Chapitre 39 : Michael

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Nous hochons docilement la tête. Octave a le visage sombre et je n'arrive pas à comprendre le sentiment qu'il peut ressentir à cet instant. Manoé est encore beaucoup plus grand que d'habitude lorsqu'il se tient droit, il me dépasse d'environ deux têtes. Une expression froide et impassible est collée sur son visage couvert du sang de ses patients. Je ne peux pas exprimer de la joie en voyant mes deux amis debout à mes côtés. Je n'ai pas envie qu'ils risquent leur vie avec moi. Pourquoi les avoir choisis eux et pas d'autres ?

- Pourquoi avoir choisi un messager et un médecin ? interrompis-je en espérant que Karl reviendrait sur sa décision. 

- Parce que vous êtes les seuls en un seul morceau, coupe-t-il froidement.

La jeune femme s'incruste alors dans notre conversation et murmure d'une voix enjouée :

- Octave est très débrouillard, je l'ai vu plusieurs fois à l'œuvre, et un médecin est toujours très utile dans une équipe.

Sa phrase résonne quelques instants dans ma tête, jusqu'à ce que j'en comprenne vraiment le sens :

- Vous nous surveillez ? m'étranglé-je.

Manoé m'écrase discrètement le pied pour m'inciter à me taire, mais je n'en ai pas fini avec toutes mes remarques et mes questions :

- Evidement, il faut que je vois de quoi mes salariés sont capables.

- Comment ? poursuivis-je.

- Avec des caméras bien sur, ou alors grâce au rapport que Karl me fait régulièrement.

Le ton détaché de cette femme m'agace et j'aimerais lui arracher son masque juste pour voir son petit sourire niai disparaître.

- Comment communiquiez-vous ?

- Par téléphone.

Cette fois, je n'y tiens plus. Je m'approche à grands pas de Karl et laisse exploser toute ma fureur :

- Et tu vas me dire que pendant dix ans tu as fait confiance à une femme dont on ne connaît même pas l'identité et avec qui tu communiques par téléphone ?

Karl enlève mon doigt avec lequel je viens de lui frapper la poitrine et crache avec un sourire amer :

- Un peu de respect s'il te plait, tu parles de notre chef.

- Tu devrais plutôt te méfier de ce sournois de Karl, intervient l'intéressée, il n'a toujours pas digéré que je lui prenne sa place de chef.

Je fronce les sourcils et m'écarte d'eux. Ainsi Karl était le chef il y a dix ans. Je ne m'en souviens absolument pas. Ces deux là se connaissent donc très bien, j'ai eu tort de les remettre en question car si la femme avait été une traitresse, je ne vois pas pourquoi elle aurait attendu dix longues années pour nous dénoncer.

Je reprends honteusement ma place entre mes deux amis et n'intervient plus jusqu'à la fin. Karl finit de nous donner les consignes et nous donne rendez vous le lendemain soir pour préparer le départ.

Je quitte mes deux amis pour pouvoir enfin rentrer chez moi et jette un dernier regard suspicieux à la jeune femme. Elle me remarque et souris. Je rougis et détourne la tête pour dévaler les marches quatre à quatre. Une fois en bas, je m'arrête essoufflé et vois une ombre humaine se glisser près de moi.

- Je peux faire la route avec vous ?

La jeune femme me toise, sourit et j'accepte. Elle parait satisfaite, et nous commençons alors à nous diriger vers la sortie des vieux quartiers en marchant lentement. Elle a des jambes élancées, marche dignement, le menton haut et rajuste son masque derrière sa chevelure blonde et soyeuse.

- Alors, vous êtes fier de participer pour la première fois à une mission de ce genre ? me demande-t-elle.

- Ouais, marmonné-je en enfonçant mes mains dans mes poches.

- Vous n'êtes pas très bavard.

- Vous non plus, lancé-je, pourquoi ne vous être jamais présentée devant nous une seule fois en dix ans ?

Elle soupire et regarde les derniers immeubles délabrés qui se dressent au loin.

- J'aime que mon identité reste parfaitement secrète, commence-t-elle, je peux ainsi avoir deux personnalités. Le chef d'une organisation, et une jeune femme parfaitement normale qui va faire ses courses en ville tous les matins.

- Vous ne me montrerez donc jamais votre visage ?

Elle pouffe et murmure :

- Peut être, lorsque le moment sera venu.

- Et votre nom ? Me le direz-vous ?

- Vous imaginez bien que si je vous révélais mon prénom, je vous mentirais.

Je hausse les épaules et soupire. Je ne tirerai jamais rien de cette femme. Nous continuons notre marche silencieuse, tandis qu'elle ne pose aucune question sur moi.

- Je suppose que vous me connaissez très bien vous par contre.

- Evidemment, et plus que vous ne le croyez.

Son sourire vient alors reprendre sa place sur les lèvres et je grogne silencieusement. Avoir été épié pendant toutes ces années sans m'en être rendu compte me frustre et me gène. Cette femme est plus puissante que moi, elle sait tout, je ne sais rien, elle peut tout faire et je n'ai aucune autorité, pourtant, quelque chose me rapproche d'elle mais je n'arrive pas à déterminer quoi. Mon regard ne se détache pas d'elle. J'aimerais tant savoir ce qu'elle dissimule sous ce masque, sous ces cachoteries mystérieuses. Elle remarque l'attention que je porte sur elle et je détourne aussitôt les yeux en rougissant à nouveau.

Nous arrivons bientôt en vue de notre appartement oùAxelle doit m'attendre impatiemment. Je m'arrête lorsque j'aperçois notre fenêtre à l'étage et murmure :

- Je suppose qu'il m'est inutile de vous demander où vous habitez ? demandé-je à la femme qui m'accompagne.

Elle ne me répond même pas alors je l'arrête à son tour en lui bloquant la route avec mon bras.

- Mais je crois bien que vous allez finir la route seule car j'habite ici. Mais ça aussi vous le saviez j'imagine ?

- Oui Michael je le savais.

- Alors vous savez peut être aussi que mon amie m'y attend et que...

- Et que vous ne voulez pas qu'elle vous voit rentrer avec une aussi belle jeune femme.

Je rougis mais fronce les sourcils pour le cacher avant de pester :

- Exactement, alors si vous pouviez me laisser tranquille à présent...

- Je sais aussi qu'Axelle est allée faire un tour et qu'elle n'est donc pas là à nous épier par cette fenêtre, continue-t-elle d'un ton neutre en désignant la vitre que je regardais avec inquiétude il y a quelques instants, mais je vais tout de même partir pour vous laisser rentrer tranquillement  et vous préparer. A demain !

A ces mots, elle fait volte face et m'adresse un dernier signe de la main avant de s'éloigner dans la rue baignée de soleil, ses cheveux blonds flottants derrière elle.

Je regarde encore un moment cette élégante femme marcher délicatement sur le goudron chaud, avant de l'apercevoir porter une main à ses yeux pour arracher son masque noir. Elle continue de me tourner le dos et je sais qu'il serait bien inutile d'essayer de la rattraper pour apercevoir le visage qu'elle utilise pour se faire passer pour une simple citoyenne.

Un frisson me parcourt néanmoins l'échine. Combien d'autres choses sait-elle encore sur nous ?

Double {Terminé} Where stories live. Discover now