Chapitre 2 : Michael

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Octave me dit de fermer les yeux au moment où nous arrivons dans une petite pièce circulaire encore creusée avec négligence, et je m'exécute. Il me fait avancer en guidant mes pas et m'ordonne d'ouvrir à nouveau mes paupières une fois que nous sommes au centre de la cavité souterraine.

Ce que je vois me fait lâcher une exclamation de surprise. Devant moi se tient une moto, adossée contre une paroi, brillante, neuve et éblouissante.

- Comment as-tu eu ça ? demandé-je à mon ami.

- Tu te rends pas compte de tout l'argent qu'on a récolté la dernière fois, on roulait sur l'or, alors on a pu acheter plein de choses !

Je m'esclaffe :

- Et toi tu as réclamé un scooter.

- C'est pratique pour un messager, non ? D'ailleurs, l'autre fois je suis parti en douce dans le troisième état et j'ai donné un peu d'argent à ta mère.

Le troisième état se trouve dans le nord, là où se situait anciennement la Bretagne. Les côtes ensoleillés à l'eau émeraude sont devenues des plages surveillées par des centaines de soldats armés jusqu'aux dents et qui craignent une attaque extérieure, le ciel bleu est devenu gris, et la peur règne parmi les habitants, et ma mère est restée là-bas.

- Merci mec.

Dans notre organisation, nous avons chacun un rôle. Messager, espion, tireur, médecin ou ouvrier. Moi je suis espion. Un des plus discret et efficace, d'après mon mentor, une femme forte qui n'a ni froid aux yeux, ni sa langue dans sa poche. Octave est messager, et je lui ai demandé de prendre un peu d'argent sur mon salaire pour l'amener à ma mère de temps en temps. Je sais que je peux lui faire confiance, il est rapide, loyal, et il est mon ami depuis longtemps. Le salaire est néanmoins le même pour tout le monde. Si la mission est une réussite, alors l'argent coule à flot et est reparti en parts égales. Sinon, nous devons serrer la ceinture jusqu'à la prochaine. Je n'ai jamais manqué de rien jusqu'à présent. Mes différentes maisons me plaisent, mes missions sont souvent un succès et j'en suis gratifié.

Octave me donne une petite tape dans l'épaule tandis que je n'arrive pas à décrocher mon regard du merveilleux véhicule.

- Donc à propos de la moto, poursuit-il, je me suis dit qu'on pourrait se la prêter de temps en temps pour venir au boulot, mais quand j'en aurais besoin pour une mission, bien sûr, elle ne sera plus à toi.

Je me tourne brusquement vers lui avec de grands yeux écarquillés :

- Tu me la donnerais ?

- De temps en temps, me corrige-t-il, ça t'évitera d'être tout le temps en retard.

Je suis bouleversé. Le luxe de posséder un tel objet ne m'a jamais été accordé depuis ma naissance, et recevoir un tel cadeau n'est pas dans mes habitudes.

- Et comment tu comptes la faire sortir d'ici ? lui demandé-je en riant.

- Comme on l'a rentrée, par le plafond.

Il me désigne un petit point lumineux au dessus de nos têtes qui m'indique que le sol ne doit pas être très solide à cet endroit, et qu'il suffira d'attendre la nuit pour remonter le scooter par là. En espérant qu'aucun sans-abris ne passe au travers en attendant. J'hoche la tête et j'entends alors quelqu'un hurler mon prénom. Je fais volte-face et Octave me pousse en avant :

- C'est Karl, je crois qu'il veut te parler.

Je sors de la cavité, redescends les marches et suis la voix qui m'appelle. Karl est le bras droit de notre chef. C'est lui qui nous transmet toutes ses instructions car il n'est pas souvent là, et beaucoup d'entre nous ne l'ont jamais vu. Il paraît même qu'il porte un masque, même devant nous. Lui, notre propre chef, ne veut même pas nous montrer son visage. Je ne connais moi même pas son visage, ne l'ayant jamais aperçu parmi nous. C'est même à se demander s'il existe vraiment. Il est celui qui nous a rassemblés, qui a créé l'organisation, qui nous a donné l'espoir et les moyens de croire en un monde meilleur. Il est tout pour moi, et j'aimerais seulement un jour lui serrer la main, pour lui confier mon immense gratitude.

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