Contrat Entre Mafieux

34- découverte

Quelques heures plus tard, nous sommes chez les Jimenez.

À cette heure tardive, les membres de cette famille sont au lit, seule moi qui suis encore debout.

Pour une bonne raison.

Je dépose ce magazine à la con sur la table basse et à pas de loup, je me dirige vers l'étage.

Le frère de Ruben me turbine l'esprit, j'ai vraiment besoin de savoir ce qu'il s'est passé avant que je n'arrive ici. Cela ne me concernera pas et n'avancera pas notre problème par rapport au serpent, mais c'est pour calmer ma curiosité.

Ava m'a un jour désigné la chambre du frère de Ruben et m'a conseillé de ne pas y foutre un pied dedans. Pourquoi ? Y-a-t-il quelque chose de dangereux derrière cette porte ?

Je m'arrête devant celle-ci et tends l'oreille dans le couloir. Tout le monde semble dormir et Ruben aussi.

Je commence à stresser. Je n'ai pas le droit de ce que je suis en train de faire actuellement et honnêtement, j'aime ça.

Lentement, j'appuie sur la poignée et la porte s'ouvre silencieusement. J'entre à l'intérieur tel un vampire et referme la porte derrière moi. Je reste figée pendant quelques secondes avant de prendre mon téléphone et allumer le flash. Il est préférable de ne pas y allumer la lumière, si une personne passe près de la porte, elle apercevrait la lumière sous la porte.

Une odeur de poussière me monte au nez et l'envie d'éternuer me vient. Je cligne plusieurs fois les yeux et mes pas m'emmènent vers une commode où sont disposés des cadres photos. Enfin, les mêmes cadres photos qu'il y a dans le hall, rien d'étonnant.

Il y a un homme aux cheveux châtains et une blonde qui doit probablement être sa femme.

Une autre photo m'attire le regard et c'est toujours le même couple mais plus jeune je dirai. Je ne peux nier la beauté de la fille, elle est vraiment splendide et son copain, il est vraiment séduisant.

Pourtant, je sais que Ruben m'a donné le nom de son grand frère, mais je ne m'en rappelle plus du tout.

Je dépose la photo sur le meuble et balaye la pièce. C'est vraiment une chambre rangée, dommage qu'elle ne soit pas aérée.

Je pars vers le lit, mais en marchant mon pied se pose sur une planche qui grince. Une planche qui grince ? Hmm.

Je reviens sur mes pas et fixe le plancher. Je m'agenouille et cogne mon poing contre le plancher et j'ai de plus en plus cette impression qu'il y a quelque chose derrière. Mais en analysant bien la planche, il me faudrait un outil pour la déboîter, je ne pense pas que la force de mes mains soient suffisantes.

Une chose est sûre, je trouverai ce qu'il y a derrière cette planche.

**

— Donc, jeudi soir on ira dans ce quartier défavorisé. Selon Timéo et les hommes qui travaillent pour lui, le jeudi c'est plus calme, on aura moins de chance de se faire attraper, m'annonce Jayleen en m'emmenant jusqu'au salon.

Nous venons tout juste de sortir du bureau de son père. Nous avons officialisé, si je puisse dire, notre prochaine escapade suicidaire. Je ne le sens pas trop pour jeudi soir, vraiment. Tout ça pourquoi ? Pour savoir si vraiment la planque de cette pétasse.

— D'accord, mais par contre on ne restera pas trop longtemps, lui dis-je.

— Pourquoi ? me demande-t-elle avec un sourire complice. Tu as un rendez-vous ?

Je roule les yeux.

— Non, c'est juste qu'il y a une telenovelas qui passe à vingt-deux heures et je n'ai pas envie de le rater. Du moins, je le visionne avec Ava.

Jayleen rit et mes pas s'arrêtent brusquement devant un immense cadre photo accroché au mur.

