Chapitre 40 : Michael

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Notre chambre est en désordre. Des vêtements sortant des sacs sont éparpillés un peu partout mais je n'ai pas eu la force de ranger. Le nouveau maillot de bain vert d'Axelle gît dans un coin de la pièce entouré de quelques sous-vêtements, et la fenêtre au dessus est grande ouverte, laissant circuler l'air chaud de la soirée dans l'appartement. Je suis rentré en sueur, épuisé et tétanisé, et je n'ai même pas pris la peine de manger un bout ou de me laver. Demain sera une dure journée, et j'ai besoin d'un grand repos et d'une grande séance de méditation.

On toque à la porte. Je grogne et demande de qui il s'agit à moitié endormi sur l'unique lit de la maison. Axelle m'informe que c'est elle qui vient de rentrer. Il est tout juste dix huit heures. Elle n'est pas raisonnable, elle aurait pu rentrer plus tôt, ce qui lui éviterait d'éventuels ennuis comme la dernière fois. Je marmonne que la porte est ouverte et elle entre précipitamment sans m'accorder une parole. La porte claque derrière elle et j'ouvre un œil pour n'apercevoir que le mur blanc tout proche de mon visage. Allongé sur le ventre, je lève légèrement la tête pour lui dire, ensommeillé :

- Où étais-tu ?

- J'étais en train de me baigner, je n'ai pas vu le temps passer !

Je grogne en espérant qu'elle fera le moins de bruit possible et elle entre alors en trombe dans la salle de bain en hurlant :

- Je vais prendre une douche !

Ses paroles me font l'effet d'un coup de massue dans le cerveau, et elle en rajoute une couche en claquant à nouveau la porte. J'entends immédiatement l'eau couler et me laisse bercer par le bruit régulier du clapotis en replongeant ma tête dans l'oreiller.

Je n'ouvre que les yeux au moment où Axelle se penche sur moi en me murmurant doucement à l'oreille :

- C'est l'heure de manger.

- Pas faim, je réponds faiblement.

Elle soupire et entreprend de me caresser affectueusement le dos. Je souris mais elle ne le voit pas car ma bouche est enfoncée dans mon coussin moelleux. Je sens le matelas s'affaisser lorsqu'elle s'assoit et me demande :

- Qu'est ce qu'il t'arrive Michael ?

Je tourne la tête sur le côté gauche en sentant mon oreille pressée contre l'oreiller se boucher et marmonne les yeux fermés :

- Je t'expliquerai demain.

- C'est en rapport avec ce qu'il s'est passé cet après midi ?

Je hoche légèrement la tête et ouvre les yeux pour voir ses épaules et les coins de sa bouche s'affaisser. Elle coince une mèche de ses cheveux humides derrière son oreille et se relève délicatement pour me laisser dormir en déposant un baiser chaleureux sur ma joue.

Ma tête redevient plus lourde mais je garde tout de même les yeux ouverts pour la voir s'éloigner avec sa démarche gracieuse, ses jambes bien dessinées et son pyjama moulant.


Demain, je serais peut être déjà mort. La mort est une chose qui me suit, me colle et vit avec moi depuis des années, mais je me suis rarement senti aussi proche d'elle. Ma joie d'il y a quelques heures est retombée à présent, et j'ai l'impression de regretter un grand nombre de choses. J'ai abandonné ma mère, elle ne saura sans doute jamais si je suis mort, et je n'aurai pas pu la voir une dernière fois. Ma dernière rencontre avec elle remonte à déjà plusieurs mois, et elle me manque. J'ai eu une enfance sans mère, sans père, sans rien du tout. J'ai l'impression qu'elle n'est toujours pas achevée, puisqu'elle ne m'a pas satisfaite.

J'aimerais retenir mes larmes mais c'est presque impossible. Je déglutis en évitant de penser à toutes les choses merveilleuses que j'aurais pu faire si je ne m'étais pas engagé dans cette fichue organisation.

A quoi toutes nos missions ont-elles servis jusqu'ici ? Je suis prêt à parier que nous avons juste perdu notre temps et sacrifié des vies humaines pour rien. Un nouveau dictateur aura prit la place de l'ancien, et notre intervention n'aura servi qu'a renforcer la sécurité.

J'ai l'impression que demain, j'irai me jeter tout droit dans les bras de la Mort, sans espoir de survie, et que je verrai mourir tous mes amis avec moi. Un mort atroce, mais une mort méritée. J'ai fait du mal depuis plus de quinze ans, je n'ai jamais essayé de raisonner qui que ce soit et j'ai suivi bêtement le mouvement. Ma mort n'aura aucun impact, peu de personnes me pleureront, mais au moins je ne serai plus là pour assister au terrible spectacle qu'est l'avenir.

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