Chapitre 77 : Michael

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Axelle se relève, chancelante, alors que je tiens encore dans mes bras le cadavre de la petite fille. Je suis tellement en colère que l'idée de partir et d'abandonner Axelle ici, frêle, blessée et mourante, me traverse l'esprit. Mais je ne suis pas comme cela. Quoi qu'il arrive, je veux à tout prix aider les autres. Sinon, à quoi se résumerait la vie ?

Mais je n'ai pas pu sauver la fillette. Axelle a elle aussi été prise d'un violent excès de colère qu'elle n'a pas su maitriser. Son regard devient vide, elle doit enfin prendre conscience de ce qu'elle a fait. Manoé grogne et déguerpit en me lançant un regard qui m'invite à le suivre. Ils vont partir sans nous si je ne me dépêche pas.

Elle tombe soudainement à genoux, son corps ne pouvant plus supporter tout cette douleur morale et physique. Je n'avais jamais imaginé que Karl puisse mourir un jour. Mais c'est fait, il est trop tard. Je sais que je ne peux pas comprendre le désarroi et la détresse d'Axelle. Elle tousse, continue de cracher du sang, puis jetant un regard aux cadavres de cette pièce, elle vomit tout ce que son estomac peut évacuer. Elle s'essuie la bouche, terrorisée, faible, au bout du rouleau. II est impératif maintenant de partir, si nous voulons avoir encore une chance de survivre.

Elle n'a plus de force, alors je me penche vers elle et annonce avec dureté :

-         Axelle, il faut filer maintenant !

Elle ne bouge pas, le regard fixe, perdu sur l'étendue de sang qui tapisse le sol de la pièce. Sur le lit, les draps sont éclaboussés du liquide rouge, comme les papiers sur le bureau. Un silence de mort règne, qui m'angoisse et me pèse. Soudain, ses yeux tournent dans leurs orbites et elle s'effondre sur le côté.

Je l'appelle, prends son pouls, essaie de jouer le rôle de Manoé, mais avant que je ne panique ou décide de la porter pour la faire sortir, elle ouvre à nouveau les yeux.

-         Je t'en prie Axelle, réveille toi !

Elle cligne des paupières et murmure d'une voix brisée :

-         Qu'est ce qu'il se passe ?

Le temps file plus vite que ce que je ne pensais. Manoé ne va peut être pas nous attendre éternellement, s'il sait qu'il est en grand danger.

-         Tu t'es évanouie pendant quelques secondes, mais les autres ont déjà filé ! Il faut y aller Axelle, immédiatement !

Je lui attrape le bras et l'aide à se relever en essayant de faire en sorte qu'elle ne regarde pas les corps qui nous entoure. Nous sortons enfin de la pièce. Tout est terminé, tout est derrière nous. Nous laissons ici le sang, et les pleurs, et nous rentrons à la base, et je prie pour qu'Axelle n'ait pas oublié notre discussion qui pourrait tout faire basculer.





Je vois la forme de son corps plonger dans les profondeurs de la rivière sombre. Manoé redémarre en trombe la voiture. Elle a fait un saut d'environ cinq ou six mètres. Il nous faut quelques secondes pour arriver  en bas, au lit de la rivière. Je saute du véhicule alors qu'il n'est pas encore à l'arrêt et m'enfonce dans l'eau glacée, jusqu'à la taille. Je n'y vois absolument rien. Il n'y a pas beaucoup de courant alors elle ne devrait pas avoir trop dérivé. Je prie juste pour qu'elle n'ait pas touché le fond ou alors un énorme rocher, ce qui diminuerait ses chances de survie.

L'eau m'arrive au dessus de la poitrine, je tâtonne dans le noir sans rien trouver. Je suis gelé jusqu'au os. Je n'ai bientôt plus pied, alors je prends une grande inspiration et plonge la tête la première dans l'eau noirâtre. Mes mains touchent le fond recouvert de graviers, mais je ne trouve toujours rien. J'essaie d'ouvrir les yeux, mais c'est bien inutile. Je remonte, à bout de souffle, et Manoé derrière moi s'exclame :

-         Mike, regarde là-bas à droite !

Je tourne vivement ma tête vers la direction indiquée et aperçois effectivement une masse flottant au milieu des rochers. Je nage aussi vite que je le peux, malgré le froid, la fatigue et la faiblesse, et arrive enfin à sentir son corps sous mes doigts engourdis. Seul son dos sors de l'eau, sa tête est encore immergée, alors je la lui soulève, la pose sur mon épaule et revient en nageant à reculons sur le dos. Aucun souffle ne sort de sa bouche entrouverte, ses cheveux blonds sont collés contre son visage et ses paupières ne s'ouvrent pas. Mes pieds touchent à nouveau le fond et j'accélère la cadence. Arrivé enfin à la limite de l'eau, je dépose brusquement Axelle dans les bras du médecin et grimpe dans la voiture :

-         Occupe-toi d'elle, c'est moi qui conduis.

Ils s'installent, et j'appuie fermement sur l'accélérateur. Notre voiture dont les phares sont éteints, s'éloigne du lit de la rivière et disparaît en un rien de temps dans les profondeurs obscures de la nuit.

Double {Terminé} Donde viven las historias. Descúbrelo ahora