— Moi, j'ai un rendez-vous et je dois choisir quel vêtement mettre---

— Jayleen, tu la connais ? demandé-je subitement en pointant du doigt le portrait.

C'est la blonde. La femme du frère de Ruben.

Comment ça se fait qu'ils ont une photo d'elle ? Et comment ça se fait que je la vois qu'aujourd'hui ? Pourtant, j'emprunte toujours ce couloir pour aller au chiotte.

Jayleen s'accoste à côté de moi et pousse un soupir.

— C'est ma grande sœur, Catalina, et la femme de Théo, le grand frère de Ruben. Elle fait sa sainte sur les photos, mais en vrai, c'est une pétasse. Encore, le mot « pétasse » est trop gentil, m'annonce-t-elle en riant légèrement. Elle est morte.

— Morte ?! gueulé-je, subitement.

De suite, je m'étouffe dans ma salive et Jayleen tapote sur mon dos.

— Je déconne, plaisante-t-elle en ancrant son regard azur dans le mien. Elle vit actuellement aux États-Unis sous une nouvelle identité avec sa famille. Ils étaient obligés de quitter le Mexique depuis une mission qui leur a coûté leur vie.

J'ai le cœur qui commence à prendre une allure anormale. J'ai cette forte impression que je vais obtenir mes réponses par rapport à mes investigations.

— Tu peux m'expliquer plus sur cette mission ?

Elle m'observe longuement et hoche la tête avant de me faire signe de la suivre. Nous arrivons dans le jardin où sa fille joue avec un de ses oncles. La Mexicaine s'adosse contre un arbre et je me contente de me tenir droite à côté d'elle.

— Y'avait un gars, Bellamy Black a ruiné notre famille, mais aussi celle de Ruben. Il a brûlé notre maison d'enfance, la maison où nous avons tout construit et Catalina tenait  beaucoup à cette maison. Le jour où cette maison fût en feu, j'étais prise au piège et Bellamy me tenait en otage, me raconte-t-elle d'une voix nostalgique. Catalina m'a sauvée et Bellamy s'est retrouvé à l'hôpital. Ma sœur s'est ensuite vengée et lui donnant une drogue assez puissante pour le rendre fou pendant des années. Puis, Théo et elle ont parti au Los Angeles.

Elle garde le silence et je profite de ce moment pour assimiler les informations et emboîter les pièces du puzzle. Donc la famille de Jayleen et Ruben ont toujours été proche, ce qui explique d'ailleurs la relation entre Jayleen et Ruben. Et de plus, c'est un gars qui les a forcé à quitter le pays, intéressant.

Je passe une main dans mes cheveux, les sourcils froncés. Il me manque encore des informations pour comprendre l'histoire.

— Mais les années passent et ils reviennent au Mexique, et bizarrement ce Bellamy aussi. C'était un soir, on a organisé nos plans pour l'exterminer une fois de plus, et on a réussi cette mission. Mais Bellamy avait une longueur d'avance sur nous. Ce connard a donné des preuves à la DEA sur Théo et Catalina comme quoi ils ont ôté des vies, continue-t-elle en se redressant. Théo a eu des séquelles sur cette soirée-là, alors ma mère a fait le choix de déclarer la mort de Théo et celle de Catalina, mais en vrai elle les a donné une nouvelle chance de vivre leur vie, cette fois-ci loin de nous.

Tout s'éclaircit. Jayleen vient tout juste d'apaiser mon esprit. J'ai cru au départ, ils ont changé leur identité par plaisir, mais non, ils ont été imposés depuis tout le début. Je n'ose imaginer la souffrance qu'ils ont dû ressentir.

Jayleen part récupérer sa fille et je la suis avec une dernière question.

— Mais du coup, qui a tué ce Bellamy ?

Elle prend dans ses bras sa fille et échange un regard avec son grand frère avant de le reporter sur moi.

— C'est moi qui ai tué Bellamy, ce jour-là, annonce-t-elle telle une bombe.