Chapitre 62 : Michael

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Je ne me suis jamais senti aussi seul. Depuis que je connais Axelle, ma vie a pris un tout autre sens. J'étais seul avant de la rencontrer, mais jamais ce sentiment de vide ne m'avait autant dévoré la poitrine. Notre relation est en péril. Elle aime plus son organisation que moi, c'est sûr. Mais moi je l'aime plus que tout. Perdrais-je donc mon temps avec elle ?

Le froid me transperce les entrailles et mon cerveau est brumeux. Il tourne à plein régime, et pourtant je n'arrive pas à avoir les idées claires. Je suis sur le point de m'assoupir quand des exclamations de voix attirent mon attention.

- Salut Mike, qu'est ce que tu fous assis tout seul ici ?

Je reconnais un de mes collègues espions qui me fait un signe de la main. Je soupire et lui rend son signe sans prendre la peine de me relever :

- Je ne peux rien faire à part attendre que le temps passe. Et vous alors ?

Il est suivi de cinq autres personnes, le dos courbé, sans aucune motivation dans le regard.

- On va recruter ! me répond-t-il avec un sourire agaçant sur les lèvres.

Mon sang ne fait qu'un tour. Ils ne peuvent pas aller enlever d'autres gamins pour grossir nos rangs, c'est impossible, cela endommagerait tous mes projets.

- Les gars n'y allez pas s'il vous plait, plaidé-je. Laissez ces enfants en compagnie de leurs parents. Ne les forçaient pas à devenir des assassins comme nous.

Certains me regardent avec un air de pitié. J'ai sûrement touché un point sensible, mais une voix glaciale résonne alors derrière le groupe :

- Ne l'écoutez pas.

Axelle se montre et me lance un regard noir. Je sais qu'il n'y a plus aucun espoir pour que je les arrête. Ils obéiront à leur chef, et ignoreront un pauvre gars qui avait eu pour projet de s'enfuir.

- Axelle, tenté-je tout de même.

- La ferme Michael. Karl t'a permis de te rattraper alors ne le déçoit pas.

Son ton si ferme laisse sous entendre qu'elle m'aime et qu'elle entend mes idées, mais qu'elle ne permettrait en aucun cas que j'embobine ses petits sujets.

- Allez-y vous autre, et ramenez le plus de gamins possible.

Je soupire assez fort pour qu'elle m'entende, mais elle m'ignore. Le groupe derrière nous devait trouver ridicule notre petite dispute de couple. Ils acquiescent à l'unisson et sortent de l'immeuble. Je reste le dos appuyé contre le mur et toise Axelle. Une idée me traverse l'esprit. Elle ne me le pardonnera peut être pas facilement, mais il faut que je le fasse.

Elle croise les bras et jette un œil dans ma direction pour me voir me lever d'un bond et m'élancer sur elle. Elle n'a pas le temps de réagir, et je sais où est son point faible. Elle a reçu deux balles sur le flanc gauche, si je tape assez fort à cet endroit, je pourrais la maitriser assez longtemps pour rattraper le groupe et essayer de leur faire entendre raison.

J'envoie mon pied et vise l'endroit avec précision. Elle pousse un horrible cri de douleur et s'écroule sur le sol en se maintenant fermement le ventre. J'avale ma salive mais prend sur moi et détourne mon regard de son corps recroquevillé par terre pour courir en direction de la sortie.

Des dizaines d'autres personnes ont dû être alertées par son cri. Je n'ai pas beaucoup de temps devant moi. Je donne un violent coup de pied dans la porte qui s'ouvre à la volée et balaie la rue désertique du regard. Je ne les voie nulle part alors je me mets à courir en tournant la tête dans toutes les directions. J'accélère, je zigzague dans les allées, et soudain, j'entends des exclamations de voix derrière moi. Ils sont en train de marcher d'un pas pressé, tout en se racontant je ne sais quoi d'une voix forte.

Je les rattrape, les double, et leur barre la route. Haletant, je m'exclame :

- Allez, ne faite pas cela s'il vous plait. Ils sont innocents ces pauvres enfants, ils n'ont rien demandé.

L'espion qui me parlait tout à l'heure à l'air surpris, mais moi je suis déterminé.

- On obéit nous, laisse nous passer.

- Est-ce que vous accepteriez ? tenté-je.

- Accepteriez quoi ? me demanda une femme aux joues creuses et aux cheveux noirs.

- Est-ce que vous accepteriez à nouveau d'entrer dans cette organisation si on vous le proposait, là, tout de suite ?

Un silence s'installe. Je trépigne. Axelle va débarquer d'une minute à l'autre, folle de rage, et ce n'est vraiment pas le moment. Je sens que je suis sur le point d'obtenir un peu de soutien.

- Vous aimeriez continuer vos crimes ? Plutôt qu'aller retrouver les êtres qui vous sont chers ? Vous ne voudriez pas fonder une famille ?

Le silence continue. Quelques uns froncent les sourcils. Je me suis égaré.

- Je ne parle pas d'arrêter de nous battre au contraire, me rattrapé-je. Justement, nous pourrions nous défendre, et lutter pacifiquement ! Il existe d'innombrables moyens de le faire. Vous imaginez ? Plus de sang, plus de morts, plus de cris ni de souffrance ? Alors, vous accepteriez ?

- Evidement, finit par dire l'espion d'un ton moqueur.

- Pas moi, dit un jeune homme en abaissant les épaules.

Je le regarde avec compassion. Les autres le toisent, surpris, mais certains suivent courageusement son exemple :

- Ni moi.

- Moi non plus.

Les derniers se taisent. Soient sont-ils contre, soient ont-ils peur d'avouer leur trahison.

- Aidez-moi à faire entendre raison à tout le monde. Voulez vous vraiment que des gens continuent à périr sous vos yeux ?

- C'est trop tard.

La phrase prononcée par la jeune fille est la dernière chose que j'entends avant de m'écrouler au sol après avoir reçu un violent coup à la nuque.

Double {Terminé} Where stories live. Discover now