Chapitre 11 : Michael

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Je descends l'échelle humide avec difficulté. Dans le souterrain, tout est silencieux. J'appelle Karl car je sais que lui seul peut prendre des décisions importantes.

Après notre courte escapade sur l'île du dictateur, nous sommes descendus du bateau et j'ai emmené la jeune femme sur ma moto. Arrivés près des vieux quartiers, j'ai tenté de lui bander les yeux mais elle a résisté et tenté de s'enfuir alors j'ai employé les grands moyens.

A présent je la traine derrière moi en la soutenant par la taille tandis qu'elle dort, après avoir reçu un coup sur la nuque. Je répète mon appel jusqu'à ce qu'il m'aperçoive en descendant d'un escalier et qu'il se précipite vers moi. Ses courts cheveux noirs volètent derrière lui et je le vois glisser une main vers sa ceinture pour attraper l'arme dont il ne se sépare jamais.

- C'est quoi ça ? demande-t-il en pointant son pistolet sur la jeune femme dont les cheveux ébouriffés effleurent le sol glissant.

J'essaie de la soulever tant bien que mal pour ne pas que sa tête ne se pose contre le sol froid et marmonne :

- C'est grâce à elle que j'ai pu m'introduire dans la base de notre représentant. J'ai pas fait tout ça pour que tu la tues maintenant alors trouve moi une salle où on pourra la retenir pour ne pas qu'elle nous dénonce.

Karl hausse les sourcils et murmure, amusé :

- Quand je parlais de te faire inviter par une jolie demoiselle sur son bateau, je ne m'attendais vraiment pas à ce que tu le fasses.

- C'est la première qui m'est tombée sous la main.

L'intéressée commence alors à gémir et remue légèrement la tête. Le sang doit être en train de lui remonter jusqu'au cerveau. Je doute que cette position soit très confortable, elle ne va pas tarder à se réveiller.

- Bon allez, dis moi où je pourrais l'installer !

Karl soupire et me dirige vers les vestiges de l'ancien métro qui passait par ici et qui ne semble pas trop endommagé. Il ouvre la porte coulissante du wagon avec difficulté et je pénètre à l'intérieur en évitant de cogner la jeune femme de tous les côtés. Je l'allonge sur une rangée de fauteuils totalement inconfortables et demande :

- Comment va-t-on faire pour l'enfermer ?

- Franchement, si elle arrive à faire glisser cette vieille porte toute seule... Et puis si jamais elle sort, on l'entendra et on la rattrapera avant qu'elle ne se fasse la malle. Des gars feront des rondes autour de temps en temps pour s'assurer qu'elle ne fait pas de conneries.

Je suis surpris. C'est la première fois que Karl prend autant de précautions pour un prisonnier. Son regard est rempli de chagrin et je doute que quelqu'un ait déjà vu le bras droit du chef dans cet état là. Voyant que je l'observe avec attention, il marmonne froidement :

- Elle me fait penser à ma femme.

Karl ne nous a jamais parlé de sa famille. S'il avait une femme, ils se sont surement séparés, ou alors elle est morte, car tous ceux qui ont rejoins notre organisation n'ont pratiquement plus de famille. Je n'ose pas lui poser la question. Se séparer des êtres qui nous sont chers est un sacrifice que nous devons tous faire pour servir cette organisation et tout le monde sait combien c'est douloureux et difficile d'en parler. Sa phrase me fait néanmoins penser à quelque chose :

- Karl, j'aimerais que tu me charges de m'occuper d'elle. Je sais que toi tu ne pourras pas le faire car tu as trop de travail, et je n'ai pas confiance en tes copains les obsédés.

Il s'approche de moi d'un pas menaçant tandis que je ne bronche pas et crache :

- C'est moi qui sais en qui nous devons avoir confiance ou pas, mais c'est d'accord, je dirais à mes « copains obsédés » de ne pas l'approcher, et toi tu iras lui apporter ses repas et lui tenir compagnie.

