quoi son problème ? 
Ça fait deux mois que je vis désormais dans la chaleur étouffante de Los Angeles. Deux mois que j’évite mon colocataire forcé. Deux mois que je n’avais pas décroché le moindre mot juste avant cette confrontation imprévue. Deux mois que je crève en silence. Deux putain de mois que le silence de mes parents me cave. Deux mois où je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Une loque. Je mange peu voire pas du tout. Je ne sors pas, je reste enfermé dans la chambre à dormir. Je vois rarement la lumière du jour et si jusqu’ici je n’avais pas d’ennuis avec le fils des Jones, aujourd’hui, il semble à bout de patience. Mais pourquoi ? Ce n’était pas comme si ma présence lui importait. Il me méprise, me hait alors pourquoi cette violence brusque et soudaine ? Pourquoi vouloir tout à coup que je sorte de cette pièce maudite ? Isaac est déconcertant. Mais une chose est sûre : ses menaces sont plus que sérieuses et si à mon grand étonnement je lui ai répondu et me suis rebellée contre lui, je ne tenterai pas le diable pour autant. Parce que Isaac est le Diable en personne. 

Groggy par toutes ses heures de sommeil non-stop, je bouge comme une larve du lit et à pas lent de limace, me glisse dans la salle de bains adjacente à la chambre que j’occupe depuis. Etant donné que mon temps est compté, je passe rapidement sous la douche et en ressort cinq minutes plus tard. Si si, j' vous assure, se doucher en cinq minutes quand on a une épée de Damoclès au-dessus de sa tête est tout à fait faisable ! Je snobe mon reflet dans le miroir, peu motivée de voir à quoi je ressemble depuis tout ce temps. Enroulé dans une serviette de bain blanche, j'ai néanmoins le temps de regarder mon téléphone avec encore l’espoir débile de voir une réponse aux nombreux messages que j’ai laissé à papa et maman. 
Toujours rien. 
Rien qu’avec ce triste constat, j’ai de nouveau l’envie de me rouler en boule au fond de mon lit. Pourquoi ils ne me répondent pas à la fin ? 
Amère et le coeur un peu plus broyé, j’abandonne mon portable et m’habille simplement de vêtements foncés : un jean noir, un sweat noir avec écris « Fuck » en blanc dessus. Quand je l’avais acheté au magasin, il m’avait de suite plu mais je n’avais pas encore trouvé l’occasion de pouvoir l’arborer. Maintenant, la voici. 
Je secoue la tête de chaque côté pour laisser retomber mes boucles rousses, ayant abandonné depuis longtemps l’option de les dompter. Mes cheveux n’en ont toujours fait qu’à leur tête. Je passe cependant un léger coup de brosse puis les secoue une nouvelle fois avant de sortir de la chambre depuis longtemps en deux mois. 

