Chapitre 15 : Axelle

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     Je me réveille le lendemain avec la désagréable sensation d'avoir les vêtements collés à la peau. Je ne me rappelle pas avoir pris de douche. La faim me ronge l'estomac et je me tourne sur le dos. Ma chambre est remplie d'une odeur désagréable et je sens une présence près de moi. Michael, couvert de sang et à moitié assoupis se tient à mon chevet, avachi sur une chaise. Mon regard se pose sur mes habits de la veille couvert également de liquide poisseux et marron. Je pousse un long cri de surprise et d'angoisse et Michael se réveille en sursaut :

     - Qu'est ce que...Qui...Pourquoi...Comment ?

     Je ne cesse d'hurler des questions incomplètes tandis que le jeune homme tente vainement de me calmer.

     - Stop Axelle, calme-toi, tu ne te souviens pas ?

     Sa dernière phrase me fait taire. Je cesse de gesticuler en tenant d'arracher mes vêtements et repense à la journée d'hier. Une envie de vomir remplace alors la faim et je cours jusqu'à ma petite salle de bain. J'enlève précipitamment mon tee-shirt devenu rouge et mon jean imbibé de sang mais laisse la porte ouverte. Je soutiens mes jambes titubantes en appuyant mes mains sur le bord du lavabo et sens un filet de bave couler le long de mon menton. Les larmes s'ajoutent à la salive et je tourne la tête vers Michael qui m'observe tristement de loin, assis à l'endroit où je dormais il y a quelques minutes.

     Je le rejoins après m'être légèrement calmée et me laisse tomber juste à côté de lui. Ma respiration est saccadée et mon regard perdu dans le vide. Il détourne la tête pour éviter de poser ses yeux sur mon ventre et mes cuisses nues, et je replie mes genoux contre mon soutien-gorge.

     - Comment fais-tu pour rester aussi...calme ? demandé-je d'une voix tremblante.

     - Je suis aussi traumatisé que toi, mais j'essaie de ne pas le montrer. J'ai toujours appris à garder mon sang-froid.

     Je pose mon menton sur mon genou découvert et ma tête penche sur le côté :

     - J'en ai assez, murmuré-je, d'abord ce rêve où je me retrouve face à ce psychopathe qui essaie de me tuer, ensuite ta plaie au bras et maintenant ta petite amie mourante qui s'accroche à moi comme si j'allais la sauver.

     - Ce n'est pas ma copine, tranche-t-il en guise de réponse. Mais c'est celle de mon meilleur ami. Il est parti il y a un certain temps et je n'imagine pas sa réaction en apprenant dans quel état elle est.

     - Comment va-t-elle ? m'empressé-je de demander.

     Michael prend une grande inspiration, et cligne des paupières pour chasser la tristesse qui empli ses yeux turquoises.

     - Très mal.

     Je décide de ne pas répondre et baisse les yeux. Un silence pesant s'installe. Avec tous ses événements, j'en oublie alors la première raison qui m'a amenée jusqu'à lui.

     - Que faisais-tu là-bas ?

     Il lève un sourcil et marmonne :

     - C'est personnel.

     Je me renfrogne et il ajoute d'un ton neutre :

     - Et toi, tu m'as suivi.

     Je tressaille et m'apprête à le contredire mais je sais que c'est inutile. Il m'a démasquée et il n'est surement pas près de m'avouer ce qu'il fait dans les vieux quartiers. Je m'écarte de lui et décide de prendre les choses en main pour détendre l'atmosphère :

     - Je vais nous préparer quelque chose à manger.

     - Hors de question, s'exclame-t-il. Tu es encore sous le choc, alors tu te reposes et tu me laisses faire d'accord ?

     - Tu n'as pas dormi de la nuit je te rappelle, contesté-je.

     - Je vais très bien.

     Il me rassoit en posant ses mains mal assurées sur mes épaules dénudées et fait volte face après avoir rougit, pour se diriger vers la cuisine.

     Je me blottis à nouveau dans mes draps mais constate qu'ils sont fichus. Imprégnés d'une odeur répugnante et tâchés de sang, je sais qu'ils sont bons pour la poubelle. Je me débarrasse rapidement de ces couvertures cauchemardesques et cherche mes pantoufles du regard. 

     - Tu ne m'en veux pas ? me demande une voix lointaine.

     - De quoi est ce que tu parles ?

     Michael ne répond pas tout de suite. J'entends une casserole tinter, un bruit d'eau qui coule et la plaque de cuisson qui s'allume. Il est en train de faire des pates. J'aurais vraiment mieux fait de faire la cuisine.

     - D'être resté à ton chevet toute la nuit sans t'avoir prévenue.

     J'esquisse un sourire et mes oreilles chauffent. Passant une main dans mes cheveux ondulés en bataille, je murmure :

     - Il ne faut pas que tu t'en veuilles, tu as très bien fait de rester. Je ne sais comment j'aurais réagi si tu n'avais pas été avec moi.  

     Il n'ajoute rien et marmonne d'autres paroles incompréhensibles dans sa barbe. Je sais très bien que sa question avait un tout autre sens, et je me dois de répondre pour lui assurer que je ne lui en veux pas :

     - Et puis je te fais confiance Michael, on est amis maintenant.

     Il passe sa tête dans l'embrasure de la porte et sourit tristement.

     - Tu aimerais avoir comme ami un gars aussi bizarre que moi qui t'embarque dans des situations improbables ?

     - Oui...marmonné-je.

     Il décide de ne pas en rajouter et retourne surveiller sa casserole bouillonnante.

     - Moi aussi, il faut que je m'excuse.

     - Ah bon ?

     - Je suis désolé de m'être...jetée dans tes bras hier. C'était très puéril de ma part.

     Il s'esclaffe et tandis que je demande, offusquée, ce qui le fait autant rire, il balbutie, toujours le sourire aux lèvres :

     - C'est pas grave, on est amis maintenant.

     Je me précipite pour le rejoindre à la cuisine après avoir enfilé une robe de chambre et des pantoufles moelleuses, et me poste juste à côté de lui.

     - Et toi, est ce que tu aimerais avoir comme amie une gamine pleurnicharde qui se jette dans les bras de tout le monde ?

     - Sans hésitation.

     Nos regards se croisent pendant une fraction de seconde et nous éclatons de rire tandis que les pâtes sont en train de ramollir.

Double {Terminé} Where stories live. Discover now