J'hoche docilement la tête et regarde celle sur qui je dois à présent veiller, allongée sur trois sièges orange en plastique. Une odeur de brûlé imprègne l'endroit, les murs du métro sont recouverts de vieux tags, et de nombreuses vitres sont brisées. C'est un des rares wagons qui n'a pas été détruit. La jeune femme, dont la robe est déchirée et laisse donc apercevoir une grande partie de sa jambe droite, remue et fait tinter ses bijoux sur le plastique dur. Je m'approche alors d'elle avant qu'il ne soit trop tard, mais elle est déjà par terre et se redresse en sursaut :

- Que...

Elle n'achève pas sa phrase et pousse un cri en me voyant. Elle se lève précipitamment et tente de m'échapper en contournant les trois sièges qui nous séparent. Je lui barre la route alors qu'elle s'apprête à sauter hors du wagon et elle se jette sur moi, comme si elle espérait me faire perdre l'équilibre. Karl passe sa tête dans l'ouverture de la porte, alerté par le bruit que provoque la jeune femme et s'esclaffe :

- Bon courage Michael !

Je l'entends alors s'éloigner en éclatant de rire. Cette situation ne m'amuse guère, au contraire. Je pousse ma prisonnière vers le fond du métro et lui ordonne de rester tranquille et je ferme alors la porte coulissante le plus rapidement possible.

C'est vrai qu'il faudrait normalement la force de trois hommes pour déplacer cet engin rouillé, mais au bout de quelques secondes durant lesquelles je prie pour que la jeune femme n'arrive pas à s'échapper, j'arrive à refermer entièrement la large porte. Elle s'est accroupie, dans un coin du compartiment, et a enfoncé sa tête dans ses genoux. J'entends de faibles bruits, mais en voyant ses épaules tressauter, je comprends qu'elle pleure.

Voilà pourquoi je déteste ce métier dans ces moments là. On traumatise de pauvres innocents qui n'ont rien demandé. Je dois tout faire pour la rassurer. J'ai l'impression que c'est mon devoir, puisque personne d'autre ne le fera. Je m'accroupis en face d'elle et pose une main réconfortante sur ses bras repliés autour de ses jambes. Elle tremble de plus en plus et n'ose pas lever les yeux vers moi.

- N'ayez pas peur, l'objectif est de vous garder en vie et de ne pas vous faire de mal. Si j'avais dû vous tuer vous seriez déjà morte, et si j'avais voulu vous agresser, je l'aurais déjà fait également, d'accord ?

J'utilise le ton que prenait ma mère pour me réconforter lorsque j'étais dans tous mes états. Il y a beaucoup de choses la concernant que j'ai oublié, mais pas ses mots doux qu'elle me murmurait lorsque je craquais.

- Qu'est ce que vous voulez de moi alors ?

Sa phrase est presque inaudible, mais je réussi à en comprendre le sens :

- On veut être sur que vous ne révèlerez rien à personne sur ce qu'il vient de se passer aujourd'hui.

- Je ne dirai rien je vous le jure !

- Je ne peux pas prendre le risque de vous faire sortir...

Elle sursaute alors et cesse brusquement de sangloter. Sa tête se redresse d'un seul coup et elle hurle :

- Vous allez me séquestrer toute ma vie ?

Je n'ai même pas le temps de répondre qu'elle se lève, trébuche, et s'étale de tout son long près de moi. Je me précipite pour la relever et balbutie :

- Non, non pas du tout. Lorsque nous quitterons cet état nous vous relâcherons.

Je la sens se détendre un petit peu et elle se laisse faire tandis que je la rassois sur un siège. Elle essuie mécaniquement ses yeux baignés de larme et serre entre ses doigts sa robe rouge déchirée au niveau de ses cuisses. Je l'observe tandis qu'elle a les yeux rivé sur ses jointures qui blanchissent et je prends congé en lui assurant de repasser très souvent la voir.


Chapitre long... 😅❤️

Double {Terminé} Onde histórias criam vida. Descubra agora