***

Le jour de mon arrivée dans la villa des Jones, je n’ai pas pris l’occasion de la détailler, bien trop triste par mon départ forcé. Maintenant, on va dire que je n’ai que ça à faire. Mes yeux parcourent les différentes surfaces. Presque tout est brillant ici. Le blanc des murs est étincelant, celui du sol également. Je dois bien admettre que je suis émerveillé devant tant de beauté dont je n’aurai sûrement jamais eu la chance de voir ça un jour. Mais je n’oublie pas que mon temps est compté. Ayant aucunement l’envie d’une seconde confrontation musclée avec Isaac Jones, je me presse jusqu’à l’escalier marbré lumineux et de sa rampe dorée. Ça pue le luxe en fait. Je descends les marches de ce dernier et arrivé au rez-de-chaussé découvre que là aussi, rien n’est laissé au hasard. C’est joli mais dépourvu de personnalité. Je m’oriente vers la cuisine et découvre celle-ci tout aussi lumineuse que les pièces précédentes ainsi que le reste de la villa. Un plan en marbré, des carrelages noirs, vu la brillance éclatante et la propreté de cette baraque de riche, aucun doute que les Jones embauchent du personnel. 
― Tiens mais regardez qui daigne enfin se montrer ! 
― J’ai pas eu le choix, grogné-je face à sa raillerie qui me hérisse. 
― Effectivement, sourit Isaac, satisfait. 
Je réprime de lever les yeux au ciel. 
― Bon, maintenant que je suis là, je suis censé faire quoi ? ironisé-je. 
Isaac fait glisser dans ma direction une assiette remplie, dont je prends connaissance que maintenant. 
― T’installer et manger peut-être, répond-t-il sur le même ton. 
― J’ai pas faim. 
― Ce n’était pas une question, Smith. 
Je croise les bras contre ma poitrine, ce qui suit du regard et à la vue du mot sur mon sweat, un lent sourire presque amusé ourle ses lèvres. 
― Très subtil, ricane-t-il. 
J’ignore sa remarque et ne me démonte pas. 
― Je n’ai Pas. Faim, répéte-je en accentuant sur les derniers mots. 
Son espèce de sourire ainsi que son air amusé se fanent aussitôt. 
― Menteuse, fit-il en plissant les yeux. Maintenant, tu poses ton cul sur cette chaise, Emy. Je ne me répéterai pas. 
― C’est un tabouret, corrigé-je en levant un sourcil. 
Bordel mais à quoi je joue ? 
Isaac respire lourdement comme s’il essayait de se contenir face à ma soudaine insolence. Insolence dont je ne me connaissais pas d’ailleurs.
― Joue pas à ça, Smith, siffle mon coloc. 
Sous son regard aussi noir, je tréssaille. Mon cœur commence à cogner plus rapidement dans ma poitrine et j’opte finalement pour m’asseoir bien docilement sur le tabouret qui m’est désigné. Seulement, je ne touche pas à l’assiette. Ce qui ne lui échappe pas, bien évidemment. 
― Mange, grogne-t-il. 
Je secoue la tête. 
― Ça n’a pas changé en deux minutes, tu sais. Je n’ai toujours pas faim. 
― Bordel Emy ! explose-t-il me faisant sursauter sur mon siège. 
J’écarquille les yeux face à l’air totalement furax qu’il arbore. Une aura dangereuse émane de lui et je meurs d’envie de fuir. Ce que je fais sans même m’en rendre compte. Mais pas de chance pour moi, je suis stoppée dans ma fuite par un Isaac Jones complètement en pétard et terrifiant, me faisant trembler de la tête aux pieds. 
― Toi, tu vas nulle part, me retient-t-il. 
Sa poigne autour de mon bras me fait mal mais je suis incapable d’ouvrir la bouche pour lui signaler. Mon coeur pompe comme un dingue en moi et je suis sûre que je ne vais pas tarder à frôler la crise cardiaque. 
D’un geste brusque, je suis de nouveau assise sur le tabouret avec en prime, lui au-dessus de moi, menaçant. Ses deux billes noires qui me fusillent du regard me file la chair de poule. Je n’ose même plus respirer, de peur de l’énerver un peu plus. 
― Putain, pourquoi tu ne peux pas simplement obéir ? gronde-t-il. Pourquoi faut-il toujours que tu me provoques ? Tu cherches quoi, Emy ? A m’énerver ? Réponds, bordel ! 
Je sursaute une nouvelle fois, la respiration hachée. J’ai la gorge tellement nouée par la peur que je suis incapable de répondre. Néanmoins, j’essaie de me forcer pour essayer au moins d’apaiser ses foudres sur moi. Bordel de merde, il est terrifiant.
― Je… Non, balbutiai-je. 
Isaac doit s’apercevoir que je suis carrément tremblante de peur face à lui car il recule de quelques pas en tentant de se calmer. Pourquoi a-t-il fallu que je loge chez le mec le plus impulsif de la terre ? 
― Merde, marmonne-t-il en farfouillant dans ses cheveux désordonnés. 
Pétrifiée, je n’ose pas esquisser le moindre mouvement. 
― Respire, soupire Isaac. Je ne vais pas te découper en morceaux, grogne-t-il.
Sa tentative d’humour tombe à l’eau et je le fixe toujours, sonnée par ses brusques changements d’humeurs. 
Il exerce un pas à nouveau vers moi et j’exerce un mouvement de recul, que je ne peux retenir. Mon coloc se fige instantanément en soupirant. 
― Fais chier, marmonne-t-il pour lui-même. 
Puis sans prévenir, il tourne les talons et s’éloigne de la cuisine et par conséquent de moi. Une minute après, j’entends la porte de la villa claquer et je retrouve peu à peu mon souffle, massant mon bras endolori, encore abasourdie par ce qu’il vient de se passer. 
J’ignore pour combien de temps il est parti mais je profite de ce temps de répit pour me forcer à manger, restant malgré moi sur le qui-vive, prête à détaler s’il jamais il revient. 
Les spaghettis bolognaises cuisinés par le/la cuisinier/ère sont délicieux. Dommage que je sois bien trop stressé du retour du fils des Jones pour les savourer.

I Hate My Crush (TERMINÉE)Where stories live. Discover now