Chapitre 43 : Michael

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La villa se dresse au loin, majestueuse, impressionnante. Reculée de tout, elle se tient au sommet d'une minuscule colline et est facilement accessible par une route très large recouverte de gravier qui à été tracée il y a peu de temps, rasant toute la végétation qui avait pu se trouver à proximité. Elle est surélevée grâce à une immense base en béton qui dissuaderait un bon nombre de bandits qui voudraient s'y introduire, mais pas nous.

Tant de lumières jaillissent à cette heure qu'on se croirait en plein jour. Quelques camions remontent lentement la route pour rejoindre la demeure du dictateur dont on connaît parfaitement le visage. Son portait placardé dans chaque recoin de cet état nous a permis d'examiner attentivement ses traits, nous savons ainsi exactement qui nous devons éliminer.

Nous sommes tous les quatre en première ligne. Notre supérieure est accroupie à quelques centimètres de moi et scrute attentivement les alentours. Une vingtaine de soldats armés jusqu'aux dents, patientent derrière nous, sans faire aucun bruit. Il n'y a pas le moindre souffle, pas le moindre bruissement ou craquement. Au moment où je me lève, et que je me mets à courir, le dos courbé en direction de la colline, je me sens alors complètement parti, détaché du monde.

J'ai définitivement quitté tout ce qui se rapportait à ma vie, ma vraie vie. Axelle, ma mère, ma maison, notre quartier général, Anna...tout. Il n'y a en cet instant que moi, mes amis, le dictateur et la mort.

Nous gravissons difficilement la bute de terre recouverte de pelouse tondue avec négligence. Tout paraissait impeccable de loin, mais les mauvaises herbes se multiplient, elles nous arrivent au dessus des chevilles, les arbres vieillissent et forment un toit vert qui nous permet de nous dissimuler par rapport aux potentiels hélicoptères qui pourraient faire des rondes autour de la villa.

Nous pensons gravir la colline sans encombre lorsque des voix nous parviennent. Instinctivement, nous stoppons notre avancée et tendons l'oreille pour savoir s'il est nécessaire de nous cacher dans l'immédiat. J'aperçois au loin des faisceaux de lampes torches qui balaient le sol et me colle au sol comme tous les autres de mes camarades. Les lumières s'approchent, s'arrêtent, puis partent sur la gauche, nous contournant. Notre chef se relève, la respiration saccadée en nous conseillant une nouvelle fois de faire le moins de bruit possible.

Mes pensées sont comme arrêtées, bloquées. Je suis le mouvement sans me poser de question, attendant le moment ou je devrai vraiment risquer ma vie.

Nous croisons un bon nombre d'autres patrouilles de ce genre, et la jeune femme masquée finit par s'en inquiéter :

- Pourquoi avoir tant renforcé la sécurité ? Nous ne devrions pas croiser autant de gardes. Surtout en n'étant toujours pas dans l'enceinte de la villa !

Un mauvais pressentiment nous enserre la gorge. Nous sommes habitués aux imprévus, mais il risque aujourd'hui d'y en avoir plus que d'habitude.

- Il doit y avoir un événement important ce soir, continue tout bas notre supérieure. Allons voir.

Nous arrivons enfin à la lisière de la forêt dans laquelle nous avançons depuis déjà un bon bout de temps. Nous nous arrêtons un peu avant et nous approchons tous les quatre prudemment à quatre pattes pour observer la scène. De la musique parvient à nos oreilles et des lumières colorées s'échappent régulièrement des fenêtres. Je retiens ma respiration et voit le visage de notre chef se tendre.

- Une fête, marmonné-je.

- Avec un tas de civils à l'intérieur, et des gardes postés absolument partout, poursuit Manoé.

Nous jetons tous un regard interrogateur à notre chef dont le visage se détend en affichant une expression sereine :

- Il nous faut seulement une robe et trois costumes. 

Nous restons muets, plongés dans nos pensées, lorsqu'Octave murmure d'un ton ironique :

- Oui bonne idée, mais on entre comment sans invitation et sans habits adéquats ?

Elle ne répond pas et nous fait signe de rester ou nous sommes. Elle s'éloigne sur la droite et disparaît de notre champ de vision. Nous attendons de longues minutes en nous lançant régulièrement des regards inquiets ou interrogateurs, lorsque Manoé nous fait un signe de tête dans sa direction alors qu'elle apparaît derrière un buisson. Je cligne des yeux pour apercevoir ce qu'elle traine derrière elle et constate que ce sont des corps, sans vie. Nous nous précipitons vers elle car elle peine à nous rejoindre sous le poids de ses quatre victimes.

- Vous les avez tués ! m'exclamé-je en arrivant à leur hauteur.

- Oui, répond-t-elle d'un ton insignifiant, mais avec un coup de poignard dans la nuque, pour salir le moins possible leurs vêtements.

J'observe avec effroi les quatre visages figés et maculés de sang dont les yeux écarquillés regardent dans le vide. Je me mords la lèvre inférieure et déglutis. Ils ne méritaient pas de mourir. Et pour comble de tout, après les avoir froidement assassinés par je ne sais quel moyen, nous allons voler leurs habits.

Notre chef qui essuie ses mains pleine de liquide poisseux, n'hésite pas une seule seconde à déshabiller la jeune femme avec un trou dans la tête. M'opposer à elle est complètement fou, mais je ne peux pas rester là sans manifester mon mécontentement :

- Nous aurions pu trouver une autre solution.

- Ah oui, laquelle ? me demande froidement notre supérieure en ôtant précipitamment sa combinaison noire et moulante.

Je ne réponds pas et détourne les yeux tandis qu'elle enfile la longue robe rouge de sa victime à présent en sous-vêtements.

- Je ne mettrai pas les habits d'un pauvre innocent assassiné...

- Un pauvre innocent ? s'étrangle la jeune femme en ajustant les plis de sa robe. Un pauvre innocent avec du fric plein les poches qui participe à des soirées, se promène librement entre les états grâce à l'autorisation de son ami le dictateur, qui ne se préoccupe pas du malheur qui les entoure et qui n'a jamais peur de mourir de faim ou de froid.

J'ai un mouvement de recul face à la mine enragée de notre chef. Elle me lance un regard hautain, respire bruyamment pour se détendre et se détourne en lissant ses cheveux remplis d'épines.

- Habillez-vous vous autre, lance-t-elle à mes compagnons, si Michael ne veut pas venir, il restera ici et attendra de se faire tuer par des soldats innocents.

Elle appuie bien sur le dernier mot de sa phrase en me jetant un bref regard et je prends alors une grande inspiration pour trouver le courage de dévêtir le vieil homme affalé à mes pieds.

Double {Terminé} Where stories live. Discover now