Chapitre 16 : Michael

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     Cette fois-ci, je m'assure que personne ne m'a suivi en scrutant les moindres recoins autour de la trappe et tends l'oreille. Aucun son ne me parait suspect, alors je pénètre dans le souterrain. Des traces de sang séché sont encore collées au sol et forment un chemin qui mène tout droit jusqu'à notre infirmerie. Je me précipite vers le lieu le plus propre de tout notre quartier général en sentant mes pieds se coller au sol lorsque que je marche sur la substance poisseuse. Je m'arrête brusquement et plaque mes mains contre la porte pour ne pas me casser le nez, et un de nos infirmier ouvre subitement le battant construit par les ouvriers.

     - Qu'est ce que...

     - Salut, je peux entrer ? coupé-je en n'arrivant pas à mettre un prénom sur le visage du petit homme rondelet qui se tient devant moi.

     - Pour ?

     - Voir Anna, je suis un ami.

     - Votre nom ?

     - Michael, je suis espion.

     Il consulte une feuille qu'il tenait dans son dos et me laisse entrer en m'avertissant que je ne pourrai pas rester longtemps. Je le remercie d'un signe de tête et m'avance à grands pas vers le lit pliable où est couchée Anna, dans cette cavité souterraine froide et lugubre, éclairée avec de vieux néons. Son corps est enveloppé dans une couverture chaude, et je ne peux donc apercevoir que son visage inexpressif et endormi. Lorsque je pose une main sur le drap, je suis arrêté par une grande infirmière en blouse blanche qui m'interdit d'y toucher. Je me renfrogne et entends alors des voix dominer tout le bruit qu'il y aurait pu avoir aux alentours.

     - Mais je suis votre supérieur bordel ! Laissez-moi entrer !

     - Votre nom ?

     - Karl, le bras droit de votre chef qui va venir vous en mettre une si vous ne me laissez pas entrer dans cette fichue infirmerie !

     Je me retiens de pouffer. Les infirmiers sont très stricts et ne connaissent quasiment aucun membre de l'organisation. Ils sont le plus souvent confinés dans leur hôpital délabré en train de soigner la moindre petite blessure. Ils ne se souviennent qu'à peine de leurs patients. Ils ont souvent la tête ailleurs. Karl débarque en trombe tandis que le petit bonhomme qui m'a accueilli tout à l'heure, regarde d'un air mécontent sa petite fiche froissée.

     - Il faudrait qu'on invite nos infirmiers aux réunions stratégiques. Histoire qu'ils voient au moins le visage de leurs collègues, me marmonne Karl parfaitement offusqué.

     Je hausse les épaules et reporte mon attention sur le visage blafard de la jeune femme. Ses longs cheveux roux tombent sur le côté du lit blanc et ses yeux sont tellement cernés, qu'on croirait qu'elle n'a pas dormi depuis deux ans. Je pose une main sur son épaule et soupire :

     - Octave n'est toujours pas rentré ?

     - Non, tranche Karl, et ce n'est pas normal, il devrait déjà être revenu.

     - Comment on va lui annoncer ça ?

     - Il faudrait déjà qu'il revienne. S'il s'est fait buter, personne ne le saura jamais, et au moins, il n'apprendra pas la mort de sa copine.

      Je ne réplique pas. Karl a beau être cassant, je sais très bien à quel point la perte d'un membre de notre organisation l'accable à chaque fois. Une pensée néanmoins me traverse l'esprit :

     - Alors elle est condamnée ?

     - J'en sais rien, mais vu dans quel état elle est, elle ne tiendra pas bien longtemps. Il faudrait qu'Octave arrive au moins à temps pour lui dire au revoir.

Double {Terminé} Where stories live. Discover now